INfluencia : votre coup de cœur ?
Michèle Benzeno : l’adieu aux larmes de Rafael Nadal à Roland Garros. Un moment de grâce inouïe. Rafa s’est incliné au premier tour après 14 victoires à Roland Garros, face à Alexander Sverev, numéro 4 mondial. Fidèle à sa légende, il s’est donné les raisons de croire à un éventuel retour sur sa terre sacrée. Cette scène finale mémorable et remplie d’émotions où la Directrice du tournoi, Amélie Mauresmo vient lui susurrer à l’oreille quelques mots, pendant qu’Alexander Sverev, s’excuse presque de parler au micro devant un public enflammé rendant hommage à notre tant aimé Rafa. Quinze mille personnes suspendues aux lèvres du plus grand joueur de l’histoire de Roland Garros. C’est mon coup de cœur et mon antidote contre la morosité, une vague de joies et d’amour descendue des tribunes pendant plus de trois heures, des images merveilleuses de grands compétiteurs, de grands champions, des valeurs de fraternité, de respect de la performance et de la détermination, une fierté collective quelques que soient nos différences ! Le sport contribue définitivement au développement individuel et à la cohésion sociale.
Mon deuxième coup de cœur est pour « Frères » avec Yvan Attal et Matthieu Kassovitz, une incroyable histoire de fraternité autour de deux jeunes enfants orphelins abandonnés par leur mère durant l’été 1948, qui s’enfuient dans la forêt et survivent seuls comme des enfants sauvages pendant sept ans avant de rejoindre la vraie vie, les pensions, les familles d’accueil avec leurs désillusions et traumatismes. Une histoire d’amour sans limite basée sur des faits réels qui révèle des capacités d’adaptation hors-norme et le développement d’un lien fusionnel à couper le souffle.
Une société où n’importe quelle polémique peut s’enflammer. Je fais le parallèle avec « la Fièvre » créée par Eric Benzekri, auteur de « Baron Noir »
IN : et votre coup de colère ?
M.B. : deux mots : déshumanisation et désinformation. La crise sanitaire nous a plongés dans un monde anesthésié par ce que j’appelle « des sas anti-émotionnels ». Tout a changé, notre rapport au travail, notre lien émotionnel aux autres, la relation à l’information et l’actualité où la banalisation de la violence ne choque plus personne. L’hyper connexion aux réseaux sociaux a exacerbé l’individualisme. La nuance, la prudence, les faits, l’analyse, le journalisme d’investigation, l’importance du choix des mots sont désormais démodés pour laisser place au sensationnalisme, l’info en jet continue où la précipitation nourrit les extrêmes qui instrumentalisent une partie de la jeunesse. Tout est contesté et contestable, sous l’ombrelle de théories complotistes à tout va ! Mais où est passé notre esprit critique ? Où est passé notre tolérance et notre respect des différences ? Où est passé notre humanité dans un monde de guerres, où la culture de la haine en ligne est devenue la norme ? Je fais le parallèle avec « la Fièvre » créée par Eric Benzekri, auteur de « Baron Noir ». Cette série ausculte la folie communicationnelle de notre société, prompte au scandale. Une société où n’importe quelle polémique peut s’enflammer. La caméra filme la société avec en fil rouge les réseaux sociaux, un club de foot, des communicants, des politiques, des cellules de crises. Fiction ou réalité ?
IN : la personne qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
M.B. : mon père, Samuel. Il a marqué toute mon enfance et toute ma vie. Petite dernière d’une famille de quatre filles, j’ai toujours été fascinée par mon père, qui a démarré sa carrière dans les imprimeries du Monde et du Figaro. Typographe de formation et incroyablement érudit, il était amoureux des mots. C’était un grand pacifiste, d’une force et une détermination incroyables. Il m’a tout suite inculqué l’indépendance et le goût de l’effort, l’importance du travail. Pour lui le « non » n’existait pas et il m’a légué ce trésor de guerre. Il m’a aussi transmis la bonté, la gentillesse et la capacité à donner. Pour moi, rien, ni même le pire ne résistera à la sensibilité et l’intelligence émotionnelle. Il a été l’un des premiers entrepreneurs typographes indépendants en France, je l’accompagnais souvent à l’imprimerie. Je suis assez fière de me dire qu’à l’âge de 15 ans, j’ai été Présidente des plus grandes entreprises du CAC 40 grâce aux fausses cartes de visites qu’il avait façonnées pour moi
Je pense que je suis vraiment une artiste ratée
IN : votre rêve d’enfant
M.B. : j’ai toujours eu une immense fascination pour les comédies musicales, de « La La Land » à « West Side Story »et les endroits comme Broadway et Hollywood. J’ai secrètement rêvé de faire partie d’une troupe où les personnages chantent à tue-tête et dansent de façon endiablée. C’est fascinant de voir le public transporté ! La comédie musicale est l’un des rares formats narratifs à faire sortir les gens de leur quotidien, à les faire voyager dans un univers entre rêve et réalité. C’est aussi une manière singulière pour les artistes d’exprimer des émotions. La danse, le chant sont des vecteurs de joies communicatives où l’on se laisse envahir par ses sentiments. Il y a aussi un parallèle intéressant avec la pop culture qui est devenue une source d’inspiration pour les comédies musicales comme « Mamma Mia » qui reprend les tubes d’Abba, « Billy Elliot » écrite par Elton John et bien sûr « We Will Rock You » basée sur les chansons de Queen. On assiste à un retour en force du genre, y compris dans l’univers des séries grâce à des épisodes musicaux comme on a pu le voir dans l’épisode « Suits » de la série « How I met your mother » ou plus récemment dans « Umbrella Academy ».
Je pense que je suis vraiment une artiste ratée (rires). J’avoue avoir chanté « America » de « West Side Story » dans ma chambre avec mes sœurs déguisées des pieds à la tête en croyant très fort que j’étais face à une scène endiablée. C’est définitivement ma madeleine de Proust ! Encore récemment, j’étais à New York et bien sûr nous sommes allées voir une comédie musicale. Je m’imaginais réellement sur scène.
IN : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
M.B. : ma réponse touche un peu l’aspect professionnel – j’ai un peu triché, ne m’en veuillez pas – car ma plus grande fierté, c’est la transmission et la formation. J’ai eu la chance d’accompagner tout au long de mes expériences de vie des personnes exceptionnelles, des équipes formidables que j’ai vu grandir, s’émanciper, évoluer en capitalisant sur le meilleur de chacun, des femmes incroyables que j’ai pu promouvoir à des postes à très haute responsabilité alors qu’elles ne s’en sentaient pas capables. Je me sens bien dans mon rôle de capitaine d’équipe qui pousse les limites de chacun avec beaucoup d’exigence mais toujours dans la bienveillance. Manager des jeunes talents très talentueux avec lesquels nous avons inventé des nouveaux métiers et accéléré leur développement, c’est être dans la co-création et la preuve par « le faire ». Chacun apporte sa contribution et c’est aussi une bonne façon de se remettre en question. C’est aussi pour transmettre et co-construire avec la jeunesse, mais aussi apprendre d’elle et créer un lien avec celles et ceux qui prendront la relève, que je suis devenue enseignante depuis deux ans à Sciences Po et prochainement à l’ESCP.
Il n’y avait presque personne, juste des enfants et des mamans qui nous écoutaient à peine
Sur un plan plus personnel, j’ai fait il y a quelque temps un truc ridicule. C’était en 2014. J’appartenais à un groupe de losers (rires). Et un jour le chanteur bassiste me dit : « c’est bientôt le 14 juillet, on va chanter en public ». On s’entraine en studio. Le grand jour arrive. Nous nous retrouvons dans le kiosque à musique d’un jardin du 18ème arrondissement ; j’avais emmené mon mari et mes deux enfants. Et en fait il n’y avait presque personne, juste des enfants et des mamans qui nous écoutaient à peine (nouveaux rires !). Mais comme je suis quelqu’un de très déterminé, je ne me suis pas démontée, j’ai chanté quand même. C’est une passion, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir et ça m’a suffi ! La musique est le seul moment où je ne pense à rien. J’ai fait beaucoup de guitare quand j’étais jeune, je suis même allée au Conservatoire et malheureusement, j’ai arrêté il y a 10 ans. Mais je vais m’y remettre un jour, j’ai trois guitares à la maison.
J’ai confondu Jean-Paul Rouve et Franck Dubosc
IN : votre plus grand échec ? (idem)
M.B. : mon échec, je dirais même ma plus grande frustration est de ne pas avoir eu l’opportunité de partir à l’étranger après mes études. Vivre dans un pays qui n’est pas le sien demande une grande capacité d’adaptation et beaucoup d’intelligence situationnelle, comprendre les cultures, apprendre des nouveaux modes de pensées à la conquête du monde. On revient forcément plus « riche » et plus fort de ces expériences qui nourrissent notre capital créatif et notre ouverture d’esprit.
Je ne sais absolument pas lire un plan. Je me perds même dans mon quartier
De façon plus légère j’ai quatre échecs, à vous de choisir celui qui est le plus « honteux « (rires) et qui me font ressembler parfois un peu à Gaston Lagaffe : J’ai raté mon permis cinq fois et je ne sais toujours pas me garer. Ensuite, j’ai honte de le dire, mais je ne sais absolument pas lire un plan. Je me perds même dans mon quartier !
Le troisième échec est un peu professionnel mais il a eu des conséquences personnelles : quand j’étais chez Yahoo, la France a gagné une année un « Yahoo Awards» qui récompensait le prix du « pays le plus créatif ». C’est un peu notre équivalent du Festival de Cannes. La cérémonie avait lieu à San Antonio devant 5000 à 10 000 personnes et je n’ai pas pu quitter Londres car j’avais un problème de passeport. Depuis j’ai une vraie phobie des aéroports !
Et enfin, je dois vous dire que je suis quelqu’un d’assez « gossip », je suis comme une enfant quand je vois les stars. Un jour, pendant le Festival de Cannes, j’étais dans un club très chic et j’aperçois Jean-Paul Rouve (ndlr : « Les Tuche »). Je me dis : « allez, je me lance » et je m’approche de lui pour prendre un selfie. Sauf que… je l’ai confondu avec Franck Dubosc. Alors, quand je lui ai dit : « je vous ai adoré dans Camping », il a d’abord dû penser que c’était un canular, en tout cas il l’a super mal pris. J’avais des gens autour de moi qui ne savaient pas où se mettre. Et moi, j’aurais aimé disparaitre sous terre. Depuis je suis tellement traumatisée que je n’ose plus accoster personne ! Je suis vaccinée à vie…
Le monde irait moins mal si en un seul coup de baguette on communiquait avec les gens du monde entier, de toutes les nationalités
IN : quel talent aimeriez-vous le plus avoir ?
M.B. : je parle français et anglais, un peu hébreu et un peu arabe car mes parents sont nés au Maroc. Du coup je comprends le marocain. Mais si j’avais demandé à une fée de passer au-dessus de mon berceau à ma naissance pour me donner un super pouvoir, je dirais sans hésiter, polyglotte ! Je suis fascinée par le pouvoir des langues et je me dis souvent que le monde irait moins mal si on pouvait en un seul coup de baguette communiquer avec les gens du monde entier, de toutes les nationalités. La langue, c’est aussi la culture, l’héritage d’une nation et son histoire, les richesses de toutes les religions, la liberté et la compréhension de l’autre qui appellent à l’apaisement.
IN : dans quel animal aimeriez-vous être réincarnée ?
M.B.: en pieuvre ! Elle symbolise la ruse, la créativité et la capacité d’adaptation. D’abord parce que ce sont des animaux mystérieux, ils ont la capacité de changer de couleur et de texture pour se camoufler, symbolisant la transformation et la métamorphose. Pour sa profondeur et sa complexité émotionnelle, venant des profondeurs des océans, la pieuvre peut représenter les aspects profonds et souvent cachés de l’émotion. Elle est connue pour être particulièrement protectrice grâce à ses mécanismes de défense, l’encre pour échapper aux prédateurs ! Je ne peux pas m’empêcher aussi de penser à « La sagesse de la pieuvre », oscar du meilleur documentaire en 2021, un film hors du commun à voir sur Netflix. Cette histoire folle d’une amitié entre un homme, réalisateur en plein burn out qui n’a plus goût à la vie et une pieuvre est très émouvante et d’une beauté renversante.
IN : si vous deviez échouer sur une île déserte, quel personnage féminin aimeriez-vous emmener ?
M.B. : sans aucune hésitation, Elisabeth Badinter. Quelle intelligence ! Quel caractère ! Non seulement c’est une grande dame, mais elle est restée dans son temps et elle est toujours habitée par les mêmes convictions. C’est une femme et une féministe engagée au sens noble du terme. Elle n’est pas dogmatique, sait écouter et se remettre en question.
* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’« À la recherche du temps perdu »
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L‘actualité de Michèle Benzeno
– Grand Prix Influence & Santé le 12/06 organisé par le média Dr.Good! et Webedia pour mettre en lumière les créateurs de contenus santé et bien-être.
– Popcorn en Live à Montpellier : le talk show le plus puissant de Twitch, produit par Webedia et animé par Domingo, clôture sa 5e saison le 18/06 à Montpellier pour une émission événement en public.
– « WildCard Battle » à Roland Garros : Domingo a organisé le 06 juin avec la BNP et We Are Tennis une soirée événement autour du tennis sur le court Suzanne Lenglen, avec plus de 8000 personnes présentes, et près de 700 000 vues au total sur Twitch et YouTube.
– Lancement d’une nouvelle marque média sociale (rentrée 2024) autour des sujets d’emploi des jeunes et de marque employeur.
– Documentaire sur l’ascension de l’Everest par Inoxtag (rentrée 2024) : Le top talent exclusif de Webedia aux plus de 20 millions d’abonnés toutes plateformes confondues dévoilera dans un documentaire son projet fou d’ascension de l’Everest et révélera s’il a réussi ce défi personnel.