L’intelligence artificielle a-t-elle – déjà – envahi notre intimité ?
Avec son film Her, sorti en 2013, Spike Jonze dressait le portrait visionnaire d’un monde où l’intelligence artificielle ne s’embarrasserait plus d’aucunes limites, même les plus intimes, pour s’immiscer dans notre vie. Une proximité à laquelle le réalisateur étasunien nous mettait en garde mais qu’OpenAI cherche, semblerait-il, à émuler avec la dernière mise à jour de ChatGPT.
Que l’on parle de Siri et d’Alexa, des recommandations de vidéos sur Youtube ou de films sur Netflix, ou même des applications de navigation en temps réel comme Waze, il est clair que l’intelligence artificielle est désormais omniprésente dans notre quotidien. Et quand on considère les avancées prodigieuses qu’a connu cette technologie en si peu de temps, passant d’une espèce de gadget artistique à l’une des plus grandes inventions de notre espèce, possiblement la dernière, il est clair que nous ne sortirons pas de sitôt de cette dépendance technologique. Une mutation si rapide qu’elle a même finit par effrayer ses propres concepteurs, sacrément ironique.
Pour échapper, ne serait-ce qu’un petit peu, à cette psychose – légitime – et pour se complaire, comme avaient la chance de le faire les générations précédentes, dans le technopositivisme, nous pouvons au moins nous réjouir que l’IA concrétise un à un les fantasmes technologiques de nos œuvres de fiction préférées. À ce petit jeu, peu d’émanation de l’intelligence artificielle ne « « « rassure » » » autant que ChatGPT. Depuis son lancement en novembre 2022 par OpenAI – deux ans seulement… –, l’agent conversationnel est capable de tenir des conversations cohérentes avec presque n’importe qui, de produire, quotidiennement, des textes qui éblouissent le monde entier et même carrément de réussir les examens de licence dentaire…
La preuve en image
… sauf que nous n’avez encore rien vu. OpenAI présentait ce lundi la nouvelle mise à jour de son joujou qui devrait rappeler des souvenirs aux amateurs du film Her réalisé par Spike Jonze en 2013. Cette nouvelle expérience est alimentée par une nouvelle version de son modèle de langage GPT-4, disponible sur desktop et mobile, appelé GPT-4o. Selon OpenAI, le nouveau modèle renvoie des réponses beaucoup plus rapidement que le GPT-4 et améliore ses capacités textuelles, visuelles et audio. Le modèle est une vitrine du développement de l’IA multimodale par OpenAI. GPT-4o peut recevoir et raisonner sur des entrées textuelles, audio et visuelles, puis fournir des résultats en langage naturel et en voix naturelle.
Mark Chen, Head of Frontiers Research à OpenAI, a démontré les impressionnantes capacités de conversation du nouveau modèle lors d’une démonstration en direct. Après lui avoir mentionné qu’il était nerveux à propos de la démonstration et -demandé des conseils pour se calmer, en faisant semblant d’hyperventiler dans son téléphone, ChatGPT lui a répondu du tac o tac : « Mark ! Tu n’es pas un aspirateur ». L’IA était spontanée et drôle à l’image – et c’est là que nous voulions en venir – de l’assistante vocale interprétée par Scarlett Johansson dans Her. La même œuvre de fiction qui s’est justement imposée comme l’horizon à atteindre pour les développeurs d’IA.
Une ressemblance dont Sam Altman lui-même s’est fait l’écho dans un tweet univoque publié après la présentation. Pour rappel, le film explore la thématique des relations entre l’homme et l’IA en racontant l’histoire d’un personnage, interprété par Joaquin Phoenix, qui noue une relation amoureuse avec une assistante vocale.
Rien ne lui résiste
Lors de la présentation, les développeurs et la CTO de l’entreprise, Mira Murati, ont demandé à l’application de raconter une histoire en mêlant différentes émotions dans sa voix, jusqu’à lui de la chanter, ce qu’elle a parfaitement su faire. Des fonctionnalités qui ressemblent énormément à ce qu’Inflection.ai était en train de développer avec son application Pi AI avant d’être racheté par Microsoft… qui possède près de la moitié d’OpenAI – rien d’étrange, donc –. Elles servent au moins à prouver une chose : ChatGPT devient, doucement mais surement, émotionnellement intelligent.
Sans oublier que l’agent conversationnel a désormais la capacité de « « voir » » les choses – grâce à l’appareil photo du téléphone – et de raisonner à leur sujet. En effet, les développeurs lui ont posé un problème mathématique écrit sur un tableau blanc et il n’a eu aucun mal à leur résoudre. On lui a ensuite demandé d’expliquer un code informatique et même de traduire un texte de l’italien à l’anglais et vice-versa… autant de victoire pour ChatGPT.
Un effet boule de neige
Mais devons-nous vraiment nous réjouir que la technologie rattrape aussi rapidement la fiction ? Les plus craintifs s’interrogent déjà sur la capacité de ces intelligences artificielles dédiées aux rapports « sociaux » d’accentuer le phénomène d’isolement. Sans oublier que ces interlocuteurs aussi fidèles que disponible pourraient finir par biaiser encore davantage nos rapports – imparfaits par essence – à autrui.
Il est évident que toute cette présentation, organisée seulement 24h avant que Google ne présente les nouvelles fonctionnalités de sa propre IA ce mardi, comme par hasard, était calibrée pour faire passer l’idée que ChatGPT a bel et bien réponse à tout. En attendant, ces nouvelles fonctionnalités seront mises à la disposition des utilisateurs de la version gratuite de ChatGPT au cours des prochaines semaines. OpenAI indique qu’elle met également GPT-4o à la disposition des développeurs par l’intermédiaire de son API –ApplicationProgrammingInterface –. Dernière info, et non des moindres : Bloomberg a révélé récemment qu’OpenAI serait sur le point de conclure un accord avec Apple pour intégrer ChatGPT aux iPhones. Une intégration au sein d’IOS, le système d’exploitation le plus exploité de la planète, qui pourrait accélérer encore un peu plus notre dépendance aux IA.
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