C’est un sujet souvent tabou. Parler à un membre du CIO de gros sous et il se refermera comme une coquille d’huître balayée par les vagues. Dans son dernier livre intitulé « La communauté olympique, Gouvernance d’un commun socioculturel global » (Editions L’Harmattan, 2023), Jean-Loup Chappelet, professeur honoraire de l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne, détaille les revenus olympiques et leur distribution. Préparez-vous à lire des chiffres avec plein de zéro et en hausse constante…
Les revenus du CIO proviennent essentiellement de la télédiffusion (broadcasting) et du sponsoring des Jeux. Selon le dernier rapport annuel du CIO publié en 2022 et couvrant la période 2017-2021, durant laquelle furent organisés les Jeux d’hiver PyeongChang 2018 et les JO d’été Tokyo 2020 qui ont été reportés d’un an en raison du COVID, les revenus du Comité international olympique se sont élevés à 7,6 milliards de dollars. Ce chiffre a bondi de 33% par rapport à la période précédente (2013-2016), qui ne couvrait toutefois que quatre années. Ces recettes pour le moins rondelettes sont composées à 61% de droits de diffusion, 30% de droits de sponsoring international (programme TOP), 5% d’autres droits (royalties, droits de licence comme fournisseur du CIO ou producteur de produits olympiques…) et 4% de revenus divers (placements…).
Les COJOs mis à l’index
Depuis 1960, la diffusion des JO d’été fait l’objet de droits payés par les chaînes de télévision souhaitant retransmettre en exclusivité les vidéos des Jeux sur leur territoire. Pendant plusieurs décennies, les comités locaux d’organisation des Jeux olympiques (COJOs) négociaient seuls les droits de télédiffusion. Le CIO était censé approuver les contrats et recevait des COJOs une part des montants négociés avec les chaînes. Le comité olympique a décidé de reprendre en main ce dossier à partir des Jeux de Barcelone en 1992. Il touche depuis les droits négociés qu’il redistribue en partie aux COJOs et au système olympique. Pour renforcer son contrôle, l’instance suisse produit l’intégralité des vidéos du Comité international olympique depuis Vancouver en 2010. Sa société basée à Madrid et fondée en 2003, Olympic Broadcast Services (OBS), a produit plus de 10.000 heures de contenus lors des JO de Tokyo. Les droits payés par les télévisions pour Tokyo ont dépassé 3,1 milliards de dollars contre 1,7 milliard en 2008 et 1,3 milliard en 2000.
Être TOP coûte cher, très cher
La deuxième source de revenus gérée directement par le Comité international olympique est constituée par les droits de sponsoring internationaux. Pour les gérer, le CIO a créé en 1985 le programme TOP, qui a depuis été rebaptisé The Olympic Partners. Ce dispositif permet à une multinationale qui y adhère de sponsoriser en exclusivité pour sa catégorie de produits ou de services – et avec une seule signature pour quatre ans – les Jeux d’hiver et d’été consécutifs. En 2023, ce programme réunit quatorze grands groupes qui ont contribué à hauteur d’environ 150 millions de dollars pour quatre ans (Airbnb, Alibaba, Atos, Bridgestone, Coca-Cola, Deloitte, Dow, Intel, Omega, Panasonic, Procter & Gamble, Samsung, Toyota). Quatre de ces partenariats se terminent à la fin de cette année. La neuvième édition du programme TOP, qui s’étend de 2017 à 2020, a rapporté 2,23 milliards de dollars au CIO, soit plus du double de la période précédente. Les revenus du sponsoring domestique qui permettent à des sociétés de s’associer aux Jeux uniquement sur le territoire du pays hôte et de façon plus ou moins forte selon le niveau de sponsoring choisi ont, quant à eux, littéralement explosé ces dernières années puisqu’ils ont dépassé 3,2 milliards de dollars à Tokyo contre à peine 848 millions à Rio en 2016, 1,15 milliard à Londres en 2012, 1,21 milliard quatre ans plus tôt à Pékin et… 302 millions en 2004 à Athènes. Le montant des partenariats signés par Paris 2024 devrait, lui, dépasser 1,22 milliard d’euros.
A chacun son pécule
Jusque dans les années 1970, les revenus olympiques revenaient essentiellement aux COJOs, qui en redistribuaient une petite part au CIO. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Le CIO reçoit tous les revenus générés par les propriétés olympiques (sauf ceux propres aux COJOs) et redistribue une partie de ces revenus aux COJOs, aux comités paralympiques, aux comités nationaux olympiques (CNO) et aux fédérations internationales olympiques. Les sports ne reçoivent pas tous les mêmes montants. Les plus importants comme l’athlétisme, la gymnastique, le basket, le football, la natation et le cyclisme touchent chacun 39,48 millions de dollars depuis Tokyo. D’autres fédérations comme celles du judo, de l’aviron et du tennis de table doivent se contenter de 17,31 millions de dollars. Le canoë-kayak, le handball, le triathlon et la voile perçoivent 15,14 millions de dollars alors que le golf, le pentathlon moderne et le rugby collectent à peine 12,98 millions de dollars. Allez comprendre… D’ici à dire que les Jeux olympiques sont une histoire de gros sous. « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble », dit la nouvelle devise olympique. Ne devrait-on pas la remplacer par « Plus riche, encore plus riche, toujours plus riche ? ».