« S’assurer que les plateformes mettent en place des dispositifs structurels pour la fiabilité et l’information » (priorité n°1), « Structurer le champ de l’éducation à l’information et aux biais cognitifs » (priorité n°8), « Renforcer les protections contre les ingérences et les manipulations étrangères » (priorité n°9), « Promouvoir un espace informationnel démocratique sur le plan international ». Chacune à sa façon, quatre aux moins des « dix priorités » assignées aux EGI portent la marque de cet impératif.
Et l’entrée du DSA dans sa pleine application, le 17 février 2024, permet au dispositif européen d’agir à plein. Réseaux sociaux et, plus généralement, « très grandes plateformes », doivent périodiquement rendre compte des moyens mis en œuvre pour lutter contre les campagnes de désinformation, au risque d’être sanctionnées si ceux-ci sont jugés insuffisants. Les services de renseignement s’emploient à neutraliser les actions de déstabilisation conduites par des puissances étrangères. On s’attache à encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle, afin d’éviter qu’elle permette d’industrialiser la production de fake news de plus en plus difficiles à détecter.
Ces efforts sont certainement nécessaires. Et en même temps, on peut dénoncer depuis des mois déjà le détournement de la « coche » bleue qui était autrefois sur Twitter une sorte de gage de fiabilité, sans qu’Elon Musk semble même avoir songé à en arrêter la commercialisation. Le directeur de Viginum Marc-Antoine Brillant pointait fin février les « modes opératoires de plus en plus sophistiqués » auxquels ont recours les adversaires de la France. Chat GPT a annoncé le 29 mars la mise au point d’un « moteur vocal » capable de reproduire n’importe quelle voix en seulement 15 secondes.
On est d’autant moins loin, finalement, du mythe de Sisyphe que le DSA, lui-même, se limite à fixer aux plateformes une obligation de moyens, et pas de résultats.
Eradiquer les fake news semble donc hors d’atteinte.
Mais assurer à chacun « l’accès à une information libre, indépendante et à laquelle on peut se fier », comme y invitait Emmanuel Macron, doit rester un objectif et une priorité.
A défaut de supprimer les fake news, on peut d’abord en limiter l’impact. En agissant auprès des plateformes pour qu’elles valorisent les « émetteurs » reconnus, en plus de supprimer les contenus trompeurs et manipulateurs. En apportant dès le plus jeune âge aux générations montantes une éducation aux médias qui soit prioritairement conçue comme une aide à la détection de la désinformation.
En ayant le courage enfin, et sans doute surtout, de retourner la table : assurer pour aujourd’hui comme pour demain la production d’une information de qualité. Donc assumer que cela a un coût.
Ce 4 avril, les EGI ont rendu public les résultats d’une étude que j’ai eu l’honneur de coordonner sur le coût de l’information. Autrement dit le montant que presse, radio, télévisions ou sites pure players dépensent chaque année pour rémunérer journalistes et pigistes, leur assurer l’appui de documentalistes, infographistes, techniciens…, couvrir les frais de reportages ou les liaisons techniques… Soit plus de 2,4 milliards d’euros rien que pour les médias grand public.
En termes purement comptables, le montant apparait presque dérisoire : moins d’un millième du PIB. Il en va tout autrement, bien sûr, si on le rapporte à l’enjeu démocratique. Et il n’est pas acquis qu’il puisse être maintenu à son niveau actuel : achats au numéro ou abonnement à les publications de presse, publicité, financement publics… toutes les sources de revenus des médias sont aujourd’hui en recul, et la perte, en cinq ans, est d’environ un milliard d’euro.
Renverser la table, c’est accepter pour demain que le coût de l’information est une partie du prix de la démocratie, et qu’il revient à chacun d’en couvrir une fraction. En fléchant une partie de son dispositif vers les abonnements à la presse, une réforme du Pass Culture pourrait restaurer chez les plus jeunes l’habitude de payer pour une information de qualité ; en étant plus attentif à l’affectation des budgets de publicité, annonceurs et agences peuvent faire mentir la trajectoire alarmante que dessinait il y a peu une étude commandée par l’Arcom et par la DGMIC[1] ; en assurant à l’audiovisuel public un financement suffisant, l’Etat doit lui permettre de demeurer l’un des contributeurs essentiels – un quart environ – du financement de l’information. En simplifiant la réglementation publicitaire, le gouvernement peut aider à lutter contre les asymétries dont profitent les plateformes.
Ce ne sont là que quelques pistes, et les conclusions des Etats Généraux permettront d’ici à l’été de présenter d’autres propositions.
Les chiffres, en tout cas, sont maintenant sur la table.
[1] Évolution du marché de la communication et impact sur le financement des médias par la publicité
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l’avenir des médias d’information et du journalisme »
[1] a permis d’établir… (
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