L’ouverture des secteurs interdits de la publicité télé revient sur le devant de la scène, à la faveur du renouvellement des fréquences TNT par l’Arcom. Dans les médias, deux camps s’affrontent clairement. D’un côté, les représentants de la télé, réunis dans le SNPTV, qui demandent à assouplir la règlementation pour permettre notamment la publicité télévisée pour les opérations commerciales de promotion de la distribution. Ils souhaitent ainsi pouvoir bénéficier de la « manne publicitaire » issue de la fin des prospectus papiers qui, sinon, serait investie dans les Gafam. De l’autre, la presse, la radio, l’affichage et les médias locaux, très dépendants de la distribution, qui alertent sur les conséquences pour leur équilibre économique d’une telle libéralisation. L’Alliance, Lagardère Radio, NRJ Group, le Sirti et l’UPE ont donc sollicité France Pub afin de mesurer objectivement les impacts de cette éventuelle ouverture.
Pas de « manne prospectus » à attendre
Les conclusions ? Pour France Pub, la manne publicitaire attendue par les représentants de la télévision est « un leurre ». Les distributeurs ont déjà amorcé depuis plusieurs années la digitalisation de leurs prospectus et catalogues, explique la société d’études, et cette digitalisation a été à 90 % dédié aux médias propriétaires numériques des distributeurs et au search. Par ailleurs, explique l’étude, les distributeurs développent leurs propres outils pour « digitaliser » leur communication directe à destination de leurs consommateurs (sites, applications, bases CRM avec carte de fidélité…), sans reporter leurs budgets sur les médias. En 2023, la baisse du marketing direct (-510 M€ par rapport à 2022) s’est traduite principalement par une économie sur le budget global de la distribution (-238 M€ sur un an), un transfert vers le digital (notamment vers les médias propriétaires numériques à hauteur de +66 M€) ainsi que l’ensemble autres hors médias.
Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, jeudi 15 février, les représentants du SNPTV avaient estimé que la disparition des prospectus correspondrait à une réallocation de 2 Md€ d’investissements pour les distributeurs, dont la moitié pourrait être supprimée dans les cinq ans. Ils avaient estimé ce jour-là que 500 M€ seraient probablement réinvestis par les distributeurs sur leurs propres plateformes et applications et que 500 M€ seraient réinvestis dans les médias.
Un « effet d’aspiration » au détriment des autres médias
En cas d’ouverture totale de la publicité TV pour la promotion des distributeurs, la part de marché de ce média passerait à 51 % en 2024 (contre 39 % en 2023) avec 681 M€ d’investissements. France Pub évalue le manque à gagner pour les autres médias traditionnels à 163 M€ pour la seule première année. La radio serait le média le plus impacté (-103 M€), devant la presse (-38 M€) et la publicité extérieurs (-22 M€).
Une telle ouverture « emporterait des conséquences irrémédiables », ont fait valoir les commanditaires de l’étude et « porterait gravement atteinte au pluralisme des médias, à la diversité de l’information, à la richesse du paysage médiatique et culturel du pays et au développement des territoires ».