Vis ma vie… Depuis vendredi dernier, des millions d’abonnés à Netflix regardent la sixième saison de « Pilotes de leur destin ». Cette série documentaire permet aux téléspectateurs d’entrer, pour la toute première fois, dans l’intimité des stars de la Formule 1 et de mieux comprendre les coulisses de ce monde aux mécaniques hurlantes. Son succès est devenu un cas d’école pour de nombreux autres sports qui cherchent, avec plus ou moins de succès, à copier son modèle pour tenter de séduire un plus large public et d’attirer de nouveaux sponsors.
Jackpot pour Liberty Media
Après l’énorme réussite de ses documentaires sur Ayrton Senna, Cristiano Ronaldo et Diego Maradona, James Gay-Rees a eu l’idée en 2017 avec son agence Box to Box Films de proposer à Red Bull de tourner une série centrée sur son écurie. Les propriétaires autrichiens de la marque de boisson énergisante lui ont alors expliqué être déjà en négociation avec Netflix qui voulait diffuser une série sur la F1. Pas découragé, le producteur a multiplié les rencontres avec plusieurs équipes pour savoir s’ils seraient intéressés par un tel projet.
La première saison de « Drive to Survive » (son nom en anglais), qui retraçait la saison 2018, n’a pas emballé le petit monde fermé de la F1 qui trouvait les dix épisodes trop sensationnels. Le grand public a, lui, été vite conquis pour le plus grand plaisir de Liberty Media, le propriétaire américain du championnat du monde de F1 depuis 2017 qui cherchait un moyen de doper la popularité de ce sport en perte de vitesse et aux fans vieillissants.
Un public plus large
La saison 5 de la série a cumulé 90,2 millions d’heures de visionnage entre les mois de janvier et juin 2023, soit la 115ème meilleure audience enregistré par Netflix durant ce même semestre.« Pilotes de leur destin » est la docu-série événementielle la plus regardée de la plateforme. Cette production a surtout permis à la F1 de conquérir un tout nouveau public plus jeune, moins masculin et plus riche. Un argument de poids pour séduire les annonceurs.
Une étude de l’institut Nielsen affirme que plus d’un tiers (34%) des téléspectateurs qui ont regardé « Drive to Survive » sont devenus des fans de F1 et 30% affirment que cette série les à aider à mieux comprendre ce sport automobile. Les nouveaux fans déclarés sont également plus jeunes que les fans « historiques » (46% ont 34 ans ou moins, contre 16% qui ont suivi des courses de F1 et non la série documentaire) et plus aisés (69% gagnent plus de 100.000 dollarspar an, contre 49% pour les autres). Les cols blancs (70% contre 42%), la communauté hispanique (23% contre 12%) et les foyers avec des enfants (49% contre 21%) ont, eux aussi, été séduits par la série qui est également parvenue à -enfin- intéresser les américains à ce sport.
Les américains adorent…
En trois ans, les audiences des retransmissions de Grands Prix sur ESPN ont explosé de 70% pour passer de 547.000 à 928.000 téléspectateurs. Les ventes de tickets sur le circuit d’Austinont progressé de 15% et depuis le lancement de la série, deux autres courses américaines (Miami et Las Vegas) ont été ajoutées au calendrier qui comprend 24 Grands Prix. Ces chiffres n’ont pas laissé indifférent les annonceurs.
Depuis l’arrivée de Netflix, Google, Coca-Cola et Oracle ont augmenté leurs budgets de sponsoring autour de ce sport. Et tant pis pour la loi Evin. Selon une étude publiée par Formula Money, 1,1… milliard de minutes d’images diffusées dans le monde entier montrait du contenu lié au tabac durant la quatrième saison de « Pilotes de leur destin ». Dans la moitié des épisodes, des marques de cigarettes apparaissait dès la première minute du film. Philip Morris International (PMI), sponsor de Ferrari, et British American Tobacco (BAT), soutien de McLaren, ont notamment été « très présents dans la série », d’après cette enquête.
Des copies à la pelle
Le succès de « Drive to Survive » fait aujourd’hui tache d’huile. Box to Box Films a également produit pour Netflix des séries sur le rugby (« Six Nations, Full contact »), le tennis (« Break Point »), le Tour de France (« Tour de France : Unchained ») et le golf (« Full Swing »). Amazon Prime fait de même avec ses productions « All or Nothing » qui suivent sur une saison le quotidien de certaines équipes comme Arsenal, Juventus, Tottenham, Manchester City, les sélections nationales allemandes et brésiliennes de football ou les All Blacks. Aucune de ces séries ne rencontre toutefois le même succès que « Pilotes de leur destin ».
Sa dramaturgie, sa capacité à humaniser des sportifs souvent jugés trop froids et ses images spectaculaires forment un cocktail explosif et efficace pour le plus grand bonheur de Netflix, de Liberty Media et des annonceurs…