Chaque année, la publication par l’ACPM des chiffres de diffusion et de fréquentation des marques de presse donne une idée des tendances du marché, des réussites et des accidents de parcours. Certaines années, ils sont plus scrutés que d’autres. C’est bien le cas en ce début de 2024, tant l’année dernière a été marquée par différents lancements dans la presse télé, au sein des féminins luxe et dans la presse du 7e jour, mais aussi une grève sans précédent au Journal du dimanche. Les chiffres publiés ce jeudi 15 février sont issus des déclarations sur l’honneur des éditeurs qui seront audités par l’ACPM en vue de l’édition d’un procès-verbal
Lancement réussi pour Harper’s Bazaar
Lancé le 23 février 2023 au moment de la Fashion week par Prisma Media, Harper’s Bazaar affiche une diffusion France payée (DFP) moyenne de 57 013 exemplaires sur la période mars-décembre. Après un premier numéro qui s’est écoulé à 43 000 ex., le premier semestre a été assez compliqué (le titre n’était d’ailleurs pas présent dans la première vague des DSH). La deuxième partie de l’année a été beaucoup plus favorable avec une moyenne de 80 000 exemplaires et jusqu’à 104 000 pour le mois de décembre. « Sur le deuxième semestre, ce nouvel entrant dépasse Vogue qui se tient pourtant bien (79 651 ex. sur l’année, ndlr). Il est aussi intéressant de voir la part des versions numériques (34 106 ex. soit 59 % de la DFP) quand la moyenne pour la presse magazine est à 12 % », note Jean-Paul Dietsch, DGA de l’ACPM. Le magazine est notamment présent sur le kiosque numérique PassPresse développée par Prisma Media.
Dès l’été, les numéros avec des personnalités comme Laetitia Casta et Catherine Deneuve ont permis de faire décoller la diffusion. Puis, d’autres personnalités ‘Bazaar compatibles’ – qui ont un lien fort avec la mode – ont été à la une comme Vanessa Paradis ou Charlotte Gainsbourg. Le groupe a aussi soigné la présence de ce nouveau titre dans les points de vente premium parisiens et dans des réseaux spécialisés comme Smith & Son (ex-WHSmith) ou le Musée des arts décoratifs.
Diverto et TV Magazine : nouvelles lignes de partage chez les suppléments TV
Le début de l’année avait été marqué par une recomposition du paysage des suppléments télé, occupé historiquement par TV Magazine. Lancé le 5 janvier 2023 par la presse régionale et sa régie 366, Diverto était arrivé avec l’ambition de « repenser le guide télé » en s’ouvrant notamment à tous les écrans (TV, SVOD, cinéma…). Cette initiative des éditeurs de PQR avait d’ailleurs amené le Groupe Figaro à rénover TV Magazine, qui a été premiumisé pour être davantage en cohérence avec son pack weekend. Son assiette de diffusion est toutefois circonscrite à ce pack et au Parisien.
Diverto, distribué avec 52 titres de PQR, a été diffusé en moyenne à 3,143 millions d’exemplaires, quand le nouveau TV Magazine affiche une DFP de 532 123 ex. Au global, les deux suppléments totalisent donc 3,675 millions d’exemplaires, en très légère érosion par rapport aux 3,757 millions affichés en 2022 par l’ancien TV Magazine. La proportion de versions numériques est plus importante pour TV Magazine (267 817 versions numériques) que pour Diverto qui en affiche 400 084.
Pour ce nouvel entrant, l’enjeu à plus long terme se situe essentiellement sur le numérique, la diffusion papier étant liée à la diffusion de la PQR. Au bout de la première année, les chiffres de l’ACPM montrent que son site affiche une fréquentation mensuelle qui se situe autour de 2 millions de visiteurs uniques mensuels, sachant qu’aucune application n’a encore été lancée autour de la marque. Les résultats sont donc encore modestes, sur un univers de la presse télé où Télé Loisirs capte l’essentiel des usages numériques (140,625 millions de visites sur le site et 45,35 millions sur l’appli en décembre 2023).
La Tribune Dimanche s’installe, petit décrochage pour le JDD
La presse du 7e jour a connu de nombreuses effervescences avec une grève de six semaines (22 juin-1er août) pour le Journal du dimanche pour protester contre l’arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, qui s’est traduite par autant de semaines de non parution du journal papier et la paralysie de son site. La DFP 2023 ressort à 117 222 ex. contre 131 770 ex. en 2022 (-11 %). « Il y a eu un petit décrochage de la diffusion après la grève mais pas d’effondrement. Certains lecteurs ont découvert d’autres titres du dimanche. Dans ses déclarations sur l’honneur, l’éditeur Lagardère News n’a pas essayé ou demandé de procéder à la neutralisation des semaines de grève mais fait le choix de bien montrer les conséquences sur son titre », souligne Jean-Paul Dietsch.
La DFP de La Tribune Dimanche, qui a fait son entrée parmi les quotidiens du 7e jour le 8 octobre 2023, ressort à 41 551 exemplaires, dont 11 764 versions numériques. Le titre, qui est diffusé sur 15 000 points de vente et reste en vente le dimanche et le lundi, continue d’évoluer. Pour répondre à la demande des lecteurs et aller en chercher de nouveaux, il conserve la dimension assez politique de ses débuts mais a intégré des pages jeux, sports et divertissement pour évoluer vers une lecture loisirs.
Le Monde s’approche des 500 000 ex.
La presse quotidienne nationale reste très en forme avec 1,5 million d’exemplaires diffusés, en hausse de 1,7 % sur un an (qui suit une progression de 2,6 % l’année précédente). Le Monde surperforme (+3,4 %) et s’approche du demi-million d’exemplaires diffusés chaque jour avec une DFP de 488 802 ex. Ce total inclut 404 234 versions numériques, signe que le quotidien continue de creuser le sillon de la diffusion numérique. Le Figaro est aussi en hausse (+0,9 %) à 354 662 ex., dont 259 650 versions numériques. Le podium est bouclé par L’Equipe (+2,3 %) à 220 271 ex., dont 159 683 versions numériques.
Libération confirme en 2023, l’année de ses 50 ans, la dynamique enclenchée ces dernières années et dépasse en année pleine le cap des 100 000 exemplaires que le quotidien avait seulement frôlé un an plus tôt. Sa DFP 2023 s’établit en effet à 100 238 exemplaires (dont 80 664 versions numériques), contre 96 551 ex. en 2022.
Un décalage avec les tendances de la pub
Au global, 2,7 milliards d’exemplaires de presse ont été diffusés en 2023, soit une baisse de 4,6 % sur un an. « La décroissance continue à des rythmes différents selon les familles mais on n’est pas du tout sur des rythmes comparables à ce que l’on voit sur la publicité, ni sur les perspectives annoncées par certaines études », souligne Jean-Paul Dietsch. Dans les tendances du marché publicitaire, la presse reste souvent à la peine par rapport à d’autres médias, y compris sur le numérique comme l’a montré l’Observatoire de l’e-pub du SRI et de l’Udecam. Une étude prospective de l’Arcom laissait entrevoir des tendances très baissières pour les médias traditionnels à horizon 2030.
