En réaction à plusieurs hausses de prix successives – et injustifiées – ces dernières année, le groupe Carrefour a décidé de bannir les produits estampillés PepsiCo de ses magasins en France, en Italie, en Espagne et en Belgique. Une volonté pour le distributeur de protester contre le positionnement de l'entreprise américaine qu’il juge « inacceptable »… et qui pourrait créer jurisprudence.
Le groupe Carrefour, qui compte des milliers de magasins dans plus de 30 pays, a déclaré la semaine dernière que les marques Pepsi, 7 Up – vendue par PepsiCo en dehors des États-Unis – Doritos, Cheetos, Lay’s, Benenuts, Lipton et Quaker et Alvalle étaient désormais persona non grata dans ses rayons.
La chaîne française de supermarchés a d’ores et déjà placé des panneaux dans ses rayons expliquant qu’une « hausse de prix inacceptable » et allant à l’encontre de l’engagement de Carrefour à « faire baisser les prix » justifiaient ce choix. Pour clarifier les choses, RTLrapporte que l’industriel américain aurait réclamé une hausse d’environ 7 % de ses produits.
Rappelons que La France est le pays à avoir affiché la plus forte inflation alimentaire : 17,9% cumulée entre janvier 2022 et août 2023 (source Nielsen pour LSA).
Qui perd gagne ?
Carrefour s’est rapidement positionné comme l’un des distributeurs les plus actifs dans la lutte contre l’inflation opérée par les industriels. En Septembre 2023, la chaîne française avait déjà annoncé qu’elle cesserait de vendre des produits Nestlé, Unilever et Coca-Cola dans certains pays.
Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc, déclarait le 4 janvier dernier au micro de France Info être « tentés » d’imiter Carrefour… tout en avançant que cette stratégie était rarement « un jeu gagnant » pour les distributeurs qui risqueraient de voir leur clients migrer vers d’autres enseignes. Par ailleurs, en termes de bras de fer, Leclerc est déjà bien occupé avec Lidl…
Bien décidé à ne pas passer pour le dindon de la farce dans cette affaire, le groupe PepsiCo a immédiatement affirmé auprès du Wall Street Journal qu’il avait lui-même pris l’initiative d’arrêter de fournir le distributeur français, faute d’avoir pu s’entendre avec lui sur un nouveau contrat de livraison. L’un de ses porte-parole expliquait alors que « malheureusement, Carrefour a mal interprété l’enchaînement des événements. Faute d’accord sur un nouveau contrat, nous avons arrêté de fournir Carrefour à la fin de l’année dernière ». C’est celui qui dit qui y est.
? Carrefour ne vend plus les produits Pepsico “à cause de hausses de prix inacceptables” ➡️ “On est tentés aussi mais on a un avantage : on est le seul distributeur à avoir eu un accroissement en volume. C’est un argument”, assure Michel-Edouard Leclerc. #8h30franceinfopic.twitter.com/lrLQ4CChp7
Cette guéguerre a commencé en réalité il y a environ quatre mois. Carrefour avait allumé la mèche en collant des étiquettes sur les produits qu’il jugeait coupable de shrinkflation, à savoir lorsqu’une marque augmente le coût d’un article non pas en augmentant son prix mais en réduisant son contenu – tout en conservant la même valeur sur l’étiquette –. Une pratique que nous avions pointé du doigtdès 2022. Pour se défendre face à cette première offensive à son encontre , PepsiCo avait décidé d’attaquer le groupe français en justice s’estimant victime d’une « campagne de dénigrement ».
C’est pendant la pandémie que des marques telles que McDonald’s et PepsiCo – décidément – ont commencé à « tester » leurs consommateurs en se vantant de leur capacité à augmenter les prix sans impact majeur sur les volumes de vente. Hugh Johnston, directeur financier de PepsiCo, avait alors attribué cet avantage au fait que les consommateurs considèrent la consommation de snacks et de boissons gazeuses comme un petit luxe en période de crise économique. Une explication qui semble aujourd’hui loin de satisfaire les distributeurs. Dans cette même interview publiée en octobre par le Wall Street Journal, le dirigeant promettait pourtant que les augmentations de prix de leurs produits ralentiraient d’ici 2024 et seraient conformes à l’inflation.
Une stratégie qui peine à être justifiée
Une déclaration qui semble à rebours de la réalité du marché. Au troisième trimestre 2023, PepsiCo décidait d’augmenter l’ensemble de ses prix de 11 pourcents. En attendant que la multinationale publie ses résultats pour le dernier trimestre de l’année dernière, ce qui devrait avoir lieu le mois prochain, elle prévoit déjà une croissance de 10 % de son chiffre d’affaires et de 13 % de ses bénéfices pour 2023, en excluant déjà les variations de taux de change. L’Europe a représenté 14 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise au cours des neuf premiers mois de l’année dernière.
Carrefour, seul défenseur de notre pouvoir d’achat ?
« Les conflits commerciaux entre les marques et les distributeurs sont fréquents. C’est juste qu’aujourd’hui, la couverture médiatique est plus importante en raison de la situation inflationniste », commentait récemment David Vidal, directeur général de Simon Kucher France, auprès de Capital. Début janvier, Thierry Cotillard, grand patron d’Intermarché, déclarait, dans les colonnes de Ouest France cette fois– en guise de coup de pression pour les marques un peu trop gourmandes – qu’il réfléchissait à « rationaliser » certaines gammes : « Si une marque a 100 produits (mais qu’elle, ndlr) n’est pas raisonnable, peut-être que 60 produits suffiront ». En bref, la bataille fait rage entre distributeurs et grandes marques industrielles. Espérons que les consommateurs n’en feront pas les frais.
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