Grandir dans un environnement urbain dépourvu d’espaces verts est associé à un risque accru de plus de 50 % de développer des troubles psychiatriques
Comparés aux expositions à des environnements urbains dénués de verdure, les expositions à la nature, même de courte durée, ont des effets bénéfiques, d’où le défi majeur actuel de maintenir et surtout d’améliorer les contributions que la nature apporte à notre qualité de vie (1).
Les premières expériences, conduites sur des étudiants, montraient qu’une marche de 50 mn dans le parc de leur université (et non en ville) ou une simple exposition de 10 mn à des images « vertes » (et non urbaines) améliorait leurs capacités attentionnelles et leur mémoire de travail. Des travaux ultérieurs ont démontré des bénéfices cognitifs et affectifs d’une marche dans la nature chez des adultes dépressifs, chez des enfants ayant un trouble de l’attention avec hyperactivité ou encore après présentation d’images de la nature (vs. de la ville) chez des personnes âgées. Ces effets ne sont pas liés aux seuls contenus visuels des scènes naturelles (vs. urbaines), de brèves expositions à certains bruits ou odeurs de la nature produisant aussi des effets bénéfiques.
Grandir dans un environnement urbain dépourvu d’espaces verts est associé à un risque accru de plus de 50 % de développer des troubles psychiatriques, l’incidence de la schizophrénie – qui entraîne en particulier des troubles de la mémoire – pouvant être doublée. Il semble néanmoins acquis que les possibilités d’exposition et/ou d’accès à des espaces verts urbains réduisent significativement ces risques. Par exemple, plus la distance entre la résidence et l’espace vert le plus proche s’accroit, plus les risques de dépression et d’anxiété augmentent, de tels risques étant, par ailleurs, significativement diminués par un déménagement dans une résidence plus verte et vice-versa.
Quel que soit l’âge, l’exposition durable à des espaces verts a des effets bénéfiques sur les fonctions cognitives
Chez les enfants, plusieurs études ont montré une association positive entre la vigueur et la densité de la végétation (indice de végétation, IV) et la réussite scolaire (en particulier en lecture et calcul), la mémoire de travail, les fonctions exécutives et la mémoire visuelle (analyses transversales) ainsi qu’avec les progrès accomplis sur une ou plusieurs années (analyses longitudinales). Par exemple, une étude récente conduite en Espagne montrait que le développement cognitif d’enfants de 7 à 10 ans était fonction de l’IV entourant leur lieu de vie (domicile mais surtout école) et que ces effets étaient corrélés à l’accroissement du volume de certaines structures cérébrales – dont le cortex préfrontal – connues pour leur implication dans les tests cognitifs utilisés pour le suivi de ces mêmes enfants.
Les populations d’adultes vivant dans un environnement à IV élevé (vs. faible) obtiennent en général de meilleurs résultats dans de nombreuses épreuves d’évaluation cognitive allant de la mémoire épisodique aux fonctions exécutives. Mais certaines études épidémiologiques ne confirment pas de tels effets. Par exemple, une étude espagnole n’a pas montré d’association significative entre IV et cognition globale (évaluée par des épreuves de dépistage de la démence) mais, en revanche, montré que l’atrophie de certaines régions cérébrales affectées dans la maladie d’Alzheimer était diminuée. Ce résultat conforte un ensemble de données suggérant que la « verdure résidentielle » réduit le déclin cognitif des personnes âgées.
la végétation améliore la qualité de l’air ambiant en réduisant les niveaux de certains polluants et leur impact négatif sur le fonctionnement cérébral.
Au total, l’exposition durable à des espaces verts résidentiels a un effet bénéfique sur le développement (enfants) et le maintien (adultes) des fonctions cognitives ainsi qu’un effet protecteur contre leur déclin (vieillissement). Augmenter leur densité devrait constituer un objectif majeur dans l’aménagement des zones urbaines.
Les bénéfices d’une exposition de longue durée à la nature ne sont probablement pas réductibles aux seuls contacts sensoriels. Diverses conséquences de tels contacts constituent autant de voies ou de facteurs qui, agissant simultanément et/ou en interaction avec la nature elle-même, concourent à la production de ses effets bénéfiques sur la santé mentale et sur la cognition. Par exemple, on sait que la végétation améliore la qualité de l’air ambiant en réduisant les niveaux de certains polluants et leur impact négatif sur le fonctionnement cérébral. Par ailleurs, les effets positifs de l’activité physique sur les fonctions cognitives sont amplifiés par un « environnement vert » (vélo, marche, pêche, canoë, cheval et même jardinage) qui, par ailleurs, augmente aussi la cohésion sociale. Mais il est très probable que notre attrait inné (« biophilie ») pour la nature et l’effet « gratifiant » engendré par son contact ont un rôle primordial dans les effets bénéfiques observés.
[1] C’est l’objectif de la « Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services ecosystémiques » (IPBES), analogue du GIEC, qui a pour vocation de construire des synergies entre les connaissances scientifiques et de terrain et les décideurs dans le but d’optimiser ces « services écosystémiques ».