Ça ne m’a pas empêché de les accueillir, de les écouter, mais ça m’a empêché d’essayer de devenir quelqu’un que je n’étais pas. Aujourd’hui, je n’ai aucune honte à ne pas « savoir ». Je ne connais rien à la politique et ça me va très bien. Empiler des connaissances ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est tout ce qui ne peut pas s’apprendre. Ce que l’on se transmet, que l’on hérite de nos familles, de nos entourages, que l’on tire comme leçon de la vie, de nos erreurs.
« Longtemps, je me suis considérée comme profondément bête, incompétente en tout. »
Ce qui m’intéresse c’est d’essayer de comprendre. Dans les recettes par exemple, comprendre pourquoi les choses fonctionnent ou ne fonctionnent pas. Pourquoi du sucre, à quoi sert l’air ? Longtemps, je me suis considérée comme profondément bête, incompétente en tout. J’avais accepté cet état de fait, et puis j’ai découvert le pain. La pâte à pain. Ça m’a fascinée. Aujourd’hui, c’est la pâte feuilletée qui continue à me faire le même effet. Choisir le beurre, la farine, la façon dont on la fait. C’est ma recette la plus complexe. Un mélange de technique, de beaucoup de travail, d’émotions aussi qui m’a demandé beaucoup d’humilité. Sa qualité, sa maîtrise ne se résume pas à sa recette, loin de là.
J’ai appris à faire confiance à mon instinct. À être lucide avec ce que je suis. À connaître mes qualités, mes défauts. À savoir ce dont je suis capable et pas capable. Avec un savant mélange de bienveillance et d’exigence. Voilà un bon usage du mot savant. Celui qui permet de doser ces choses-là, indescriptibles, impossibles à enseigner. C’est cette forme d’intelligence qui a primé sur tout ce que j’ai fait. L’intelligence émotionnelle. Et celle du geste.
J’ai fait 12 ans de piano et 12 ans de théâtre, là aussi j’étais nulle. Dès que je me concentrais sur les notes, les partitions, c’était mauvais. Il faut faire confiance à ses mains pour bien jouer. Les seuls moments où j’y arrivais sont ceux pendant lesquels j’arrivais à « poser mon cerveau ». Ces moments, un peu suspendus, où l’on est dans le vide. Un peu comme au théâtre. On commence à être bon quand on se concentre sur sa respiration plutôt que sur son texte. C’est elle qui permet au corps d’imposer cette mise à l’arrêt du cerveau. Arrêter de penser…
« Je rate 90% des choses que j’entreprends »
C’est comme ce qui m’arrive, je ne suis pas allée le chercher. Je n’ai pas réfléchi à tout cela. Ce sont les rencontres que j’ai faites qui m’ont conduites là où je suis. À être qui je suis. Je ne suis pas la somme de tout ce que j’ai appris, mais un petit bout de tous les gens que j’ai rencontrés, admirés, écoutés. Ce Mexicain dont j’ai oublié le prénom qui parlait avec une telle passion de son pays que j’y suis partie dans la foulée. Ceux qui m’ont dit que je n’y arriverai pas. Qui m’ont permis de remettre en question ma façon de penser, de travailler.
Je dois aussi beaucoup à mon goût pour l’erreur. J’ai peur du vide, de la vitesse, de perdre les gens que j’aime, mais pas de rater. Mes parents m’ont appris ça. Je rate 90% des choses que j’entreprends et ça ne me dérange pas, loin de là. Pour moi si on n’a pas raté, on n’a pas créé. Mes pâtisseries sont toutes nées d’erreurs d’ailleurs. L’Olivier notamment, mais l’histoire de chacun de mes gâteaux est celle de plusieurs ratés.
Je ne pense pas que mes gâteaux soient les meilleurs du monde, mais s’ils contribuent à rendre les gens plus heureux, même fugacement, je préfère ça à les rendre plus intelligents.
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L’Olivier par Nina Métayer est une pâtisserie qui se compose d’une mousse au chocolat noir 66% avec des zestes de citron, d’un praliné de noisettes françaises et d’olives kalamata, d’un biscuit au cacao et à l’huile d’olive et d’un sablé au chocolat et à la fleur de sel. L’ensemble est recouvert d’un glaçage et décoré par un sablé en forme de feuilles d’olivier.