20 novembre 2023

Temps de lecture : 6 min

Publicis pour Face à l’inceste : l’impuissance face à une loi qui ne protège pas les enfants abusés, de leur agresseur.

Saviez-vous qu'aujourd'hui encore la loi oblige un enfant victime d'inceste à continuer de voir son parent agresseur le temps de l'enquête, à savoir, entre trois mois et trois ans? Alors que la proposition de loi de la Députée Isabelle Santiago a été votée en seconde lecture à l’Assemblée nationale ce lundi 13 novembre, ce texte, en l’état, ne permet toujours pas de protéger comme il convient un enfant qui en est victime. Publicis et l'association Face à l'inceste nous invitent à  "signer la pétition pour protéger les enfants." Et à regarder ce film saisissant qui dit tout de la détresse d'un parent protecteur et de son enfant abandonné à son sort... La parole à Anne Clerc, secrétaire générale de Face à l'inceste.  

au nom de la présomption d’innocence, lorsqu’un enfant évoque ce que son parent agresseur commet, et qu’un parent protecteur prend l’initiative de porter plainte, la garde alternée reste obligatoire.

INfluencia: la proposition de loi de la députée isabelle Santiago votée en seconde lecture à l’Assemblée Nationale ne permet toujours pas de protéger un enfant victime d’inceste avant la mise en examen. Expliquez-nous.

Anne Clerc : oui, au nom de la présomption d’innocence, lorsqu’un enfant évoque ce que son parent agresseur commet, et qu’un parent protecteur prend l’initiative de porter plainte, la garde alternée reste obligatoire. Durant ce temps qui peut durer quelques mois, voire des années cet enfant continue d’être confié à son parent agresseur. C’est insupportable et surtout c’est révélateur d’une opinion publique qui ne prend pas au sérieux la parole de l’enfant. Disons, si l’on va plus loin, que sa parole ne compte pas plus que celle de l’agresseur sous prétexte qu’un enfant « ment »… Or pour nous, la protection doit être immédiate, car la question de l’autorité parentale se fait au détriment de l’enfant, ce qui est inacceptable.  

Il n’est pas question de porter atteinte aux parents présumés agresseurs, ni de porter atteinte à l’enquête, il y a aussi la nécessite de protéger et d’accompagner les parents protecteurs.

IN. : la présomption d’innocence paraît effectivement ne pas avoir sa place dans ces circonstances où la vie, le futur de l’enfant et sa santé mentale sont engagés…

A.C. : nous croyons fermement à la justice, en revanche et c’est l’une des préconisations de La CIIVISE, nous devrions bénéficier d’ordonnances immédiates de protection de l’enfant. Il n’est pas question de porter atteinte aux parents présumés agresseurs, ni de porter atteinte à l’enquête, il y a aussi la nécessite de protéger et d’accompagner les parents protecteurs. A mon sens, il s’agit d’un changement profond de paradigme qu’il faut accélérer. L’inceste est une question de santé publique. Un drame, qui a des effets catastrophiques sur les vies, a des impacts physiques et psychiques. Pour nous, il est clair, qu’il faut agir de façon urgente pour protéger immédiatement l’enfant…   

IN. : comment expliquez-vous ce décalage, à l’heure où des ouvrages comme celui de Camille Kouchner ( Familia Grande ) , et de Vanessa Springora (Le consentement), des séries TV, des long métrages ouvrent les yeux sur ces sujets. Les gouvernants sont impuissants ?

A.C. : nous héritons d’une inaction politique sur ce sujet. Les femmes, les hommes aussi témoignent, les personnalités, Emmanuelle Béart et son documentaire Un silence si bruyant, le livre Triste Tigre de Neige Sinno, etc ont un effet énorme sur la société, mais concrètement les politiques n’en tiennent pas compte.  Des budgets conséquents sont débloqués pour faire des campagnes de prévention, de lutte contre le tabac ou la prévention routière, mais pas sur l’inceste… Nous savons que nous sommes en train de mettre un coup de canif dans le tabou de l’inceste… Mais cela ne va pas assez vite.  

Il faudrait qu’un enfant aujourd’hui puisse se dire je suis victime, je sais à qui m’adresser… Et qu’en face il ait des réponses rassurantes, qui le mettent en sécurité.

Nous avons beau communiquer, il nous faut des budgets pour agir sur le dépistage, sur la prévention, il faut que judiciairement tout le monde soit formé pour mesurer l’urgence de l’action à mener  lorsqu’un enfant révèle l’inceste.  Il faudrait qu’un enfant aujourd’hui puisse se dire je suis victime, je sais à qui m’adresser… Et qu’en face il ait des réponses rassurantes, qui le mettent en sécurité. Le gouvernement nous rétorque que c’est compliqué aujourd’hui au nom du principe de présomption d’innocence on en est encore à se demander si l’enfant ne raconterait pas des bêtises…  

On ne sait pas écouter les enfants parce que l’on ne considère pas leur parole et surtout parce que notre société pense que les enfants sont à sa disposition.

IN. : l’affaire d’Outreau doit souvent vous être soumise en exemple…

A.C.: oui. Nous héritons de cette affaire, comme si elle faisait autorité. C’est dramatique. Il faut arrêter de se défausser. Un enfant ne veut pas que ses parents aillent en prison, n’a pas envie d’aller rencontrer les gendarmes, et que sa famille soit séparée. Il veut simplement que ça s’arrête, il veut arrêter de souffrir. On ne sait pas écouter les enfants parce que l’on ne considère pas leur parole, et surtout parce que notre société pense que les enfants sont à sa disposition. C’est un problème de parole. Il faut considérer que celle d’un enfant a autant de valeur que celle d’un adulte. Maintenant ce que je rétorque aux gens qui m’expliquent que les enfants mentent, c’est que je suis entourée d’adultes qui mentent.  

IN. : selon vous il faut arrêter de prendre comme prétexte le fait que les enfants mentent…

A.C. : oui, il faut arrêter de penser de la sorte. Il faut mener l’enquête, obtenir des preuves, et puis prendre en compte les statistiques. 1 Français sur 10 est victime d’inceste. Donc en fait, il faut quand même se dire que la plupart des enfants ne parlent pas, et pour ceux qui osent parler, c’est qu’il y a une urgence d’action. 

on se cache derrière la phrase « les enfants mentent souvent ».  Il faut arrêter cela. Quand un petit révèle l’inceste, c’est parce qu’il y a une grande souffrance et veut que ce rapport-là cesse.  

IN. : à quel âge un enfant parle-t-il de ce qui lui arrive ?

A.C. : la plupart des enfants ont parlé dans la petite enfance avec leurs mots d’enfant, ils ont aussi manifesté des troubles du comportement parfois tout simplement, ils savent aussi qu’un autre parent ou un autre membre de la famille a vu, sait, et n’a rien fait ce qui logiquement n’encourage pas à aller de l’avant. Un enfant est éminemment fragile, et a besoin de la sphère familiale, qui est un pilier dans sa construction. Donc quand il révèle l’inceste, c’est parce qu’il y a une grande souffrance et veut que ce rapport-là cesse.  

Donc, il faut se dire que ces enfants qui parlent ont un courage inouï, et les parents qui tentent de les protéger également, plutôt que de s’interroger sur qui « ment »…  

Même si les enquêtes sont compliquées à mener, il faut savoir qu’un  enfant qui est cru très tôt et très jeune, qui sait qu’il peut compter sur un ou deux adultes, -ce qui n’est pas le cas aujourd’hui- , peut voir sa vie changer du tout au tout. En 2023 , il y a en France, deux à trois enfants par classe victimes d’inceste. Les parents ne sont pas formés, la justice est défaillante, les professeurs des écoles ne peuvent que constater… Donc, il faut se dire que ces enfants qui parlent ont un courage inouï, et les parents qui tentent de les protéger également, plutôt que de s’interroger sur qui « ment »…  

IN. : ce film, Derrière la porte, réalisé par Rudi Rosenberg est déchirant… La comédienne Anne Serra nous fait passer par tous les états…

A.C.: oui, nous avons voulu un film très émotionnel. C’est un huis-clos qui dit tout. On comprend le poids qui pèse sur l’enfant, le malheur que porte sa mère, toutes les deux jouent extrêmement juste. Elles sont toutes les deux d’une justesse et d’un naturel incroyable. Et puis nous sommes dans le quotidien d’une famille. Tout à coup cette petite fille qui se renferme parce qu’elle arrive chez son père, et cette mère dont le regard devient désespéré… L’émotion monte.  Elle sait qu’elle est en train de faire quelque chose qui est juste impensable, mais qu’elle n’a pas le choix. le final avec ce père « normal » nous en avons beaucoup parlé également. Nous voulions faire comprendre qu’il est un monsieur tout le monde, sans doute charmant, attachant, un homme normal… C’est le voisin parfait, le collègue parfait.  

d’après le nouveau sondage IPSOS réalisé en septembre 2023 (https://urlz.fr/otZy), 95 % de Français réclament l’éloignement de l’enfant du ou des présumés agresseurs dès le moment de la révélation des faits d’inceste.

Aussi ce qui est fait par LA CIIVISE et nous que l’on souligne depuis de nombreuses années au sein de notre association, c’est de poser la question de la protection de l’enfant qui révèle l’inceste. Sachant qu’à l’heure actuelle, dans le cadre de cette proposition de loi Santiago qui a été voté l’Assemblée Nationale, un enfant qui révèle l’inceste n’est pas protégé jusqu’au moment des condamnations.  

IN. : d’où cette pétition à signer par le grand public…

A.C. : d’après le nouveau sondage IPSOS réalisé en septembre 2023 (https://urlz.fr/otZy), 95 % de Français réclament l’éloignement de l’enfant du ou des présumés agresseurs dès le moment de la révélation des faits d’inceste. Notre objectif, est de faire en sorte qu’il y ait une protection immédiate de l’enfant tout en protégeant l’enquête.  Faire le choix très clair de laisser l’enfant auprès du parent protecteur, et de l’éloigner le temps de l’enquête du parent agresseur. Pour cela il faut réduire le temps que durent ces enquêtes. Huit, quinze jours. Si cette pétition est signée par un grand nombre, nous allons pouvoir demander une relecture de la loi au Sénat, et proposer des aménagements, ou une révision complète de celle-ci.  

Cette campagne a été intégralement conçue en pro bono par Publicis Conseil avec le soutien de Prodigious et Division. Le dispositif média a été offert par les régies : Un film diffusé en TV : Amaury Media, France TV, Régis, NRJ, Canal. Un dispositif digital : Viously, AudienceXpress, SmileWanted, Ogury, Adot, Taboola, Outbrain, Teads.

 

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