In design we trust décortique le Chaos, édition 7!
En quête de la définition du chaos, l’Association Design Conseil a organisé son raout annuel avec brio et originalité. Les différents intervenants se sont en effet prêtés à des expériences et des "jeux" destinés à expliquer comment les métiers de design affrontent le chaos!
La 7e édition des « In Design We trust », la grand-messe annuelle de l’association autour de la création, s’est tenue le jeudi 5 octobre 2023 à l’Espace Saint-Martin à Paris. Après « la liberté « en 2022, c’est sur le thème du « CHAOS » que 14 binômes (*) se sont prêtés à ce traditionnel exercice de présentations en figures libres, en solo ou en duo cross agences, avec une durée de 5 minutes chrono.
Le chaos, kesako ?
Dans un monde en désordre, empli de bouleversements en tous genres et de pertes des repères, le « Chaos » est partout, a jugé l’ADC, qui a fait plancher ses agences sur ce sujet jugé primordial. Qu’entend-on, au juste, par « chaos » ? De fait, « le chaos des uns n’est pas celui des autres », notaient en ouverture Géraldine Karoly(17 Mars) et Alex Jaffray(Start-Rec). L’une et l’autre s’opposant sur un chaos qui serait visuel ou sonore, avant de s’accorder au final sur une combinaison visuel/son pour créer le chaos.
Pour Doriane Naufleet Jonathan Mignot(Futurebrand), point d’images clichés. « Le chaos est ce petit truc aléatoire au goût d’inattendu » susceptible de tout transformer. C’est ce « désordonateur » qui « crée de nouvelles marques créatives » et le décalage entre ce qu’on avait imaginé et la réalité. C’est le dessin de la ville de New York, une marque d’eau qui ne montrerait pas de montagnes, une marque de pompes funèbres multicolore ou une marque bio dont le packaging ne serait pas vert. « Le chaos, c’est juste notre quotidien de designer », affirmait le duo.
Un peu d’histoire avec Christoph Stolberg et Victor Filliaudeau (Leroy Tremblot) qui rappelaient que pour les Grecs, le chaos, c’était le vide. « Mais nous ne sommes plus effrayés aujourd’hui par le vide et le chaos, c’est de l’humain, c’est la vie », notaient-ils. C’est parce que tout va trop vite que la perte de contrôle est inévitable, et c’est cela le chaos. Le chaos, ce peut être aussi cette minuscule incompréhension, une inversion de lettres (shoah pour chaos), une erreur dans les mesures de table IKEA qui conduit à de grandes confusions et à ce désopilant aphorisme de François Serenaet Amaury Martin (Dragon Rouge) : « Le chaos, c’est… ma mère ».
Le chaos, le combattre ou faire avec ?
Faut-il combattre le chaos ou en faire une arme ? Telle était aussi la question.
On peut considérer, comme Ana Frugier (Namibie), en fausse thérapeute et Thomas Ferret (CBA) son patient « Marc » que le chaos, « c’est ce climat anxiogène qui est l’occasion de découvrir et révéler des choses profondes en nous » et qu’il en va des marques comme des humains. Le designer étant là pour accompagner le patient pris dans le chaos. Une réflexion introspective qui était aussi au centre de la prestation de Sixième Son. Alice Lépineet Delphine Guérinse sont livrées à une expérience sonore du chaos intérieur, « ce vide, ce silence, cet amalgame d’émotions nécessaires aux artistes, ce qui fait aussi sa positivité ». Objectif : tenter selon la formule du poète Jean Cocteau de « mettre la nuit sur la table » et d’expirer/exprimer l’identité sonore de ce monde.
Le poète nous aide à « mettre la nuit sur la table », comme l’explique Jean Cocteau en s’adressant à l’an 2000.
A l’inverse, le chaos doit-il être combattu ?
Marjorie Terralet Mathilde Corre (Luciole) ont imaginé avec « Un monde sans design » le combat virtuel opposant designers et chaos. Leur parodie de jeu vidéo « Visualegends » n’épargnaient rien du difficile travail de création, des affres du brief client au brainstorming en passant par les exigences du directeur de clientèle.
«Le chaos, c’est tout ce que je déteste ! Les type designers sont les ennemis du chaos» affirmait de son côté haut et fort Léa Bruneau(Production Type). Listant dans une présentation hilarante baptisée «Le chaos appliqué à la typo » tous les problèmes liés à un mauvais choix de typo. Et surtout, le chaos n’est possible qu’avec cet ordre originel. En somme, «Les type designers créent l’ordre et la perfection pour qu’ensuite les designers graphiques et les directeurs artistiques puissent créer le chaos avec nos typos »
Reste une troisième voie, ouverte par Christoph Stolberget Victor Filliaudeau(Leroy Tremblot) : ne pas vouloir contrer le désordre mais s’y adapter, « penser l’imprévisible ». Et pour ce faire, pourquoi ne pas s’inspirer des valeurs du sport : collectif, écoute, observation, coopération, adaptabilité, solutions, empathie….
Le chaos c’est aussi ce carton orange Hermèsdevenu iconique, fruit d’une pénurie de carton beige pendant la guerre.
C’est du chaos que naît la créativité
Comme la créativité qui naît de la contrainte, le chaos, lui aussi, parce qu’il est imprévisible, est source de création. C’est la théorie défendue par beaucoup d’orateurs. Doriane Naufleet Jonathan Mignot(Futurebrand) citaient en exemple ce carton orange Hermèsdevenu iconique, fruit d’une pénurie de carton beige pendant la guerre.
Pour François Serenaet Amaury Martin (Dragon Rouge) : « Le chaos provoque des choses incroyables, le chaos C’EST la création ». Aucun doute non plus pour Christoph Stolberg et Victor Filliaudeau (Leroy Tremblot) : « Le chaos est synonyme d’évolution ». Une cause entendue aussi pour Lucas Vitale et Sullivan Fouquay, (SGK Brandimage ) : «KO=OK car le chaos est TOUJOURS la source de la création ». Et sur cette route chaotique qui mène du début à la fin d’un projet, « c’est dans les périodes d’incertitude et de chaos qu’on est le plus créatif, affirmaient Christophe Mainguyet Victor Auger (Team Créatif) . Grâce au chaos, on imagine des solutions différentes, on innove. Le chaos oblige à sortir de sa zone de confort». Place donc au métissage des idées et des métiers pour sortir des sentiers battus.
Le chaos, l’essence même du métier de designer ?
Derrière des présentations qui ont souvent misé sur le rire, c’est bien le métier de création et celui de designer, avec ses contraintes et ses limites, qui a tenu la vedette.
Avec une fausse expertise revendiquée du chaos, Hélène Revat-Dontenwill et Thénina Baouane (Pixelis) ont provoqué l’hilarité avec trois faux « cas emblématiques » de création du chaos en design, ou comment transformer le simple en abscons : le Rond-Point de l’Etoileet son système de priorités inversées, le port USB avec deux embouts quasi similaires ou le très officiel site impots.gouv.frou comment créer du doute et de l’incertitude et une authentique phobie administrative.
Pour brosser le quotidien d’un métier, Romain Quédreuxet Alexandra Rollandeau (Landor & Fitch) ont imaginé le lancement mondial de Tekao, une agence de consulting adapté aux créatifs touchés par le conformisme « qui ont cessé depuis longtemps d’être créatifs », dixit le duo. Une « bulshit solution pour transformer le process créatif en chaos ». Et de conclure : « Le vrai chaos c’est l’absence de chaos »
De leur côté, Sophie Poulard et Marion Gautier(Extreme) ont détruit avec un bel entrain cette idée d’un designer suivant la fonction. Dans une parodie de téléshopping mettant en vedette le fameux presse-agrumes designé par Philippe Starckpour Alessiet se révélant parfaitement iconique, certes, mais assez inefficace.
Le dernier mot de la soirée reviendra peut-être au duo d’étudiants de Besign, une nouvelle école partenaire de l’ADC basée dans le Sud de la France destinée à former des designers en innovation durable. « Notre chaos à nous, c’est le développement durable, social, économique, environnemental, ont expliqué Marine Laporte et Sacha Nouviale. Et tous les concepts contradictoires avec lesquels il nous faut composer ». Malgré tout, il faut «avancer dans le chaos ». Une définition possible du métier pour tous leurs futurs pairs réunis dans la salle.
Une série de podcasts (interviews/vidéos des participants) produits par l’agence Pixelis seront diffusés à partir de novembre sur le site et les réseaux sociaux de l’ADC.
En résumé
A propos de L’ADC
Depuis 1988, l’Association Design Conseil regroupe les grandes agences de design françaises. L’objectif est de promouvoir les métiers du design en France et l’image des agences françaises à l’international, d’encourager les échanges entre professionnels du design, d’organiser des manifestations et des rencontres tournées vers la profession, les annonceurs, les pouvoirs publics, le public et les médias. L’association a développé les « talks de l’ADC » qui mettent en scène et en image les voix du design et leurs métiers. En savoir + : https://adc-asso.com
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