10 juillet 2023

Temps de lecture : 7 min

« La notoriété de VSD reste intacte. Il faut regagner la confiance de tout le monde », Philippe Abreu (Heroes Media)

Heroes Media a lancé le 30 juin une nouvelle formule de VSD, qu’il a repris trois mois plus tôt. Son président Philippe Abreu explique ses ambitions pour cette marque emblématique de la société des loisirs, lancée à la fin des années 70 par Maurice Siegel avant de passer chez Prisma Media et d’être placée en redressement judiciaire après cinq années sous la houlette de Georges Ghosn.
INfluencia : Heroes Media a repris VSD au tribunal de commerce en avril 2023. Qu’est-ce qui vous a incité à vous positionner sur ce titre qui avait été particulièrement malmené ces dernières années ?

Philippe Abreu : c’était déjà une opportunité de consolider Heroes Media en passant sur un chiffre d’affaires supplémentaire car l’assise de VSD est malgré tout assez intéressante. Le titre s’appuie sur des ventes au numéro de 30 000 à 50 000 exemplaires, auxquelles s’ajoutent environ 10 000 abonnés, sachant que tout ce qui relève de la publicité et du digital n’a pas été du tout développé. Avec mes associés François Tauriac, directeur des rédactions (ex-Figaro, France-Soir et TV Magazine, ndlr), et Vincent Ham (ex-Groupe Ayache) sur la partie commerciale, nous avions en interne les ressources et le savoir-faire pour relever le challenge de la reprise de VSD. On s’est positionnés et on a été assez fiers d’être désignés par le tribunal de commerce pour reprendre cette marque emblématique et même mythique de la presse française. La notoriété de la marque reste intacte mais le public ne connaît plus le titre dans son contenu. Beaucoup ont encore l’impression qu’il est hebdomadaire alors qu’il est devenu mensuel depuis plusieurs années. Une petite enquête auprès des clients a montré que VSD était toujours autant aimé par les lecteurs, le grand public et le milieu. La marque offre un potentiel sur la publicité et le digital. Pour autant, on reste humble dans la manière dont on va changer les lignes et le communiquer.

La notoriété de la marque VSD reste intacte mais le public ne connaît plus le titre dans son contenu. N’étant plus hebdomadaire, sa baseline « Vendredi-Samedi-Dimanche » est devenue « Voir-Savoir-Découvrir »

IN : Dans sa tribune du numéro de la nouvelle formule, paru le 30 juin, François Tauriac explique justement qu’on ne change pas un titre légendaire comme VSD mais qu’on le fait évoluer. De quelle manière ?

P.A. : VSD n’étant plus hebdo, la baseline « Vendredi-Samedi-Dimanche » n’avait plus de sens et est devenue « Voir-Savoir-Découvrir », qui correspond à la ligne éditoriale que François Tauriac voulait mettre en place. La réflexion sur le logo traduit aussi ce que l’on a voulu faire. On avait d’abord pensé à le faire évoluer pour lui apporter un peu de nouveauté mais on s’est de suite ravisé pour garder l’arc-en-ciel inventé par Maurice Siegel en 1977, connu et reconnu de tous, en nous contentant d’adapter la baseline. Pour être davantage en connexion avec les lecteurs, on a accueilli de nouvelles signatures connues dans les médias comme Louis Bodin, Alain Ducasse, Gérald Kierzek…, qui avaient eux aussi un fort attachement au titre. La partie télé a été renforcée. Cela s’est fait naturellement, en restant respectueux du titre. Le numéro de la nouvelle formule est le troisième numéro sur lequel nous avons travaillé depuis la reprise du titre. Tout n’est pas encore complètement abouti mais il montre déjà l’essentiel de ce que nous voulons faire. On continue d’avancer et on prépare pour la rentrée des numéros en lien avec l’actualité autour du rugby.

IN : avec le changement de baseline, il n’est donc pas question de redevenir hebdomadaire…

P.A. : non, d’autant que les hebdomadaires sont une famille de presse qui souffre énormément dans les points de vente. Notre priorité est de consolider et de reconquérir le public avec un magazine qui a une bonne prise en main et un chemin de fer intéressant sur la partie actualité, loisirs et culture.

IN : Quels lecteurs visez-vous ? Si le changement de périodicité n’a pas été perçu, c’est que le public n’a plus lu ou acheté le titre depuis un certain temps…  

P.A. : c’est une réalité… Aujourd’hui, faire 30 à 50 000 exemplaires sur la vente au numéro c’est déjà très bien. VSD a une clientèle grand public qui a vieilli mais qui est fidèle. Le digital permettra de développer un contenu plus ouvert pour des lecteurs plus jeunes et avec un traitement de l’actualité plus rapide. On a déjà changé la plateforme technique et un nouveau site a été ouvert le 1er juillet. On commence dès à présent à l’alimenter de manière plus dense et on fera un point en fin d’année pour adapter la stratégie sur la partie digitale.

On commence à alimenter de manière plus dense le nouveau site. Le développement le plus important sera autour de la publicité. Comme on part de zéro, on a tout à gagner

IN : quelles sont les différentes étapes de la relance ?

P.A. : dans un premier temps, il faut surtout regagner la confiance des lecteurs avec des parutions régulières en vente au numéro et en abonnement, ce qui n’était plus le cas notamment pendant la procédure judiciaire où le titre est paru de manière chaotique. On doit également regagner la confiance des partenaires qui eux aussi ont été chahutés, et celle des salariés qui savent aujourd’hui où ils vont et ce que les actionnaires veulent faire. On n’est pas pressés même si on s’était donné comme challenge de relancer le titre avant l’été, qui est la meilleure période en termes de potentiel sur la vente au numéro. Le développement le plus important sera autour de la publicité entre le print, avec un objectif de 5 à 10 pages par numéro, le digital sur le site vsd.fr, les réseaux sociaux et les opérations spéciales. Aujourd’hui, il est indispensable de proposer ce mix. On est en train de recruter une personne pour être prêts à la rentrée. Comme on part de zéro, on a tout à gagner.

On va essayer de regagner la confiance de tout le monde numéro après numéro. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais les indicateurs avancent dans le bon sens

IN : il n’est jamais aisé de relancer un titre mythique qui a perdu de sa superbe. Sur quoi allez-vous miser pour lui redonner vie ?

P.A. : il faut par exemple réussir à être présent dans les revues de presse, que les journalistes qui travaillent sur les parties actualité, loisirs et culture interviennent sur les plateaux de télé et dans les médias. Sur le print, l’assiette de distribution est historiquement très large et c’est tant mieux. Le positionnement du titre dans les points de vente de presse est capital. On a aussi eu un très bon accueil au Mans Classic (29 juin-2 juillet, ndlr) où nous étions car VSD a été très présent sur des rallyes, notamment sur le Dakar. On va donc essayer de regagner la confiance de tout le monde numéro après numéro. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais les indicateurs avancent dans le bon sens. Les deux numéros de l’ancienne formule, qui étaient sous notre responsabilité et sur lesquels nous avons seulement changé la une, ont déjà été les numéros qui ont fait les chiffres d’affaires les plus importants depuis huit mois. Les vitesses de vente sont encourageantes sur le numéro de la nouvelle formule.

IN : des synergies sont-elles envisagées entre VSD et les autres titres de Heroes Media ?

P.A. : VSD Publishing et Heroes Publishing sont deux structures différentes. Il y aura des passerelles sur l’organisation et les fonctions support. Le siège de Heroes Media est historiquement à Clermont-Ferrand et on a désormais de nouveaux bureaux à Courbevoie. Ils abritent les équipes de VSD qui n’avaient jusqu’alors plus de lieu pour se retrouver et travailler, et les collaborateurs de Heroes qui travaillent en région parisienne, notamment sur le digital. Sur l’éditorial, il y aura peut-être quelques passerelles sur des essais auto mais cela restera très limité.

La communauté Heroes a de plus en plus de valeur et c’est là-dessus qu’on travaille. C’est très différent mais complémentaire de la stratégie d’audience de VSD

IN : comment se développent les titres à centre d’intérêt que vous avez aquis fin 2020 ?

P.A. : Depuis le rachat, on a sorti des titres Montre Heroes et Boat Heroes qui fonctionnent bien. Auto Heroes est passé de trimestriel à bimestriel début 2023. Aujourd’hui, c’est surtout la dynamique de la communauté Heroes qui est intéressante. Elle a été créée il y a 10 ans sur la moto, 6 ans sur l’auto, puis a été agrandie avec les montres et le bateau. On voit que les intérêts croisés entre les univers des quatre titres sont de plus en plus importants et que la communauté fonctionne bien auprès d’une clientèle CSP+. Sur  notre boutique, la vente d’anciens numéros ou de produits de diversification proposés avec des partenaires se développe de plus en plus. La communauté Heroes a donc de plus en plus de valeur et c’est là-dessus qu’on travaille. C’est très différent mais complémentaire de la stratégie d’audience de VSD.

Je voulais depuis un certain temps me lancer dans un projet d’entrepreneur indépendant à dimension humaine et avec des valeurs

IN : Heroes Media est une nouvelle étape dans votre parcours d’éditeur, qui avait démarré dans la presse hippique chez Turf Editions après votre départ de la direction des ventes du Figaro en 2010. A quelles envies ou ambitions correspond cette aventure entrepreneuriale ?

P.A. : à titre personnel, je voulais depuis un certain temps me lancer dans un projet d’entrepreneur indépendant à dimension humaine et avec des valeurs, où il est possible prendre du plaisir et de travailler autour de la passion des médias. Je tiens à garder une exigence éditoriale et une exigence commerciale la plus haute, c’est pourquoi j’avais proposé à François Tauriac et Vincent Ham, qui partageaient ces mêmes envies, de me rejoindre. Même si on a racheté 6 Pack Publishing et Hero&Co en plein chaos après la crise du covid, en pleine hausse du prix du papier puis avec la guerre en Ukraine, on a réussi à réinventer des modèles. Les annonceurs continuent de nous faire confiance… VSD, qui compte aujourd’hui 16 personnes dont 10 pigistes, est aussi une entreprise à dimension humaine. Elle se marie plus facilement avec un groupe de notre taille qu’avec un grand groupe.

En savoir plus

A l’occasion de sa nouvelle formule, VSD accueille plusieurs chroniqueurs déjà connus des médias : Louis Bodin de TF1 pour une page climat, Isabelle Morini-Bosc, Christine Haas et JeanAlphonse Richard de RTL pour des pages Télé, Horoscope et L’Heure du crime, le chef Alain Ducasse pour la découverte des jeunes talents culinaires, l’urgentiste Gérald Kierzek sur la santé, l’avocate Sarah Saldmannn (RMC et BFM Business) pour une rubrique Vos droits, les animateurs Olivier Chiabodo et Alexandre Debanne. Philippe Bouvard poursuit la rubrique Bavardages qu’il tient dans l’hebdomadaire depuis 2020. Une rubrique people est réalisée en partenariat avec 50’ Inside de TF1.

Le numéro de juin, avec à la une Didier Deschamps interviewé par Jean-Luc Reichmann, a été mis en place à 150 000 exemplaires.

VSD a été repris par Heroes Media en avril 2023 auprès du tribunal de commerce après sa mise en liquidation judiciaire. Ce titre emblématique fondé en 1977 par Maurice Siegel, ancien directeur d’Europe 1, avait été racheté en 1996 par Prisma Media, qui l’avait cédé en 2018 à Georges Ghosn, journaliste et homme d’affaires qui également repris La Tribune (1992), Le Nouvel Economiste (1996) et France-Soir (1999).

Le mensuel est le neuvième titre édité par Heroes Media, un groupe constitué en 2020 par Philippe Abreu (actionnaire majoritaire et président), François Tauriac (directeur des rédactions) et Vincent Ham (directeur commercial) après le rachat de 6 Pack Publishing et Hero&Co. Heroes Publishing édite de 8 marques lifestyle, évasion et passion : Auto Heroes, Boat Heroes, Moto Heroes, Montre Heroes, Combi Magazine, Road Trip, Speedster et Super VW.

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