INfluencia : Quelles sont les limites imposées par la loi en matière de santé ?
Morgane Morey : Cette loi est, à la fois, nouvelle et pas nouvelle. Les restrictions concernant les produits liés à la santé et les compléments alimentaires existent depuis longtemps. Ce nouveau texte a, avant tout, une dimension pédagogique. Il cherche à accompagner les influenceurs pour qu’ils ne puissent plus dire : « Je ne suis pas juriste. Je ne savais pas que je ne pouvais pas faire ceci ou cela… »
IN : Quelle sera la responsabilité des influenceurs en cas d’infraction ?
M. M. : La loi met expressément à la charge des influenceurs le devoir de respecter les interdictions. Ils pourront par exemple promouvoir des pansements mais pas des pacemakers.
IN : Ce texte ne détaille toutefois pas précisément les produits ou les services qui peuvent être promus sur les réseaux sociaux et ceux qui sont interdits de publicité…
M. M. : Une loi n’est pas là pour citer dans le détail les produits interdits à la publicité ou pour préciser où il est possible de se procurer ces informations qui sont disponibles sur certaines plateformes spécialisées.
IN : N’aurait-il eu pas fallu être plus explicite pour aider les influenceurs qui sont souvent jeunes et ne connaissent rien au droit ?
M. M. : Les modalités pratiques existent déjà mais il est vrai qu’il n’est pas simple de les trouver. C’est même vrai pour les industriels. C’est pour cela que des équipes marketing de groupes pharmaceutiques font appel à nos services pour les aider à respecter les textes en vigueur. Il faut les connaître à la virgule près.
IN : Comment les influenceurs peuvent s’assurer qu’ils respectent la loi ?
M. M. : Nous proposons depuis plusieurs années des formations aux industriels autour de la réglementation et nous avons, depuis peu, adapté cette offre aux influenceurs mais pour l’instant, aucun d’entre eux n’a fait appel à nos services. La loi est toute nouvelle, il est vrai. Notre idée est de leur donner, en quatre heures, les clés pour qu’ils puissent communiquer en toute sécurité. Cette formation est proposée sous le format virtuel ou en présentiel dans nos bureaux situés sur les Champs-Elysées.
IN : Le temps presse…
M. M. : En effet. La loi est entrée en vigueur le 11 juin dernier.
IN : Lorsqu’un influenceur ne respecte pas la loi quand il vante les mérites d’un produit de santé, est-il seul responsable ou la marque, qui fait appel à lui, peut-elle aussi être poursuivie ?
M. M. : Tout dépend du contrat qui lie l’annonceur à l’influenceur. Dans certains cas, le créateur de contenus peut être passible de sanction seul mais dans d’autres cas, la marque peut aussi être condamnée.
IN : Pensez-vous que les premières sanctions vont vite tomber ?
M. M. : J’en suis persuadée et lorsque les premières sanctions vont tomber en cascade, on va voir les influenceurs et leurs agents réagir sans attendre. Les créateurs de contenu sont, par ailleurs, désormais contraints de souscrire un contrat d’assurance responsabilité civile au même titre que les avocats ou les médecins. Cette loi va donc avoir de grosses conséquences mais c’est une bonne chose.
IN : Qu’entendez-vous par là ?
M. M. : Quand on voyait des influenceurs vanter les bienfaits d’un complément alimentaire en disant qu’il pouvait guérir du cancer, on tombait de notre chaise. Ces publicités ont eu des effets désastreux. Aujourd’hui, des diabètiques ne trouvent plus certains de leurs médicaments car ils sont achetés par des personnes qui veulent perdre du poids. Un médicament, ce n’est pas un bonbon.
IN : Les industriels ne pouvaient pas lutter contre ces excès ?
M. M. : La liberté d’expression est tellement forte en France qu’il est presque impossible pour les industriels d’empêcher les influenceurs à dire tout et n’importe quoi sur leurs produits. Cette loi va changer tout cela car elle va permettre de condamner plus facilement les fraudeurs.