INfluencia : pourquoi et comment vous êtes-vous lancé sur les réseaux sociaux ?
Bruno Ginesty : après des études à l’Université et un master à HEC qui m’a notamment permis de faire un stage de huit mois à l’Opéra de New York, j’ai travaillé comme indépendant pendant six ans pour une cheffe d’orchestre. J’organisais ses tournées à l’étranger, je gérais ses relations presse et j’ai aussi crée le compte Instagram de son orchestre sur lequel je diffusais des contenus qui montraient les coulisses de la formation. J’avais décidé de m’arrêter au mois de mars 2020 pour commencer une nouvelle aventure. J’avais déjà noué des contacts avec d’autres artistes pour collaborer avec eux mais le confinement imposé en avril 2020 a donné un coup d’arrêt brutal à tous mes projets. Cette rupture était assez angoissante. Les aides de l’État m’ont permis de payer mes factures mais je n’avais rien à faire. Comme j’ai toujours adoré faire le ménage, mes amis m’ont encouragé à diffuser des contenus à ce sujet sur les réseaux. Je me suis donc lancé en avril 2020 sur Instagram car je connaissais déjà cette plateforme.
IN : comment s’est développée votre communauté ?
B.G. : très rapidement. J’ai commencé par diffuser des photos « avant/après » mais après deux semaines, j’ai produit des vidéos. Au début, je n’apparaissais pas à l’écran mais une amie m’a conseillé de le faire. C’était une lubie au départ. J’ai diffusé mes premières vidéos en avril 2020 mais j’ai tout arrêté en juillet et en août pour partir en vacances. A mon retour, j’ai eu la surprise de constater que ma communauté continuait de croître. J’avais déjà 1500 abonnés. Je me suis alors dit que je devais continuer car je répondais visiblement à un besoin. Beaucoup trop de gens considèrent le ménage comme un calvaire. Ils ont 10.000 produits différents chez eux mais détestent nettoyer. Moi, j’adore le faire. Quand je me suis lancé sur les réseaux, les autres diffuseurs de contenus spécialisés dans la propreté étaient souvent des anglo-saxons qui utilisaient des produits flashy. Moi, j’estime qu’il est possible de tout nettoyer avec très peu de produits différents.
IN : vous avez très vite attiré l’attention des médias. Comment avez-vous fait ?
B.G. : cela s’est produit sans que je fasse quoi que ce soit. Le fait que je sois un homme qui parle de ménage a très vite suscité la curiosité des médias qui sont venus m’interroger. On me présentait comme un symbole mais je ne cherchais pas du tout à remplir ce rôle.
IN : quel est votre rythme de production de contenus ?
B.G. : c’est assez irrégulier mais sur les deux dernières années, j’ai publié en moyenne un contenus tous les trois jours. Lorsque j’ai ouvert mon compte sur TikTok en juillet dernier, j’ai diffusé une vidéo tous les jours pendant un mois et demi afin de bâtir ma communauté.
IN : travaillez-vous en solo ou êtes-vous accompagné par d’autres professionnels ?
B.G. : je fais tout, tout seul. J’adore toutes les étapes de la production de contenus, de l’écriture de mes scenarios à la virgule, au tournage pour aboutir au moment le plus excitant : celui durant lequel on clique sur le bouton envoi avant de constater les retours des internautes.
IN : vos contenus sont-ils adaptés pour répondre aux exigences des algorithmes des plateformes ?
B.G. : pas réellement. Bien malin de toute manière celui qui peut dire qu’il comprend comment fonctionne ces algorithmes. Celui d’Instagram semble assez logique car toutes mes vidéos sont vues en moyenne 170.000 fois mais celui de TikTok n’est pas du tout régulier. Certains de mes contenus peuvent être visionnés des millions de fois et d’autres ne dépassent pas les 20.000 vues et ce à 24 heures de différence. Personne ne comprend rien à TikTok même les agences qui prétendent le contraire.
IN : comment gagnez-vous votre vie ?
B.G. : je ne gagne pas un centime avec Instagram. Le nouveau programme Beta de TikTok qui finance les influenceurs qui diffusent des vidéos d’au moins une minute me permet de toucher environ 1200 euros par mois mais depuis que j’ai rejoint Beta mon nombre de vues a chuté en moyenne comme par hasard…
IN : quid du placement de produits proposé par les marques ?
B.G. : je reçois des propositions tous les jours qui proviennent parfois de marques prestigieuses. J’ai dû en refuse 130 en tout. Je ne suis pas à l’aise face à l’idée de promouvoir d’articles que je n’utilise pas et comme je me sers de très peu de produits pour nettoyer… C’est parfois difficile de dire non quand une marque propose de vous payer 3000 euros pour montrer pendant quinze secondes son éponge sur une vidéo mais il faut être cohérent.
IN : comment bouclez-vous vos fins de mois alors?
B.G. : j’ai fait des vidéos pour l’entreprise de nettoyage Onet qui ne seront pas diffusées sur mes réseaux mais envoyés à leurs clients qui les montreront ensuite à leurs employés pour qu’ils apprennent à mieux nettoyer les bureaux. Cette mission ressemblait plus à du conseil qu’à de l’influence. Grâce à une mise en contact de l’agence Beastly, je vais également être pendant un an l’ambassadeur de Fnac Darty qui va diffuser sur son compte TikTok, douze vidéos que je vais produire pour eux. J’ai aussi récemment publié un livre dont je suis très fier.
IN : comptez-vous lancer d’autres produits dérivés ?
B.G. : je me prépare en effet à lancer ma propre marque. Tous les jours, des internautes me demandent où acheter un bon savon de Marseille ou des chiffons efficaces. Je me prépare donc à commercialiser une gamme de trois produits et trois accessoires qui permettront plus de 100 choses à la maison. J’aimerai aussi produire une émission à la télévision sur le ménage. Les programmes actuels sur ce sujet sont trop dramatiques et sensationnels. Je veux juste proposer un programme adapté au plus grand nombre qui montre que faire le ménage peut rendre heureux. Mon objectif est de proposer une offre à 360 degrés qui comprenne à la fois des vidéos gratuites sur les réseaux sociaux, des livres, des émissions télé, des produits. J’ai couvert à peine 1% des sujets que je pourrais traiter aujourd’hui…