INfluencia : Vous organisez la 6ème édition du Grand Prix de la Marque Engagée®. Rappelez-nous son objectif
Sandrine Raffin: ce prix, coorganisé avec PRODURABLE et soutenu par M6, L’Oréal, Maif, Imedia Center et l’ADEME, a été créé pour récompenser les marques de produits, de services, les startups, les villes et les territoires qui ont intégré ce que nous appelons la « demande augmentée » des consommateurs ou des clients. Cela signifie qu’ils ont nourri leur identité de marque en engageant l’ensemble de la stratégie de l’entreprise vers un modèle éthique et durable, et vers une empreinte positive révélée de manière attractive et cohérente à leurs consommateurs et clients.
IN : Y a-t-il des nouveautés ?
S.R. : oui ! A partir de cette année, nous mettons en avant aussi les 3 « nominés » de chaque catégorie car nous nous sommes aperçus que les dossiers qui ont été sélectionnés pour arriver à ce stade étaient toujours d’une grande qualité – d’où les choix cornéliens du jury chaque année – et méritaient vraiment qu’on les présente !
IN : qu’attendez-vous de cette nouvelle édition ?
S.R. : encore plus d’étonnement face aux efforts que les marques peuvent déployer pour répondre aux attentes toujours plus exigeantes des consommateurs ou des clients… Mais aussi, une édition qui permettra de mettre en valeur des démarches créatives, voire rupturistes, engageant au-delà de la marque le comportement de leurs clients/consommateurs. Les marques ont un rôle à jouer pour faire évoluer nos usages, elles ont un pouvoir fantastique, on le voit bien en BtoB ou encore sur les sujets du recyclage et du vrac.
IN : quelles sont les conditions pour concourir ?
S.R. : entrer dans l’une des 8 catégories du Prix et pouvoir étayer son engagement par des éléments objectifs, incluant nécessairement la communication. Le jury est très attentif à la sincérité des démarches, à l’attitude globale de l’entreprise qui porte la marque qui concoure, et enfin à son caractère innovant et durable.
IN : quels sont les points clés d’une marque engagée en 2023 ?
S.R. : on sait tous qu’il n’y a pas d’amour, mais seulement des preuves d’amour… C’est devenu la même chose avec les marques qui veulent se montrer engagées : elles ont l’impératif de prouver ce qu’elles avancent !
Aussi, trois points nous paraissent essentiels :
1/ appartenir à une entreprise ayant construit une démarche RSE ambitieuse, avec des objectifs chiffrés de réduction de ses impacts négatifs ;
2/ construire une démarche en cohérence avec l’ADN de la marque qui ajoute une réelle dimension de contribution sociétale :
3/ La révéler auprès de ses parties prenantes mais aussi de ses clients-consommateurs-citoyens, car cela constitue en réalité le marqueur de l’ambition donnée à l’engagement.
IN : qu’attend-on d’une marque aujourd’hui pour être contributrice ?
S.R. : être une marque contributrice, c’est avoir atteint le stade le plus avancé de l’engagement, c’est-à-dire être perçue comme apportant à la société sa part, au-delà de ses intérêts commerciaux, aussi légitimes soient-ils.
IN : On cite toujours ce sondage OpinionWay pour Salesforce et Les Echos (2021), 53 % des répondants disent cesser d’acheter une marque dès lors qu’elle ne respecte pas les valeurs qu’elle affiche, ce taux atteint 65 % chez les 25-34 ans. Mais la réalité rejoint-elle vraiment le déclaratif ? le « déclaration washing » n’est -il pas très prégnant ?
S.R. : il me parait dangereux de se réfugier derrière l’argument du consommateur qui veut systématiquement tout et son contraire. Même si les tensions entre volonté de mieux consommer et pouvoir d’achat existent bel et bien, lorsque 91% des Français partagent la certitude qu’un dérèglement climatique est en cours (Baromètre de la transformation écologique -Véolia Elabe 2022), l’éco-anxiété et l’évolution des décisions d’achat qui peuvent en découler ne sont plus une affaire de bobos ! Cette évolution prend du temps mais la bascule est déjà à l’œuvre dans certains secteurs comme en témoigne la montée en puissance de la seconde main.
IN : Les entreprises mettent de plus en plus en œuvre de vraies stratégies RSE. Qu’en est-il des marques ?
S.R. : il ne peut y avoir de vraie stratégie de marque engagée sans de vraie stratégie RSE. C’est complémentaire. Et l’inverse est vrai : pas de vrai engagement RSE sans avoir inclus la contribution sociétale des marques portées par l’entreprise. Mettre en place une stratégie RSM c’est aller au bout de la démarche, en cohérence avec le projet global de l’entreprise.
IN : avez-vous des exemples de marques engagées qui font évoluer les pratiques et les représentations des acteurs de leur chaîne de valeur et de leurs équipes.
S.R. : au-delà des marques que j’appelle « RSM native », qui sont de plus nombreuses, j’ai de nombreux exemples en tête, dans tous les secteurs car les choses bougent très vite maintenant.
A titre d’exemple, je citerai les engagements de Nestlé avec son objectif de 20% de ses approvisionnements issus de l’agriculture régénératrice en 2025 et 50% en 2030. Une petite révolution qui peut entrainer tout un secteur. Et cela se traduit sur les céréales Nestlé qui intègrent du blé issu de ces modes de production tout en améliorant la composition nutritionnelle de ses céréales de petit-déjeuner (classée Nutriscore A). Elles sont nombreuses en réalité et nous attendons qu’elles postulent au Grand Prix de la Marque Engagée pour être mieux reconnues !
IN : l’enjeu n’est-il pas également justement de convaincre l’interne ?
S.R. : bien sûr ! Car qui mieux qu’un salarié pour être l’ambassadeur de son entreprise, s’il est lui-même convaincu du projet et des valeurs qu’elle véhicule ? C’est précisément la démarche du groupe Bel, qui avec son programme “Actors For Good” a fait de ses 11.800 salariés de véritables activistes sur des sujets aussi divers que le plan de sobriété, la mobilité douce pour se rendre au travail, les choix alimentaires !
IN : Pensez-vous qu’elles puissent être aujourd’hui de véritables catalyseurs du changement de nos comportements ? Et comment ?
S.R. : lorsque Chantelle met en scène sur une femme belle et épanouie, visiblement âgée de plus de soixante ans, c’est l’image de la femme vieillissante qui est réhabilitée. De même lorsque L’Oréal Paris lance la campagne “Stand-Up”, destinée à lutter contre le harcèlement des femmes dans la rue, en proposant des formations de sensibilisation et d’action : vingt mille personnes sont formées chaque année en lien avec l’ONG Hollaback et la Fondation des femmes. Je pourrais également citer Ariel qui promeut depuis quelques années une nouvelle égalité dans la répartition du lavage du linge ou le changement des représentations genrées des couples. Les marques sont de vrais modèles et lorsqu’elles assument cette fonction leurs consommateurs leur en sont reconnaissants. Savoir refléter une époque qui aspire à l’inclusion est un acte marketing positionnant pour une marque.