Pascale Gayraud: en fait, à la base, je voulais être architecte d’intérieur, mais un jour je lis « com visuelle » dans un cursus, et je m’y inscris. La pub c’était ce qui se rapprochait le plus d’un métier « concret », et où je connaissais les belles agences… J’en avais sélectionné quatre. CLM, TBWA, BDDP, DDB, j’ai eu mon premier rendez-vous avec Marie-Catherine Dupuy, elle a regardé mon dossier et m’a dit « je n’ai pas envie de te laisser partir ailleurs, je te garde ici« . C’était tellement frais. Pas de stage, engagée directement… C’est comme ça que j’ai rencontré les immenses Philippe Pollet- Villard, Antoine Choque, Christophe Lambert, Pascal Midavaine… Il y avait une effervescence magnifique…
IN. : vous enchainez avec TBWA, quatre ans après…
P.G. : oui et j’y fais encore des rencontres magnifiques. Déjà pour commencer, j’ai découvert le bonheur de travailler avec Bruno Le Moult, un prince. Et puis Frédéric Beigbeder, un phénomène, et puis Bertrand Suchet. Je crois que je n’ai jamais tant ri. C’est là que je travaillais sur Absolute Vodka et créais une série qui a duré des années avec des visuels plus funs les uns que les autres… je partais seule en repérage, c’était la liberté…
Le numérique est arrivé et nous a pris de court, je crois.
IN. : vous êtes vraiment faite pour la pub, en fait?
P.G. : il est certain que j’adorais ce métier, les gens que j’y côtoyais, et puis soyons clair c’était une époque pleine de légèreté, de liberté. Ensuite j’ai rejoint BETC, puis Louis XIV, Young & Rubicam, où je rencontre Gabriel Gaultier, Publicis aussi ou je travaille sur Renault ou je bosse avec Olivier Altman, et où malgré le mal qu’on en dit parfois, on fait aussi de belles choses…Et puis c’est devenu plus dur. l’annonceur a commencé a devenir roi. Le numérique est arrivé et nous a pris de court, je crois.
La pub est plus un mode de pensée qu’un métier, elle est multipotentielle, par essence.
IN. : diriez-vous que la pub propose une ouverture que ne suscitent peut-être pas d’autres métiers? et révèle ainsi des multipotentiels?
La pub vous apprend à vous ouvrir sur plein de choses. L’art, l’argent, la société, l’humain, la psychologie, les tendances, etc. La pub est plus un mode de pensée qu’un métier, elle est multipotentielle, par essence.
IN. : vous dites aimer la déco, la céramique… Est-ce déjà alors une activité que vous pratiquez?
P.G. : en fait c’était dans un coin de ma tête, et est survenu l’attentat du Bataclan. Mon rédacteur, celui avec lequel je travaillais depuis 21 ans, Fabrice Dubois, y est mort. Après le bataclan, j’étais amputée… Il était impensable de continuer à travailler, de reprendre le boulot. La céramique que j’avais déjà pratiquée lorsque j’étais au 4/5ème est devenue ma survie.
IN. : pensez-vous être multipotentielle?
P.G. : je trace un chemin et je fais tout pour aller au bout. Je n’aime pas tourner en rond, alors j’entreprends des séries , jusqu’à épuisement. Mais il ne faut pas non plus s’acharner. Si une série est terminée, il faut l’accepter. À chaque fois j’expérimente, Et je vais au bout.
IN. : vous dites que les jeunes ne vivent pas le travail comme vous le viviez…
P.G. : je ne connais pas un seul jeune qui envisage de faire une carrière longue au même endroit. Ils doivent s’intéresser à plusieurs sujets, métiers, être ouvers sur tout… Le Covid est venu mettre en exergue un mouvement qui était déjà sous-jacent. Je n’en fais pas partie.
IN. Pourquoi la céramique?
Ma mère et moi en faisions quand j’étais petite. La pub a pris trop de place sans doute.