22 janvier 2023

Temps de lecture : 3 min

Canada Goose, une galerie d’art qui fait commerce de parkas…

Canada Goose expose dans ses 50 magasins une partie des 500 œuvres d’artistes majoritairement canadiens qu’elle a acheté ces sept dernières années. Cette enseigne de vêtements chauds et chers n’est pas la première à transformer ses boutiques en galerie. Certains précurseurs ont montré la voie à suivre dès le XIXème siècle...

Et si on se faisait une expo ? Oui, mais j’ai aussi une envie folle de shopping… Le retail et la culture ne font pas toujours bon ménage. Pour combler ce fossé, Canada Goose a eu l’idée de faire venir l’art dans ses magasins. La marque, qui est née il y a près de 60 ans dans un petit entrepôt de Toronto, transforme peu à ses peu ses boutiques en galeries en y exposant des œuvres d’artistes canadiens et internationaux liées au Grand Nord canadien.

Une parka en papier

Ningiukulu Teevee est une artiste inuit qui fait des dessins à l’encre pour raconter des histoires liées à son peuple et à sa culture. Son sens aigu du design et son humour ont poussé les dirigeants du distributeur à acheter plus de 40 de ses œuvres. Une bonne partie de ces toiles sont exposées dans le magasin de l’enseigne à Montréal. Un manteau mis sous cadre comprenant un assemblage de textile et de papier a, lui, été accroché au-dessus d’un escalier tout près des présentoirs sur lesquels sont pendues les réelles parkas de la marque dont les prix approchent souvent 1500 euros. L’artiste qui l’a créé, Alexa Hatanaka, a vendu 12 de ses créations au retailer. Les sculpteurs Couzyn van Heuvelen et Alex Fischersont, eux aussi, soutenus par le label. D’autres artistes contemporains canadiens « exposent » à l’étranger chez Canada Goose dont Xiaojing Yan à Pékin, Winnie Truong en Californie ou Ed Pien à Paris dont les fils de lumières posés sur du verre rappellent la dentelle du lichen arctique.

Une muséographie recherchée

Ces sept dernières années, l’enseigne s’est bâtie une jolie collection en achetant plus de 500 œuvres d’art créés pour leur très grande majorité par des artistes canadiens. Pour montrer ses pièces au grand public, le retailer ne ménage pas sa peine. « L’exposition d’œuvres d’art est une forme d’art en soi, expliquait à Fast Company Penny Brook, la directrice du marketing de la société. Nous travaillons avec des experts qui nous conseillent sur l’éclairage, l’accrochage des œuvres d’art et leur présentation de manière à ce qu’elles racontent une histoire. » Dans les magasins, chaque œuvre est accompagnée d’une description muséale de l’œuvre et de l’artiste. L’écriteau comprend aussi un QR code que le spectateur peut scanner pour avoir accès à un microsite sur la Toile. Canada Goose forme ses vendeurs pour qu’ils puissent parler des œuvres et des artistes exposés dans leur magasin avec les clients de passage.

Les Inuits touchent des dividendes

Dans ses brochures, la firme a toujours attribué aux inuits l’invention de la parka. Elle a également lancé, en 2009, un programme de Centre de ressources afin d’aider les inuits isolés à perpétuer leurs méthodes traditionnelles de couture avec des matériaux techniques modernes, auxquels ils n’auraient pas eu accès, ou qu’ils auraient trouvés trop onéreux. En treize ans, le groupe a donné plus d’un million de mètre de tissu à ces communautés. Le projet Atigi, qui signifie « parka » en inuktitut, permet à des designers inuits de créer des collections de parka uniques qui sont ensuite mis en vente en collection limitée et les recettes sont reversées à Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’organisation nationale de représentation inuite qui travaille avec les quatre régions inuites de l’Inuit Nunangat.

Tout a commencé dans les centre-commerciaux

L’enseigne de vêtements chauds et chers n’est pas la première à introduire des œuvres d’art dans ses boutiques. De nombreux centre commerciaux notamment à Miami, Hongkong, Tokyo, Shanghaï, Paris, Metz ou Cagnes-sur-Mer ont déjà exposés des œuvres d’art contemporain sur leurs murs. En 1975, le pape du pop art, Andy Warhol disait qu’« un jour, tous les grands magasins deviendront des musées et tous les musées deviendront des grands magasins ». La réalité lui a donné raison. La fondation Lafayette Anticipations, qui a été fondé en 2013 par le Groupe Galeries Lafayette et sa famille actionnaire, expose dans un lieu à Paris des œuvres d’artistes contemporains. Le NorthPark Center à Dallas abrite, lui, des pièces créées notamment par Kaws, Roy Lichtenstein, Barry Flanagan ou Anthony Caro. A Metz, la foncière Apsys a demandé à quatre artistes, dont le chantre de l’art cinétique Julio Le Parc qui a imaginé un gigantesque mobile composé de carrés de plexiglas bleu, de créer une œuvre originale pour son centre commercial baptisée… Muse.

Au Bon Marché, une tradition ancestrale

A Paris, les fondateurs du Bon Marché, Aristide et Marguerite Boucicaut, font appel dès leurs débuts à des architectes et créateurs de talent pour la construction et la décoration de leurs magasins. Boileau, Armand Moisant, Gustave Eiffel, Jacques-Émile Ruhlmann et plus récemment Andrée Putman, ont laissé leurs coups de pattes au grand magasin le plus chic de la rive gauche . Les Boucicaut ont aussi installé en 1875 dans leur boutique une galerie de tableaux d’artistes refusés au Salon des Beaux-Arts. Depuis 2016, le « mois du blanc » qui avait été lancé en 1873 avant d’être abandonné plusieurs années plus tard a, par ailleurs, été relancé. Chaque mois de janvier, un artiste contemporain dispose d’une carte blanche pour imaginer des œuvre. Tout le reste de l’année, Le Bon Marché invite d’autres créateurs à investir ses espaces. Quand on vous dit que l’art et le shopping peuvent faire bon ménage…

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