Pourquoi de plus en plus d’Etats décident de créer leur propre cryptomonnaie ?
Les CBDC, qui désignent les cryptomonnaies créées par les Etats eux-mêmes, représentent l’ultime évolution des crypto-actifs, un secteur pourtant en pleine ébullition depuis déjà une décennie. Pourtant, ces nouvelles devises au fonctionnement encore très opaques, soulèvent beaucoup de question quant à leur complémentarité avec les monnaies fiduciaires.
Au début du mois de novembre, la Banque centralede Russiepubliait un rapport consacré aux actifs numériques et à la manière dont ils pourraient être intégrés dans son système financier traditionnel. Anatoly Aksakov, président de la commission des marchés financiers de la Douma d’État, déclarait alors qu’un projet de loi sur la réglementation du minage des cryptomonnaies avait été soumis au Parlement afin de permettre aux Russes de les utiliser « comme moyen de paiement » en dehors du pays. Moscou avait précédemment interdit l’utilisation de la cryptomonnaie pour payer à l’intérieur du pays. Une prise de conscience soudaine de la haute institution bancaire russe qui fait écho aux nombreuses expérimentations en la matière menées un peu partout dans le monde.
Il y a deux ans déjà, les Bahamas dévoilait fièrement leurs « dollars de sable ». Au contraire des cryptomonnaies décentralisées, dont les cours volatiles crispent les boursicoteurs depuis quelques années, celle-ci a la particularité d’être émise directement par la banque centrale du pays en question et donc de posséder le même statut juridique que les monnaie bahaméennes d’antan. Les résidents peuvent charger leurs « sand dollars » directement sur leur téléphone et les dépenser d’un simple clic. Pour l’instant, seul le Nigérias’est aventuré à créer une CBDC du même genre – Central Bank Digital Currency –, mais de nombreux pays, notamment la Chine, planchent activement sur la question. Si l’on rajoute les crypto-actifs décentralisés – déjà – historiques comme le bitcoin et les stablecoins, qui désignent des cryptomonnaies adossées à une monnaie fiduciaire ou a d’autres actifs tels que l’or, il devient compliqué de remettre en cause la bonne santé du secteur.
Peser le pour et le contre
Pour beaucoup de spécialistes, les CBDC ont l’avantage d’élargir l’accès aux réserves des banques centrales au grand public et non plus seulement aux banques commerciales. Mais comme l’expliquait récemment l’économiste Tobias Adrian, une figure importante du FMI, de nombreuses questions subsistent quant à la route à suivre pour les rendre pérennes. « Doit-on les rendre accessibles sur un compte en banque « classique » ou sous forme de jetons numériques ? Devraient-elles être contraintes de payer des taux d’intérêt comme n’importe quel dépôt bancaire « lambda » ? ». Heureusement – pour elles –, les CBDC présentent déjà plusieurs avantages majeurs : « Elles ont le potentiel de rendre les systèmes de paiement plus rentables et plus compétitifs, ou encore de réduire le coût de gestion des liquidités physiques d’un Etat qui s’avère parfois considérable. Elles pourraient également contribuer à améliorer les paiements transfrontaliers, dont les procédures actuelles sont interminables et souvent difficiles à suivre », et plus globalement « bétonner » les systèmes de paiement en les rendant moins perméables aux cyberattaques, tempère Tobias Adrian. Elles pourraient également faire des miracles dans les pays dont une partie de la population ne possède aucun compte bancaire.
Mais tout n’est pas rose. L’un des risques les plus importants serait que tous les usagers décident de retirer soudainement leur argent des banques en faveur de leur portefeuille de CBDC. Les banques devraient alors augmenter les taux d’intérêt sur les dépôts pour conserver leurs clients, ou appliquer des taux d’intérêt plus élevés sur les prêts, « de quoi ralentir l’économie d’un pays tout entier », rappelle l’économiste. Par ailleurs, si les CBDC réduisent les coûts de transaction en devises étrangères, les pays dotés d’institutions faibles, d’une inflation élevée, de taux de change volatiles… ou de tout cela à la fois, pourraient voir les consommateurs et les entreprises abandonner leur monnaie nationale. Pour contourner ces problèmes, Tobias Adrian – toujours lui – propose aux banques centrales « d’offrir des taux d’intérêt plus faibles sur les avoirs en CBDC, ou de ne les distribuer que par l’intermédiaire des institutions financières existantes ». Vous l’aurez compris, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Quoique nos institutions bancaires décident, de toute manière, les marchés financiers semblent prêts à s’adapter technologiquement aux enjeux de leur temps.
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