23 octobre 2022

Temps de lecture : 5 min

Vogue, Balenciaga, Adidas… Il faut abandonner le soldat Kanye West

Après Vogue et JP Morgan, Balenciaga est la dernière marque – en date – à avoir coupé court à sa collaboration avec le rappeur Kanye West après toute une série de polémiques le concernant survenues le mois dernier. La descente aux enfers du grand pope de la culture populaire est interminable…

How deep does the rabbit hole go… ? A force d’étaler son linge sale sur les réseaux sociaux depuis des semaines, des mois, que dis-je, des années, Kanye West, qui a légalement changé son nom pour Ye l’année passée, semble avoir définitivement dégouté ses collaborateurs musicaux de longues dates, les plateformes elles-mêmes, et les marques qui lui ont pourtant laissé carte blanche pendant près de dix ans. Sans même évoquer son ex-femme suite à… ça, par exemple, la quasi-totalité des afro-américains – depuis ses propos scandaleux sur « l’esclavage consentie » – et même la communauté juive depuis la semaine dernière, la liste s’agrandit de jour en jour. L’artiste et touche à tout visionnaire qui a su remodeler le rap et l’industrie de la mode à son image est bel et bien mort et enterré. A tous les fans de la première heure qu’il lui reste, il est temps de vous faire raison.

 

Home run

Petit rappel des faits. Le rappeur, âgé de 45 ans, a déclenché un tourbillon de controverses début octobre lors du défilé de sa marque Yeezy à la Fashion Week de Paris en s’affichant aux côtés de la militante conservatrice Candace Owens avec un t-shirt « White Lives Matter ». La polémique naissante ne l’a pas empêché de défendre ensuite sa position – et de quelle manière – dans l’émission de Tucker Carlson, autre figure de l’extrême droite américaine, et d’annoncer publiquement sa volonté de racheter Parler, une plateforme sociale extrêmement populaire auprès de l’extrême-droite.

Si seulement l’histoire s’arrêtait là. Rien que ce mois-ci, Ye, alors en plein conflit juridique avec Adidas, s’est permis de diffuser des vidéos pornographiques au board de l’entreprise uniquement dans le but de les choquer – c’est réussi –, d’accuser directement Bernard Arnault de la mort du regretté Virgile Abloh, son ami de longue date et ancien directeur artistique de Louis Vuitton, de publier des remarques antisémites sur tweeter qui lui ont valu d’être exclu des médias sociaux et d’affirmer que George Floyd était mort de toxicomanie plutôt que de violence policière – la famille Floyd a menacé d’intenter un procès pour ces remarques ; le podcast sur lequel Ye les a prononcées a depuis retiré l’épisode –. Résultat : poule aux œufs d’or ou non, les marques avec lesquelles il collaborait abandonnent toutes le navire et son empire n’a jamais paru aussi fragilisé qu’aujourd’hui.

 

 

Gap

Contrairement aux autres marques évoquées dans cet article, c’est Ye lui-même qui a mis fin en septembre dernier à son contrat de 10 ans qui le liait au géant américain. Difficile pourtant de penser que les sentiments n’étaient pas mutuels. Dans une lettre envoyée au géant de la distribution, l’équipe juridique de la star a allégué que Gap n’a pas tenu ses promesses de sortir certains articles dessinés par Yeezy et d’ouvrir des magasins Yeezy Gap dédiés comme ce qu’ils avaient prévu, ce qui ne leur a laissé « aucun autre choix que de mettre fin à leur collaboration ». Dans un mail interne aux employés de Gap obtenu par le magazine de mode américain Page Six, le président et PDG de Gap Brands, Mark Breitbard, a confirmé que le partenariat était bel et bien terminé. « Bien que nous partagions avec Yeezy Gap la volonté d’apporter un design de haute qualité, avant-gardiste et utilitaire à tous nos clients, nous ne sommes plus alignés sur la manière de procéder pour concrétiser cette vision. Ce faisant, nous décidons de mettre fin à ce partenariat ». Sans oublier de préciser que l’entreprise avait toujours tenu ses promesses à la star. Qui a raison ? Qui a tort ? Finalement le résultat est le même.

 

Balenciaga

Ye a travaillé en étroite collaboration avec Demna, le directeur créatif de Balenciaga, pendant des années, notamment pour designer les tenues portées par son ex-femme sur les tapis rouge à travers le monde, et faisant même ses débuts en tant que mannequin lors d’un défilé pour la marque de luxe à la Fashion Week de Paris en octobre 2022. Il avait alors ouvert la collection printemps 2023 en tenue tactique et avec un protège-dents de la marque. Pourtant, vendredi dernier, la marque, par la voix de Kering, sa maison mère, a annoncé qu’elle avait rompu ses liens avec la star en ces termes : « Balenciaga n’a plus aucune relation ni aucun plan pour de futurs projets liés à cet artiste ». Peu de jours avant cette prise de décision public, Vogue avait supprimé Ye de sa couverture du défilé Balenciaga et Balenciaga avait a également retiré une photo de West prise lors de l’évènement de son propre site Web. Quant aux collaborations Yeezy Gap Engineered by Balenciaga, quelques pièces sont toujours disponibles sur le site Yeezy Gap, mais la collection entière a été retirée de Farfetch.

 

 

Vogue

Vogue justement, parlons-en. Anna Wintour a invité Ye pour la première fois à son Met Gala annuel en 2009, et lui et sa femme de l’époque, Kim Kardashian, ont même fait la couverture du magazine en 2014. En septembre dernier, la grande madone de la mode s’était même affichée avec une paire de lunettes de soleil Yeezy aux côtés du rappeur lors d’un événement de la Fashion Week de New York. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que Ye prenne pour cible Gabriella Karefa-Johnson, la rédactrice en chef de Vogue, sur les médias sociaux, affirmant qu’elle n’a aucune légitimité pour occuper ce poste car « elle n’est pas une personne du milieu », que son style vestimentaire et attroce et même qu’ « Anna Wintour déteste ses bottes ». Plus infantile tu meurs. Les remarques antisémites de Ye semblent ensuite avoir été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Wintour et Vogue, car l’un de ses collaborateurs a déclaré en off qu’Anna « en a assez. Elle a fait savoir très clairement à l’équipe de Vogue que Kanye ne fait plus partie de la maison ».

 

 

Adidas

Leur collaboration avait débuté en 2013 et devait durer jusqu’en 2026, la marque étant chargé de la production et de la distribution des produits Yeezy. Bien que la relation de West avec Adidas ait toujours été tumultueuse en raison des frustrations apparentes du rappeur à l’égard du détaillant, affirmant même qu’il lui aurait volé certains designs, ce n’est que récemment, après la tempête « White Lives Matter », que la société a annoncé que son partenariat avec la star était « en cours de révision ». Le board a déclaré dans un communiqué : « Après des efforts répétés pour résoudre la situation en privé, nous avons pris la décision de placer notre partenariat avec Yeezy entre parenthèses. Nous continuerons produire notre ligne de produits commune pendant cette période ». Vu les bénéfices que les produits Yeezy leurs rapportent… c’était prévisible.

West a répondu en insultant la marque sur Instagram – on commence à être familier du process – et en réaffirmant qu’elle lui avait volé ses designs. Si nous pouvons, juste une fois, nous faire l’avocat du diable dans cet article, son accusation est loin d’être ubuesque. Le rappeur a ensuite déclaré que la société avait retardé la production de sa collection Yeezy Gap Engineered by Balenciaga, pris des décisions sur la conception des produits sans lui demander son avis et lancé le Yeezy Day, encore une fois, sans sa bénédiction. Et puis le fameux incident à la vidéo pornographique – dont l’intrigue était destinée à servir de métaphore du « cauchemar » que la société lui a fait vivre –. On en rirait presque si sa descente aux enfers n’était pas aussi dramatique. Reste maintenant à savoir comment toutes ces défections impacteront ou non Kanye West. « Je ne perds pas d’argent », a-t-il récemment déclaré à TMZ. « Le jour où j’ai été retiré du site de Balenciaga, c’était l’un des jours les plus libérateurs de ma vie. Maintenant il est temps pour Ye de créer la nouvelle industrie. Plus d’entreprises qui se mettent entre moi et le public ». On a du mal à le concevoir… mais on attend la suite avec impatience.

 

 

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