7 octobre 2022

Temps de lecture : 7 min

Elisabeth Cialdella (M Publicité) : « La simplicité, l’exigence et l’optimisme seront nos axes forts »

Elisabeth Cialdella a été promue début juillet 2022 directrice générale de M Publicité, la régie du Groupe Le Monde où elle est arrivée en 2011. Pour INfluencia, elle détaille entre autres sa feuille de route, les atouts et les projets de la régie, son ressenti du marché et du rôle des marques médias.
INfluencia : vous avez pris début juillet 2022 la direction générale de M Publicité. Avec quelle feuille de route pour les mois à venir ?

Elisabeth Cialdella : l’image, l’expérience et les réalisations de la régie sont construites sur la force et l’exemplarité des contenus, mais aussi sur ses audiences premium et influentes. Il s’agira donc de réaffirmer ce positionnement exigeant en soulignant toujours davantage la plus-value et l’identité de nos marques médias auprès du marché publicitaire, d’accompagner nos partenaires annonceurs en étant créatifs, inventifs et responsables avec des solutions en phase avec la qualité des audiences et la singularité de nos titres… De manière plus spécifique, nous allons essayer de placer la relation client sous le signe de l’inventivité en étant engagés collectivement car M Publicité est avant tout un collectif cimenté par les forces du groupe et la cohérence des audiences proposées sur le marché. Tout cela se traduit autour de trois axes forts : la simplicité dans la façon dont nous souhaitons collaborer avec les marques en termes d’offres ou d’achat, l’exigence qui reste une boussole dans la conduite des projets stratégiques et l’optimisme. Nous sommes très enthousiastes de pouvoir proposer aux marques et aux annonceurs des opportunités d’intégration au sein de nos marques, qui vont porter beaucoup d’innovations. Certaines viennent de se lancer comme « Le Goût du Monde«  et beaucoup d’autres sont à venir.

IN : la presse quotidienne nationale (PQN) se porte très bien sur le plan publicitaire et la presse magazine continue de se redresser. Quelles sont les remontées du marché alors que la fin de l’année s’annonce plus difficile sur le plan économique ?

E.C. : le premier semestre 2022 est resté très porteur. Dans un marché en hausse de 4 %, M Publicité a surperformé avec une progression de 7 %. Sur la fin de l’année, le climat des affaires s’érode. Nous avons moins de visibilité et on sent que les investissements se contractent. Les innovations sont un moyen de contre-carrer cette tendance. Notre marché est sensible à la création de valeur et les allocations de budgets se font aussi en fonction des dispositifs qui portent du sens. Nous avons donc un vrai rôle à jouer par les thématiques fortes que nous adressons. Dans cette perspective économique incertaine, nos atouts vont consister à beaucoup revendiquer la qualité des contenus, à prouver l’engagement des lectorats et à travailler sur la qualité et l’efficacité des dispositifs proposés. En quelque sorte, nous travaillons la valeur contre l’incertitude.

Dans cette perspective économique incertaine, nous allons beaucoup travailler la valeur contre l’incertitude.

IN : quels sont pour M Publicité les grands dossiers du moment ?

E.C. : il y a un vrai sujet autour du contexte et du fait d’être un interlocuteur crédible sur des thématiques qui peuvent fournir aux marques annonceurs des environnements assez inédits. Au sein du Groupe Le Monde, la culture a toujours été un sujet de prédilection. Certains thèmes ont été traités de longue date mais leur couverture a beaucoup augmenté, par exemple la mode, le lifestyle ou le tourisme. D’autres se développent comme la parentalité, qui offre d’ailleurs des opportunités de conversion en abonnements, ou encore la santé. Ces thématiques intéressent et mobilisent les audiences y compris à travers l’organisation d’événements, à l’image des cycles « Une seule santé » lancés avec L’Obs et 1Healthmedia autour de l’interconnexion entre les questions de santé humaine, animale et environnementale. Sur toutes nos thématiques, nous avons développé des solutions d’indexation et de ciblage sémantique en temps réel des pages articles de nos marques médias, afin de sélectionner les contenus les plus pertinents pour un individu. Nous essayons aussi de bâtir des ponts entre nos univers contextuels et les univers des marques, par exemple avec un produit « Polar » qui diffuse les créations sociales des marques dans nos environnements éditoriaux.

IN : les annonceurs ont une forte culture du cookie. Sont-ils de plus en plus sensibles au ciblage sémantique ?

E.C. : ces solutions sans données personnelles sur cookies, que nous opérons en programmatique comme en gré-à-gré grâce à la solution Grapeshot, sont aujourd’hui utilisées sur 20 % de nos campagnes. Dans le luxe, presque la totalité des campagnes sont adressées de cette manière. Les équipes du groupe ont développé une solution propriétaire de gestion de la donnée first party, Forecast for Ad, qui permet d’adresser les audiences sur la base de nos observation de l’engagement, des centres d’intérêts… Nous sommes donc bien armés pour aborder un monde sans cookies tiers.

Les équipes du groupe ont développé une solution propriétaire de gestion de la donnée first party, Forecast for Ad, qui adresse les audiences sur la base de nos observation de l’engagement, des centres d’intérêts… Nous sommes bien armés pour aborder un monde sans cookies tiers

IN : l’internalisation des outils techniques, très forte au sein du Groupe Le Monde, a-t-elle permis de développer la culture du numérique et de gagner en efficacité ?

E.C. : au-delà du travail mené sur les contenus et les contextes et des outils développés en interne par la direction technique, la régie a une forte culture sur les études et le traitement de la donnée, développée de très longue date et basée sur une forte expertise issue de notre stratégie de mesure et de connaissance des audiences. Cela passe par des analyses d’efficacité et de comportements sur un panel propriétaire, des observatoires sur certains secteurs comme l’automobile, la banque-assurance, le tourisme ou le luxe. Des associations avec des laboratoires de recherches spécialisés en psychologie du consommateur nous permettent aussi d’affiner l’analyse et l’exploitation de nos résultats.

IN : la diffusion du Monde est aujourd’hui très majoritairement numérique. Comment la régie aborde-t-elle cette transformation de modèle économique ?

E.C. : nous cherchons toujours à valoriser la lecture papier, premium et événementielle, qui offre un vecteur fort de communication pour les marques parce que nous adressons des audiences exclusives : 54 % des lecteurs du Monde ne lisent aucun autre titre de presse quotidienne, ce qui représente plus d’un million de lecteurs exclusifs chaque jour. De la même manière, 62 % des lecteurs de nos magazines ne lisent pas d’autre magazine d’actualité. Au sein des équipes, des experts marques sont en lien avec les éditeurs et partagent la connaissance des titres pour proposer une meilleure activation, assurer pleinement notre rôle de conseil et de recommandation. Grâce à un planning stratégique fort, de plus en plus d’opérations spéciales proposent des dispositifs multi-marques qui multiplient les points de vue et les audiences. Dans les évolutions en cours, les versions numériques sont néanmoins un sujet important. Il faut pouvoir quantifier plus finement le volume des lecteurs, leur profil et les parcours de lecture. L’étude OneNext de l’ACPM travaille sur la provenance des points de contact. Nous nous sommes aussi associés à MediaFigaro et à Les Echos-Le Parisien Médias pour travailler avec Opinionway sur la mesure de l’impact publicitaire entre les versions numériques et les versions papier. Le travail qui été fait sur l’univers des quotidiens va se poursuivre dans les prochaines semaines sur les magazines. Nos marques magazine ont de gros enjeux sur le numérique en 2023.

Grâce à un planning stratégique fort, de plus en plus d’opérations spéciales proposent des dispositifs multi-marques qui multiplient les points de vue et les audiences

IN : cette transition numérique change-t-elle la manière de commercialiser les espaces publicitaires ?

E.C. : nous avons développé plusieurs réponses pour nous adresser à nos audiences abonnées. Cela passe notamment via des dispositifs à forte valeur ajoutée auprès d’individus très engagés en temps passé et en pages vues, avec une sélection de format et une répétition limitée. Depuis quelques temps, nous pouvons aussi cibler des rubriques spécifiques dans l’application.

IN : la publicité sur les supports du groupe Le Monde est encadrée par des « règles strictes ». Est-ce une contrainte ?

E.C. : la créativité et l’inventivité ne sont pas incompatibles avec des règles de cohabitation entre la publicité et l’éditorial, dès lors qu’elles sont claires et respectées. Plus nos médias proposent une expérience de lecture optimale, plus nous allons capter les audiences et plus les intégrations publicitaires seront efficaces. A l’intrusivité nous préférons la convergence des valeurs. Une charte de bonnes pratiques nous permet d’être très clairs dans nos relations avec les marques annonceurs dans la manière dont nous appelons les différents dispositifs et permet au lecteur d’être dans un environnement très lisible.

La créativité et l’inventivité ne sont pas incompatibles avec des règles de cohabitation entre la publicité et l’éditorial, dès lors qu’elles sont claires et respectées

IN : votre parcours vous a amené à travailler dans différents médias, payants et gratuits, publics et privés… Quelles réflexions cela vous inspire-t-il sur la manière dont les médias et la presse font face aux enjeux économiques et citoyens d’aujourd’hui ?

E.C. : le fil conducteur de mon parcours est un immense intérêt pour les médias et en particulier pour la presse. Les réflexions stratégiques et les évolutions des business models m’ont aussi beaucoup animée et nourrie dans ces différentes étapes. Au sein du groupe Le Monde, l’exigence sociétale et environnementale sont portées de manière importante par le quotidien et les magazines. D’ailleurs, c’est toujours un bonheur d’observer comment se construisent les audiences et comment les lecteurs se mobilisent, par exemple autour de contenus comme le podcast Chaleur humaine qui dépasse les 30 000 téléchargements à chaque épisode. Nous abordons aussi les enjeux sociétaux en étant engagés de manière collective sur une calculette carbone. L’étude de l’ObSoCo, la Fondation Jean Jaurès et Arte parue à la rentrée sur la fatigue informationelle m’a beaucoup interpellée car si un Français sur deux dit en souffrir, 60 % estiment important de s’informer régulièrement dans les médias. Il est important de leur apporter des réponses et de montrer aux jeunes générations qu’elles ne sont pas démunies face à la sur-sollicitation. Cela suppose de se concentrer sur ce qui en vaut la peine, de valoriser la sélection des sujets, d’adopter des types de narrations qui allient la qualité du traitement et les codes des plateformes… Les choix de direction artistique, les photos et l’infographie contribuent de plus en plus à ce que l’information ne soit pas fatigante et permette d’aborder des sujets complexes de manière plus accessible et même plus belle. Il y a selon moi toute une écologie de l’attention à développer, sur laquelle la régie va aussi continuer à travailler.

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