Les contradictions du métavers et de ses usages
Comme il a d’abord été l’apanage des gamers, nombreux sont ceux qui perçoivent le métavers comme un nouveau moyen de se divertir, selon Sébastien Borget fondateur de the Sandbox. D’autres estiment que les metaverses deviendront des espaces de la vie quotidienne d’ici moins d’un an…
Il y a cependant un fossé entre ce que cultive l’imaginaire collectif et la réalité. Car même si l’attirance demeure un fait incontestable, des craintes importantes subsistent notamment en matière du contrôle des données personnelles. En effet, d’après l’enquête d’opinion menée par l’IFOP en 2021 auprès des Français, la technologie suscitait la crainte de 75 % des sondés. D’autre part, la technologie n’est pas encore au point pour un usage tel qu’on l’imagine et une démocratisation à grande échelle: «Aujourd’hui, la technologie n’est tout simplement pas prête à supporter un métavers totalement immersif et partagé. L’interopérabilité, la puissance de calcul, les protocoles, la capacité de mise en réseau et le degré de sophistication ne permettent pas de créer un véritable espace unifié à l’UX aboutie.»
Le matériel qu’elle requiert constitue également un frein à son utilisation par le grand public. Certes,les casques immersifs existent mais sont chers et n’offrent pas une expérience gaming à la hauteur des attentes des aficionados. Par ailleurs,à l’heure de la sobriété numérique et énergétique, est-ce vraiment sérieux de miser sur une technologie énergivore? Entre le sujet du cloud et de la bande passante, mais aussi des composants hardware qui vont par ailleurs coûter de plus en plus chers, les préoccupations en matière de durabilité environnementale augmentent. Également synonyme de spéculation immobilière virtuelle, le métavers peut s’avérer être un piège pour un certain nombre de grands groupes qui voient en lui une manne extraordinaire. Ils ne font en effet rien d’autre pour le moment que d’acheter des terrains, sans certitude du résultat, et alors qu’une grande partie de ce qui existe aujourd’hui peut rapidement devenir obsolète. Enfin, il s’agit de considérer tous les champs des possibles qu’une technologie peut offrir car elle peut être employée à d’autres fins que celles initialement envisagées, à l’image des NFT devenues«utiles». D’abord critiquées car elles étaient associées à des actions futiles comme habiller son avatar ou être simplement collectionnées, elles ont montré qu’elles étaient d’un certain secours dans des cas bien précis (juridique,industriel,événementiel…).
Force est de constater plus largement que les innovations très prometteuses ont souvent trouvé leur place dans des secteurs inattendus comme l’AR et la VR dans l’industrie, Amazon avec son cloud et ses modèles B2B, ou encore Google qui avec ses outils grand public gratuits a développé son modèle économique en B2B.
L’émergence d’opportunités dans des domaines ciblés
La pandémie a donné une accélération décisive aux événements virtuels. Le développement du métavers en est une conséquence directe. Mais quelles sont ses applications gagnantes? Fort du constat que le métavers est avant tout associé au divertissement constitue une opportunité évidente en B2B, mais le B2B s’en empare aussi progressivement: «Grâce au métavers, les marques pourront atteindre leur public dans une nouvelle dimension plus immersive, plus ludique et plus festive.(…) Il apparait comme un canal additionnel à intégrer dans les plans marketing des entreprises». D’autant plus que les jeunes générations démontrent déjà une certaine appétence pour le concept: 38% des GenZ et 48% des millennials pensent que le métavers fera partie de leur quotidien dans les dix prochaines années. 4 Il représente le lieu idéal pour une nouvelle application du «retailtainment» dans une logique de gamification destinée à rendre la marque plus attractive, pour s’amuser en dépensant et dépenser pour s’amuser. Quelques exemples d’expériences engageantes dans le métavers s’appuyant sur le principe de Roblox ont déjà vu le jour avec Gucci, Nike ou encore Vans… Avec la démocratisation des visios et des webinars, c’est l’événementiel pro, sans être«over immersif», qui semble être le grand vainqueur. Le métavers permet en effet de réaliser des économies car il évite des frais de déplacement et participe à la vie de l’entreprise: conférences virtuelles ( Microsoft est d’ailleurs entrain de développer une nouvelle solution, Mesh, qui permet aux personnes de se connecter à une présence holographique, pour partager et collaborer à distance), mais encore recrutement et onboarding à la façon de Carrefour ou d’Accenture. Les salons professionnels virtuels ou hybrides constituent une autre branche de l’événementiel pro, et pas des moindres, comme l’éditionVivatech 2022 a pu en témoigner. Lieux d’échange, de démonstration produits et de vente, ces derniers couvrent la totalité du potentiel du métaverse. Ils pourraient jouer à terme un rôle clé dans l’économie mondiale, et plus vite que l’on pourrait se l’imaginer. Avec un potentiel business estimé entre 8000 et 13000 milliards de dollars à l’orée 2030 par la banque d’investissement Citi, le métavers appliqué à certains domaines ne laisse guère indifférent, sachant que, selon le cabinet Gartner, 1 personne sur 4 passera au moins 1 h par jour dans le métavers en 2026. Mais une heure pourquoi faire? Zukerberg, après avoir lancé Workplace (le Facebook des pros),Portal(une gamme hardware pour les visios), complétée par l’acquisition de Horizon, cherche un nouveau levier de croissance dans le monde pro. A-t-il réalisé un coup de maître en plaçant le métavers sur le devant de la scène pour in fine réussir à l’imposer dans le B2B.