22 septembre 2022

Temps de lecture : 4 min

L’Union Européenne veut-elle réellement plus d’énergies renouvelable dans son mix énergétique ?

Entre prétextes et fausses promesses, bien malin celui ou celle qui prétend connaitre les intentions des parlementaires européens quant aux énergies renouvelables…

Si certain.e.s en doutaient encore, la récente allocution télévisuelle de Vladimir Poutine a dû les angois… rassurer : quels que soient les sanctions économiques ou le coût humain, la Russie compte aller jusqu’au bout de son ambition ukrainienne. Pouvait-on en attendre autrement d’un autocrate qui s’est toujours présenté comme un grand nostalgique de l’empire Russe et qui s’est déjà rendu coupable d’avoir envahir plusieurs de ses pays frontaliers ? Pas vraiment, alors il valait mieux s’y préparer. Dès que le conflit s’est enlisé et que l’U.E. a réalisé quel était le coût réel de cette énergie bon marché en provenance de l’Est, le terme d’ « indépendance énergétique » s’est vite imposé chez les parlementaires européens. Quoi de plus normal ? Le développement des énergie renouvelables semblait être la solution toute trouvée pour se dégager de l’emprise énergétique exercée à leur encontre par Poutine tout en s’inscrivant dans les enjeux écologiques de notre temps.

Solide sur ses appuis économiques – et ses nouvelles convictions environnementales diraient les plus sceptiques –, la Commission européenne a voté mercredi dernier pour que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de l’Union Européenne passe à 45% d’ici 2030, contre 22% actuellement, un objectif énoncé pour la première fois en mars dernier au début de l’invasion. Mais ce n’est pas tout. Plusieurs sous-objectifs concernant les secteurs des transports, de la construction, du chauffage ou du refroidissement urbain ont également été annoncé. Pour les transports, dont l’impact environnemental n’est – vraiment – plus à discuter, le déploiement des énergies renouvelables devrait aboutir à une réduction de 16% des émissions de gaz à effet de serre. Niels Fuglsang, le rapporteur de cette nouvelle directive relative à l’efficacité énergétique a commenté le vote en ces termes : « Nous sommes dans une situation où Poutine coupe le gaz à l’UE. Face à cette crise sans précédent, l’une des réponses les plus évidentes est l’efficacité énergétique. Il est donc essentiel que le Parlement ait adopté aujourd’hui des objectifs ambitieux et contraignants pour l’UE dans son ensemble et pour chaque État membre ».

 

Un mix payant ?

Si des objectifs plus élevés sont essentiels pour atteindre l’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie et répondre à l’urgence climatique, il pourrait être surprenant de constater que certains militants écologistes dévaluent cette approche. En réalité, beaucoup d’entre eux craignent que l’UE ne sacrifie la qualité de l’énergie que l’on consomme en faveur de sa quantité. Les ONG sont nombreuses à pointer du doigt les deux moyens annoncés pour atteindre partiellement ce nouvel objectif : l’usage de biocarburants et de carburants de synthèse, qui regroupent tous les carburants, sous forme liquide ou à l’état gazeux, produits à partir d’électricité renouvelable, issu du solaire ou de l’éolien par exemple, ou décarbonée. Selon l’ONG Transport & Environment, 78% des matières premières utilisées pour produire du biodiesel en Europe sont issues des huiles obtenues à partir de colza, de palme, de soja ou encore de tournesol. Pour les dirigeants de l’association, c’est tout simplement une hérésie : « Malgré le risque imminent de pénurie alimentaire, qui pourrait entraîner des centaines de millions de personnes dans la pauvreté alimentaire, l’Europe continue de transformer 10 000 tonnes de blé – l’équivalent de 15 millions de miches de pain – en éthanol chaque jour, pour une utilisation quotidienne dans les voitures », dénonce ainsi s

Les ONG, à l’image d’Oxfam encore récemment ou de Greenpeace, considèrent que les biocarburants, surtout ceux issus de culture vivrière, contribuent à la flambée des prix des denrées alimentaires. Ils affirment également que leur production encouragerait à la destruction des puits de carbone à l’étranger, car celles et ceux qui les « cultivent » s’installent généralement dans des zones forestières. Certaines ONG osent même affirmer que les biocarburants destinés à l’alimentation humaine et animale sont encore plus dommageables pour la planète que les énergies fossiles. Malgré un tableau peu reluisant de prime abord, les biocarburants d’origine agricole ont également leurs partisans, ces derniers les présentant justement comme une ressource durable qui peut être cultivée directement en Europe et qui remplace les combustibles fossiles nuisibles au climat, contribuant ainsi à réduire les émissions et à accroître l’indépendance énergétique.

 

Faire l’autruche

Peu désireux de faire entendre leur voix dans ce vaste débat, les parlementaires n’ont quasiment pas retouché les objectifs de l’UE en matière de biocarburants. Habile Bill. En revanche, ils ont modifié le sous-objectif relatif aux carburants de synthèse, ou e-fuels en anglais, qui a plus que doublé pour atteindre les 5,7 % d’ici 2030. Ces derniers sont créés en mélangeant de l’hydrogène vert avec du dioxyde de carbone capturé dans l’atmosphère. L’un de leurs principaux avantages est que, contrairement à l’hydrogène pur, ils peuvent être utilisés dans les technologies actuelles. En adoptant un objectif plus élevé les concernant, le Parlement européen en a malheureusement profité pour atténuer les exigences dites d’ « additionnalité », c’est-à-dire l’obligation d’utiliser de nouvelles sources d’énergie verte pour créer les carburants de synthèse, afin d’éviter qu’ils ne monopolisent les rares énergies renouvelables à disposition.

Pour Transport & Environment, encore eux : « Il ne sert à rien de produire ces carburants en prenant les énergies renouvelables existantes du réseau, en les utilisant pour la production d’hydrogène, puis en comblant le vide par une demande supplémentaire d’électricité au gaz ». Un objectif réduit, sans modification de la loi sur l’additionnalité, aurait été préférable. De son côté, la collective du bioéthanol a regretté les conclusions de l’ONG. « On a toujours tendance à présenter les filières des biocarburants comme coupées du monde », a relevé son directeur des affaires publiques Nicolas Rialland. Avant de poursuivre : « 40 % des tonnages restent valorisés sous forme alimentaire, ce ne sont pas des tonnages perdus ». Sans oublier que la guerre en Ukraine implique « un contexte tendu » et ce n’est « peut-être pas le moment de fragiliser les filières », a-t-il souligné. Un pour tous, tous contre le sobriété-washing.

 

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