Dans le quartier général des nuits agitées de Hong-Kong, 7-Eleven est en train de devenir le roi de la fête. Oui, oui, vous avez bien lu, 7-Eleven. Comment ? Explications sur la naissance d’une contre-culture symptomatique des conséquences des changements comportementaux.
Savoir se réinventer pour faire face aux nouvelles concurrences n’est l’apanage d’aucun marché dans le village mondialisé et interconnecté qu’est devenue notre planète. Le « in » d’un jour peut-être, le « out » du lendemain pour paraphraser Gainsbourg. Les technologies modifient les comportements et processus d’achat du consommateur, les marques doivent relever le défi du digital et l’économie collaborative brande l’interaction citoyenne. Dans ce paysage d’industries en mutation, le lucratif milieu de la nuit semblait faire office de père peinard à la Brassens. Si nous utilisons l’imparfait c’est qu’une contre-culture nocturne inattendue contrarie les affaires des bars de Hong-Kong. Son nom ? Le Club 7-Eleven.
Quel rapport avec la multinationale nord-américaine des superettes de quartier nous direz-vous ? Vous allez vite comprendre. Resituons d’abord le contexte. Avec 950 magasins, Hong-Kong possède avec l’île voisine de Macao le record mondial de 7-Eleven. Elle permet en même temps à tous ses résidents une liberté de consommation d’alcool en public impensable par exemple chez l’Oncle Sam. Depuis des années, le géant mondial de la grande distribution de proximité est bien implanté dans le quartier de Lan Kwai Fong, QG historique des noceurs de Hong-Kong, mais son néon et rayon au design 70’s n’avait jamais menacé les bars et discothèques environnantes.
Depuis cinq ans D’Aguilar Street et ses rues piétonnes adjacentes sont devenues le repère des milliers d’étudiants étrangers venus profiter des samedis soir agités du Bourbon Street asiatique. En ouvrant cinq nouveaux magasins dans le petit périmètre réservé aux bars et boîtes de nuit, 7-Eleven s’est imposé comme un concurrent inattendu. La raison ? La multinationale vend les mêmes marques de boissons alcoolisées pour huit fois moins cher. Pourquoi donc alors s’entasser dans un espace fermé pour boire la même chose alors qu’il est possible de picoler tranquillement dehors dans une atmosphère de feria ?
Le prix préféré aux services
Depuis quelques mois, le « 7-Eleven Club » change l’environnement nocturne de Lan Kwai Fong. La nouvelle équation masse devant chaque superette de la chaîne une nouvelle catégorie de fêtards, moins disposés à dépenser plus pour les services offerts par les établissements de nuit traditionnels. Ou comment le mini-supermarché local de proximité, sans licence, sans serveur, sans DJ, sans videur, sans barman, invente un nouveau concept sans innover et devient le roi de la nuit à Hong-Kong. Le consommateur a décidé et forcément les commerçants du cru l’ont mauvaise. Ils organisent la rébellion. Leur principal argument de communication concerne le manque de contrôle et l’absence d’encadrement.
« Toute société développée possède une responsabilité pour la vente et la consommation d’alcool. Cette situation pose un problème de sécurité publique, dont le contrôle de la foule en premier lieu. Contrairement à nous 7-Eleven n’est pas tenu d’avoir des toilettes, une sortie de secours, une limite de clients », peste Cathal Kiely, propriétaire de la discothèque Rula Bula, dans les colonnes du média Time Out. « Tout le monde ici les appelle les « Club 7’s » et ils font un carton auprès des jeunes. Ils viennent y boire avant ou après la boîte de nuit car c’est beaucoup moins cher », confirme Charlene Dawes, propriétaire de deux bars les plus populaires de Lan Kwai Fong, sur Punch Drink. Imaginez en France que la fête se fasse désormais devant l’épicerie de quartier du coin, dans une rue noire de monde, en face de bars lounge devenus presque has been. Ce serait une belle ironie…