28 novembre 2024

Temps de lecture : 5 min

« 2023 fut une année tumultueuse pour le marketing d’influence mais on avait besoin d’un électrochoc » (salon Followme)

La semaine dernière, le – plus si – petit monde de l’influence s’est rassemblé pendant deux jours au Palais Brongniart à l’occasion du salon Followme. L’occasion pour INfluencia d’arpenter les allées de l’espace exposants, de rencontrer les experts et d’assister à plusieurs conférences thématiques. Retour sur l’une d’entre elle au sous-titre évocateur : « Quel avenir pour le marketing d’influence ? ».

Organisé par ValueXchange, ce premier évènement européen dédié à l’écosystème du marketing d’influence et de la création digitale, dont INfluencia était partenaire – pour plus de transparence – a permis à plus de 4 500 professionnels – dont 2 000 marques, autant de créateurs et 500 agences – d’échanger sur les rouages de l’industrie les 19 et 20 novembre dernier. À travers des tables rondes organisées sur deux jours et dédiées à la fois aux créateurs de contenu et aux professionnels des marques et des agences – les deux publics étant dispatchés dans deux zones du salon – les speakers ont pu échanger sur des thématiques aussi variées que les pièges des collaborations commerciales, la montée en puissance de l’influence b to b, les secrets des algorithmes derrière les plateformes et notre sujet du jour, le futur du secteur dans son ensemble.

Nous voulions vous livrer le compte rendu de cette conférence qui a retenu notre attention en livrant une cartographie pertinente de l’influence en France. La parole à Raphaël Demnard, General Manager chez Webedia, Sarah Levin, co-fondatrice et CMO de Stellar Tech, Jeanette Okwu, chairwoman de BVIM – une institution de régulation allemande –, encadrés par Yanis Barhoin, fondateur de Fresh Mag Paris.

Soigner les fondations

Pour les speakers, il est évident que « 2023 fut une année tumultueuse », notamment avec l’introduction de la loi influenceur, comme ils l’ont tous concédé à différents moments de la discussion. Mais pas question de remettre en cause l’importance, et la nécessité d’enrichir, ce nouveau cadre légal. Raphaël Demnard explique en premier que « nous devons forcément y être favorable car si le public pense que nous pouvons faire tout ce que nous voulons, les marques comme les créateurs vont en pâtir ». Les chiffres le prouvent : les influenceurs ont déjà commencé à perdre de leur aura.

L’Observatoire Cetelem de juin 2023 constatait par exemple que seulement 20% des Français faisaient totalement confiance aux influenceurs. Résultat, selon la 11e édition du Baromètre de la Confiance des Français dans le numérique publiée par l’Acsel en avril 2024, 69% des Français ne sont abonnés à aucun compte aujourd’hui (- 4 points vs 2022), tandis que ce pourcentage tombe à 49% chez les 15-24 ans, soit une chute vertigineuse de 21 points par rapport à l’an dernier.

« Ce que j’aime avec cette loi c’est que l’objectif n’est pas seulement d’endiguer les mauvaises pratiques mais plutôt de relever le niveau de l’industrie tout entière », ajoute Sarah Levin. « Depuis son introduction, les process s’assainissent, les macro-influenceurs se professionnalisent, le certificat de l’influence responsable, délivré par l’ARPP, se répand rapidement… ». Jeannette Okwu, qui offrait son point de vue d’outre-Rhin, précise qu’en « Allemagne, l’approche est différente. Nous n’avons pas une loi comme la vôtre mais nous pouvons compter sur plusieurs institutions pour réguler l’industrie. Pour autant, je ne peux qu’appuyer l’adoption d’une loi similaire dans d’autres pays pour continuer à professionnaliser l’Europe ».

L’appel du D.U.C

La fronde de Booba à l’encontre des « influ-voleurs » de fin 2022… jusqu’à aujourd’hui dont les conséquences sur la perception du secteur par le public ne sont pas à remettre en cause selon les intervenants, fut également abordée. Pour Sarah Levin : « c’était une bonne chose qu’on en parle autant. L’industrie avait besoin de ce wake up call (électrochoc)», surtout quand cela vient d’une personnalité influente auprès de plusieurs générations. En juillet 2023, soit quelques mois après l’entrée en croisade du rappeur, plusieurs influenceurs issus de la téléréalité, qui engrangeaient jusque-là des gains à plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois, faisaient la grise mine dans un article du Parisien. Le titre parle de lui-même :

« En tant qu’entreprise, il est clair nous avons été impactés par ce mouvement de défiance global mais nous avions conscience que c’était pour le bien de tous », poursuit la dirigeante. « Aujourd’hui nous sommes bien plus armés, technologiquement notamment, pour savoir si l’audience d’un créateur est floue ou si tout est déclaré. À partir du moment où vous donnez les bons outils aux entreprises et aux agences, c’est plus facile d’être vertueux ».

Un influenceur sur le toit du monde

Énorme succès de ces derniers mois, le documentaire d’Inoxtag était également à la table des discussions avec un angle intéressant : le film aurait-il eu autant d’impact si son créateur n’avait pas fait partie de Webedia ? « Difficile à savoir », concède Raphaël Demnard. « Notre force est que nous connaissons parfaitement nos talents. En l’occurrence, on travaille avec Inès (de son vrai nom, NDLR) depuis maintenant 4 ans. Ce n’est pas nous qui sommes allés le chercher pour lui dire « aller, va grimper l’Everest », c’est lui qui nous a dit « c’est mon rêve » donc nous avons dû nous demander comment l’accompagner au mieux dans son aventure. En tant qu’agence globale, nous avons des équipes pour chaque étape de production, de l’écriture au tournage jusqu’à la post-prod. Nous avons également une bonne connexion avec les cinémas, les plateformes, les marques et cette proximité nous aide à monter de tels projets. Donc peut-être que non… le documentaire n’aurait pas eu un tel succès sans tous ces éléments ».

Pour prendre le point de vue des créateurs, Yanis Barhoin a questionné les speakers sur la nécessité pour eux d’être plus verticaux en développant leur propre écosystème média, à la manière de Michel Cymes – également chez Webedia – et de sa plateforme Dr.Good !  Raphaël Demnard : « c’est effectivement une solution étant donné qu’ils doivent s’imposer comme des experts de leur secteur aux yeux du public. Un sujet d’autant plus vrai à partir du moment où ils fondent leur propre marque qui aurait tout intérêt à profiter d’un écosystème global avec podcast, livres, master class etc. Samuel Etienne, par exemple, a lancé il y a deux mois une chaîne Youtube intitulée Ma Vie Pro, un écosystème btob qui lui permet d’avoir une multitude de points d’accroches avec d’autres marques tierces. »

L’IA, ni plus ni moins

Autre grand débat qui secoue l’industrie, l’intelligence artificielle fut justement le thème central d’un livre blanc publié tout récemment par Stellar Tech, l’agence de Sarah Levin : « Le sujet est tellement vaste, on a essayé de couvrir une multitude de topics différents mais en se focalisant sur les domaines où l’IA peut avoir un réel impact. La data assurément, par exemple. Le public l’ignore mais l’IA œuvre à ce sujet en coulisses depuis un moment pour perfectionner la mesure des données relatives au succès d’une campagne. On a également abordé en quoi l’introduction des bots, des deepfakes ou des virtual influencers a changé notre manière d’interagir avec les publics. Mais on ne parle pas uniquement des opportunités, nous avons également dédié plusieurs chapitres aux challenges écologiques qui continuent à questionner l’industrie ».

Le débat posé en conclusion du livre blanc était particulièrement pertinent : Qu’est ce qui fait de nous des êtres humains ? Le fait que nous soyons les seuls à créer des choses et avoir des idées ? Sommes- nous enfin prêts à accepter les créations générées par des machines ? « C’est peut-être l’avenir mais le plus important est de protéger les consommateurs pour qu’ils sachent s’ils ont une IA en face d’eux ou non », appuie Jeannette Okwu. « Rien qu’au Japon, on compte 7000 influenceurs virtuels et les gens les acceptent tant qu’ils ne se sentent pas duper. Quoi qu’il arrive, je reste persuadée qu’il n’y aura jamais un remplacement stricto sensu, cela fait partie du mix ».

Pour répondre à la question posée en titre, à savoir « Quel avenir pour le marketing d’influence ? », notamment d’ici une dizaine d’années, Sarah Levin reconnaît qu’il est « difficile de se projeter aussi loin mais en tout cas, les marketers devront être plus hybrides, que ce soit en IA, en data ou storytelling, pour être capable de s’adapter à ce qui se présentera face à eux ». Raphaël Demnard : « Nous ne sommes pas au début de quelque chose de nouveau, mais de quelque chose de plus transparent et régulé ». L’âge de raison ?

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