Les grandes tendances visuelles de cette année sont liées à la nourriture. Le véganisme, le naturel et le sentiment d’appartenance n’ont jamais été aussi populaires.
Certaines images parlent d’elles-mêmes. Voilà maintenant vingt-deux années que l’agence Getty a mis en place une équipe créative, composée d’artistes, d’archivistes, d’anthropologues et de prospectivistes, qui s’attache à décrypter les grandes tendances visuelles et leurs évolutions. Ces spécialistes analysent le milliard de requêtes et les 400 millions de visuels qui sont téléchargés chaque année sur sa banque de données pour trouver les images les plus recherchées et les trends du moment. Leur conclusion pour l’année 2019 est sans appel : la nourriture intéresse plus que jamais les marques.
Super Sensory est mort ? Vive le Messthetics
Les images qui nous donnent l’eau à la bouche ou provoquent en nous une envie irrésistible d’acheter tel ou tel produit ou service ont évolué ces dernières années. « Longtemps, les visuels liés à la nourriture étaient très soignés, avec un bel éclairage et une grande précision, souligne Jacqueline Bourke, une anthropologue de l’image et manager de l’équipe créative de Getty Images. Les gens ont ensuite voulu rendre le parfait imparfait et nous avons assisté en 2013 et 2014 à l’émergence d’un phénomène que nous avons qualifié de Super Sensory ». Les couleurs très vives et les gros plans cherchaient à nous faire vivre une expérience totalement immersive. La campagne Adventure awaits de la marque Lurpak est un parfait exemple de cette mode passagère.
En 2015-16, le phénomène Messthetics, qui combine les mots messy (brouillon) et aesthetics (apparence), est apparu. Ce mouvement voulait marquer une rupture avec la perfection des images généralement diffusées par les publicitaires. « Cette imagerie est désordonnée, sale, moite, transpirante, viscérale, belle et laide, énumère Jacqueline Bourke. Elle vient de notre désir de rompre avec l’assainissement et la prévisibilité de la vie quotidienne et de notre volonté de nous délecter de l’aspect physique de la nature humaine». Les images peuvent être floues, mal éclairées et tirées de vidéos de mauvaise qualité. Qui s’en soucie ? Visiblement pas certains annonceurs comme Biocoop.
2016 marque le point culminant de cette tendance. « Je l’appelle l’année du Dr Jekyll et Mr Hyde, résume l’anthropologue de Getty Images. Nous sommes depuis revenus à la croisée des chemins avec des visuels qui cherchent à jouer la carte de l’authenticité en montrant de vrais produits et de vrais gens. L’aspect local est également mis en avant ». Le distributeur Intermarché a été un de ceux qui a le mieux surfé sur cette vague notamment avec ses campagnes intitulées Je t’aime trop et 5 Fruits et légumes moches . Les requêtes reçues par Getty Images confirment cette tendance.
Ecolos et communautaires
Les visuels aujourd’hui doivent être écolos et communautaires. Les hausses les plus importantes parmi les mots-clés envoyés à l’agence sont Belonging (+3400% en un an), Inclusion (+175%), Sustainability (+153%) et Community (+130%). Manger bien et sain est également devenu une priorité, si l’on en croît les données de Getty qui est harcelé de demandes comprenant les mots Plant based diet (+203%), Vegan (+117% dans le monde et +70% en France) et Bio/Organic (+75%). L’intérêt subit des marques pour la protection de l’environnement n’est pas innocent. Une récente étude du groupe Unilever montre que 33% des consommateurs affirment préférer des marques durables .
Le handicap, une tendance image à suivre
Cette soif d’authenticité a encouragé Getty à s’associer avec Verizon Media et National Disability Leadership Alliance (NDLA) pour créer la toute première banque d’images sur les handicapés. Ces personnes représentent près de 20% de la population mais elles figurent dans moins de 2% des médias. Ensemble, les trois partenaires de cette opération espèrent bien mettre fin à ce déséquilibre (https://www.verizonmedia.com/accessibility/disability-collection). Si le poids des mots est réel, le choc des photos n’est pas moindre.