18 avril 2025

Temps de lecture : 3 min

Deezer vs IA : peut-on encore écouter de la musique sans se faire berner ?

Deezer alerte : plus de 18 % des musiques publiées chaque jour sur sa plateforme sont générées par intelligence artificielle. Une statistique vertigineuse qui fait écho aux inquiétudes croissantes d’artistes comme Laurent Garnier. L’industrie musicale se trouve à un carrefour, entre innovation technologique et urgence éthique.

« Vous vous rendez compte aujourd’hui que sur 1 000 000 de titres qui sortent chaque semaine, les plateformes arrivent à détecter que presque 20 % d’entre eux sont conçus par à 100% par des IA. Ça fait peur quand même… ». Lors d’un récent entretien accordé à France Inter, le DJ et producteur Laurent Garnier, pionnier de la scène électronique française, n’a pas mâché ses mots. Derrière son exaspération transparaît une inquiétude bien réelle : celle d’un monde de la musique en train de basculer silencieusement dans une ère de création automatisée.

D’ailleurs, ce que le compositeur du mythique 30 (album) pressent, Deezer le confirme désormais chiffres à l’appui. Chaque jour, plus de 20 000 morceaux entièrement générés par intelligence artificielle sont mis en ligne sur la plateforme. Cela représente 18 % de la totalité des nouveaux titres, contre 10 % en début d’année. Une progression fulgurante, révélatrice de la vitesse à laquelle l’IA s’infiltre dans les pratiques musicales, tant du côté des créateurs que des diffuseurs.

Face à cette mutation, l’industrie doit s’interroger : l’IA va-t-elle enrichir la musique, ou l’appauvrir ? Comment faire la part entre expérimentation artistique et simple reproduction algorithmique ? Et surtout, comment préserver les droits des artistes humains, dans un écosystème où les œuvres synthétiques deviennent omniprésentes – et souvent indiscernables ?

La riposte technologique de Deezer

Face à cette avalanche, Deezer se dote d’un outil de détection de pointe, capable d’identifier avec une précision inédite les pistes créées par des modèles comme Suno ou Udio. Objectif : garantir la transparence pour les auditeurs, mais aussi protéger les droits des artistes humains, en excluant les œuvres générées automatiquement des systèmes de recommandation algorithmique.

Comme le rappelle Aurélien Hérault, Chief Innovation Officer de Deezer : « L’IA générative a le potentiel d’impacter positivement la création et la consommation de musique, mais nous avons besoin d’approcher ce développement avec responsabilité et soin afin de protéger les droits et les revenus des artistes et compositeurs, tout en maintenant une certaine transparence auprès des fans. Grâce à notre outil novateur nous retirons déjà totalement tous les contenus générés par IA des recommandations algorithmiques ».

Deezer est d’ailleurs la seule plateforme à avoir signé le AI Training Statement, marquant son engagement à ne pas entraîner ses outils d’IA à partir d’œuvres protégées sans autorisation. Un geste fort dans un contexte où les cadres juridiques restent flous, et où plusieurs gouvernements envisagent d’assouplir les lois sur le droit d’auteur au profit du progrès technologique.

Une nouvelle ère… ou une crise de sens ?

L’irruption de l’IA dans la musique ouvre autant de portes qu’elle en fracture. Peut-on encore parler d’œuvre lorsqu’aucun humain ne l’a composée, jouée ou ressentie ? Faut-il étiqueter les contenus générés, comme on le fait pour les produits alimentaires ? La présence croissante d’IA pose une autre question : comment préserver la valeur culturelle d’une musique qui pourrait devenir, demain, un bruit de fond algorithmique, calibré pour flatter nos goûts mais vidé de substance ?

La tentation est grande de célébrer l’accessibilité, la créativité démultipliée, les formats inédits. Mais derrière l’innovation se profile un risque : celui d’un nivellement de l’émotion, d’une standardisation esthétique, et d’un brouillage de la notion même d’auteur.

Entre machines et musiciens, quelle harmonie possible ?

L’intelligence artificielle est déjà là, et elle compose. Le problème n’est pas son existence, mais notre capacité à définir le rôle qu’on veut – ou pas – lui donner. À travers la musique, c’est toute une culture de la création, de la singularité et du sensible qui est en jeu.

Les plateformes comme Deezer tentent de baliser le terrain, mais le débat dépasse la technique : il touche à l’essence même de ce que nous appelons « musique ». Un art profondément humain, parce qu’imparfait, incarné, émotionnel. À l’heure où les algorithmes apprennent à imiter nos voix et nos styles, la vraie question pourrait bien être : qu’est-ce qui reste de nous, quand la machine sait tout faire ?

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