22 mars 2024

Temps de lecture : 7 min

Diane de Navacelle de Coubertin : « voler avec les oies, une des plus belles expériences de la vie. »

Diane de Navacelle de Coubertin, arrière-arrière-petite nièce du baron Pierre de Coubertin et membre du bureau de l’association familiale Pierre de Coubertin révèle quelques secrets sur les prochains JO à Paris. Celle qui est aussi présidente de la Commission Éducation et Héritage de la Fédération internationale du sport scolaire répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige bien sûr
INfluencia : Votre coup de coeur

Diane de Navacelle de Coubertin : Si vous le permettez, j’en ai deux. Le premier est pour Audrey Halouze, une femme que j’ai découverte sur les réseaux, et qui écrit tous les week-ends « Le samedi, c’est les good news ! », en plus de ses autres posts, tous très travaillés, empreints de matière à réflexion, et globalement positifs, ce qui fait du bien dans ce monde parfois un peu déstabilisé, déroutant, questionnant. Je lui suis vraiment très reconnaissante pour le temps qu’elle prend pour faire ses recherches construites et les partager avec nous.
Le deuxième est pour Mathieu Forget, un artiste danseur, ou danseur artiste, je ne sais pas dans quel sens, mais qui a sans aucun doute un sens très esthétique et novateur pour capturer l’instant du mouvement. Il est également chorégraphe, acrobate et photographe. Les propositions de celui qui est aussi appelé « The Flying Man » sont belles et vivantes, construites et techniques, joyeuses et colorées et toujours un plaisir du regard.

 

Pierre de Coubertin a ouvert les JO aux femmes en 1900

IN. : Votre coup de colère ?

D.N.C. : C’est d’entendre dire à la télévision ou dans la presse que c’est grâce à Alice Millat que les femmes ont été admises aux Jeux Olympiques en 1922. Or elles l’ont été bien avant ! On attaque très souvent Pierre de Coubertin sur le sujet des femmes parce qu’on ne retient que quelques phrases qu’il a dites, hors contexte en plus et qui, prononcées aujourd’hui, ont certes une résonance tout autre et sont forcément choquantes. Mais c’est lui qui a ouvert en 1900 à Paris les JO à 22 femmes, dont des Françaises, dès la deuxième olympiade. Et l’Anglaise Charlotte Cooper sera la première femme médaillée olympique : au tennis, en simple et double. Sous sa présidence, le nombre de femmes présentes aux JO a été multiplié par 6, ce qui est énorme. On ne peut pas en dire autant sur les présidents qui ont suivi ! Et on va seulement arriver à la parité en 2024.

Donc mon coup de gueule, il consiste premièrement à remettre les choses à leur place, dire qu’il faut aller chercher un peu plus la vraie information plutôt que de raconter des choses sans vérifier et réfléchir. C’est très bien de reconnaître le rôle de Alice Millat car elle a aidé au développement du sport pour les femmes et lancé en 1922 les premiers Jeux mondiaux féminins mais, je le répète, ce n’est pas grâce à elle que les femmes sont aux Jeux olympiques. C’est un mensonge. Elle voulait créer les jeux Olympiques féminins. Pierre et le CIO vont lui interdire d’utiliser le terme olympique parce que les femmes étaient déjà présentes aux JO et parce qu’on n’exclut pas une moitié de l’humanité ! Pour lui, c’était tout sauf inclusif et cela n’avait pas de sens.

IN. : L’événement qui vous le plus marqué dans votre vie.

D.N.C. : c’est la chute du mur de Berlin. J’avais une vingtaine d’années. Un mur symboliquement, c’est quelque chose de très fort, ça peut être positif car il peut protéger mais souvent il est très négatif, il sépare et crée des frontières morales ou physiques. Il y en a plein dans le monde et souvent ils sont même invisibles. Mais ce mur-là c’était un mur de division qu’on connaissait tous et je me souviens très bien de cette Une des journaux avec ces gens qui passaient par-dessus d’un côté et de l’autre et qui se parlaient pour la première fois, des familles qui se retrouvaient. C’était hyper fort et émouvant et j’avais vraiment le sentiment de vivre un moment d’histoire.

Il y a d’autres moments qui peuvent être marquants et tristes mais je préfère celui-là parce qu’il est positif. J’’aime bien les événements constructifs et je trouve que c’était un moment hyper fort que ce symbole de liberté et de joie. Ce mur qui se casse, dans lequel des fenêtres se créent, qui va être aussi un moyen d’expression artistique parce que beaucoup de jeunes ou moins jeunes vont s’en emparer et en faire une œuvre d’art.

 

J’ai appris à piloter un avion, un hélicoptère, et à faire du parapente

IN. : votre rêve d’enfant ?

D.N.C. : j’en avais plein, mais le plus fou était de voler. J’ai plusieurs fois eu la chance de rêver et de prendre conscience que je volais vraiment. Je piquais et je montais très haut dans le ciel, et soudain je descendais très vite vers le sol, je sentais l’odeur des fleurs et de l’herbe, à d’autres moments je montais vers les montagnes et je piquais vers la mer et sentais son parfum iodé. C’était extraordinaire. Bien sûr on est dans un rêve totalement irréaliste mais quand on vole, on prend du recul et de la hauteur et on est libre. C’est peut-être pour cette raison que j’ai appris à piloter un avion, un hélicoptère, et à faire du parapente. J’ai même volé avec des oiseaux dans un ULM. Je suis allée rejoindre Christian Moullec ce météorologue extraordinaire passionné d’ornithologie. Son objectif initial était de mener des actions de sensibilisation à la protection des oiseaux migrateurs, de changer l’itinéraire migratoire des oies pour les protéger contre les chasseurs et de réintroduire l’oie naine en Suède. Et il a réussi. Un superbe film « Donne-moi des ailes », réalisé en 2019 par Nicolas Vanier avec Louis Vazquez, Jean-Paul Rouve raconte son histoire. Cela m’a fascinée. Je suis allée le voir, c’est au milieu de nulle part, un peu en dessous de Clermont-Ferrand. Il y a un petit aérodrome et il a plus de 200 oies avec 3 variétés différentes. J’étais dans un ULM complètement ouvert avec juste un siège pour lui et un siège devant, une petite ceinture autour de moi qui est plus symbolique qu’autre chose parce qu’il n’y a pas d’accoudoir. On est complètement dans le vide. On décolle et les oies décollent en même temps, se mettent en formation V et on se balade pendant une demi-heure. Elles sont tellement près de nous et tellement en confiance qu’on peut littéralement tendre la main et les toucher en plein vol. C’est un truc de fou. On peut dire que quelque part j’ai presque réalisé mon rêve. C’est magique. En tout cas, c’est une des plus belles expériences de ma vie.

 

Je sais désormais que je peux arriver toute seule

IN. : Votre plus grande réussite (en dehors de la famille et du boulot)

D.N.C : c’est d’avoir affronté ce qui me faisait peur et de l’avoir dépassé. J’étais dyslexique quand j’étais jeune et j’avais peur de passer le bac. J’ai réussi. Ensuite j’ai fait une école d’art aux États-Unis, la Parsons School of Design de New York. Ça s’est mieux passé parce que j’étais dans un environnement différent et une approche plus bienveillante où on ne vous dit pas ce qui ne va pas mais plutôt ce qui va bien. Ensuite, je suis rentrée en France et j’ai mis un peu de temps avant d’oser. Oser ne pas prendre un boulot comme tout le monde. Oser ne pas toucher un salaire. Oser monter ma propre petite entreprise (ndlr de joaillerie, de 2000 à 2015), prendre des risques alors que je n’avais aucune idée de l’entreprenariat et que je suis une artiste. Ce n’était pas forcément évident, j’ai été jugée, incomprise, critiquée dans mes choix. Mais je n’ai jamais lâché, même dans les moments de doute, un peu sombres. En tant qu’enfant dyslexique, j’avais été beaucoup aidée par une orthophoniste et maman m’aidait pour mes devoirs. Là, j’avais besoin de me prouver que je pouvais faire quelque chose toute seule et que ça allait marcher. C’est une fierté, même si aujourd’hui j’ai fermé cette boîte sans regret, parce que j’avais besoin de passer à autre chose. Mais je sais désormais que je peux arriver toute seule. Rien n’est facile mais c’est ma bataille. J’y vais. Je ne me cache pas. Je ne recule pas. Parfois je saute dans le vide sans savoir où je vais atterrir, parfois on a peur, et ça m’arrive encore de freiner. Mais je préfère avoir des erreurs de parcours que des regrets.

 

Il fallait quand même que j’aie bu quelques verres pour me détendre avant de me lancer

IN. : Votre plus grand échec

D.C.D. : Je chante comme une casserole, mais j’aurais rêvé être une grande chanteuse. Mais malheureusement, on ne m’a jamais appris à chanter et nous n’avons pas du tout une oreille musicale dans ma famille. Et en karaoké je suis vraiment nulle. Et pourtant j’adore la musique. Quand je vivais aux États-Unis, pendant mes quatre années d’études, j’avais des copines de cours asiatiques, notamment coréennes. Or les Coréens sont fous de karaoké. En revanche, ils chantent faux mais cela ne les dérange pas du tout. J’étais moins complexée que mes camarades, mais il fallait quand même que j’aie bu quelques verres pour me détendre avant de me lancer (rires).

 

Alors, oui, définitivement je choisirais Florent (Manoudou)

IN. : vous êtes sur une île déserte, quel (quelle) sportif(elle) emporteriez-vous ?

DDC. : ce serait un homme, parce que, quitte à être seule avec quelqu’un sur une île déserte, il vaut mieux que ce soit un homme.(rires) Tant qu’à faire, plutôt beau garçon et musclé -même si en général les sportifs sont bien faits de leur personne – Instinctivement je dirais soit un athlète, soit un homme de l’eau. Sur une île c’est pratique. Florent Manaudou par exemple. Et quand j’y réfléchis, il coche pas mal de cases : le côté bel homme. Le côté athlétique et pratique : il pourrait plonger pour aller chercher à manger, nager jusqu’à un bateau s’il en passait au large, me protéger si on avait des intempéries et construire un abri et me prendre dans ses bras pour me réconforter. Le côté artistique aussi je pense, car il me faut un compagnon réceptif ou sensible à la créativité. Je crois qu’il fait de la musique et sa sœur est la femme du chanteur Jérémy Frérot. Il est aussi très courageux et très lucide sur sa perception du sport en France. Alors, oui, définitivement je choisirais Florent. (Rires…)

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’« À la recherche du temps perdu »

En savoir plus

L’actualité de Diane de Navacelle de Coubertin. Avis aux sponsors. Elle en cherche pour un projet détonnant

– Elle est scénographe, aux côtés de deux autres femmes chorégraphes, Sophie Bulbulyan et Cécile Martinez, d’un spectacle baptisé « C’est beau ! » et labellisé « Olympiade culturelle » de danse inclusive, avec 12 danseurs. La première aura lieu début mai à Villiers-Le-Bel et sera suivie d’une tournée jusqu’en 2025. En France mais aussi dans d’autres pays dont l’Autriche

– des stages d’immersion de danse inclusive dans des écoles

– l’association familiale va faire une exposition sur Pierre de Coubertin pour les JO de Paris dans la mairie du 7ème (lieu de naissance du Baron) du 10 juin au 13 septembre

– en complément une série de conférences seront organisées pendant sur une semaine sur des thématiques actuelles par exemple l’Inde et les Jeux, l’Afrique et les Jeux, le développement durable… des panels sont en train d’être constitués

– un concert aura lieu le 23 juin à la Sorbonne pour célébrer la création, le 23 juin 1894 des Jeux Olympiques modernes par un Français. La manifestation est soutenue par le CIO, dont le président sera président

– un livre sortira fin mai, début juin sur Pierre de Coubertin et sa philosophie

– elle va intervenir lors de la première édition des jeux éducatifs organisés par la Fédération européenne du sport scolaire qui auront lieu à Olympie et Athènes

Diane de Navacelle de Coubertin a lancé un défi à l’artiste Morpho, qui fait des sculptures en morphisme, de réaliser la tête de Pierre de Coubertin se transformant en anneaux olympiques. Elle lui a aussi demandé d’associer la tête de son aïeul à la Tour Eiffel. Et troisième demande : associer les « Agitos » (ndlr : l’actuel symbole paralympique sur fond blanc est formé de trois «agitos», ce qui en latin signifie « Je bouge » respectivement rouge, bleu et vert, s’encerclant sur un fond blanc).à un athlète paralympique. Le sculpteur a réussi les trois projets. Pour l’instant Diane de Coubertin cherche des sponsors

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