Produits bios, emballage sans plastique, marques de niche… La cosmétique traverse une tempête qui pourrait laisser quelques « paquebots » sur les récifs.
L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions. L’adage bien connu commence à donner des sueurs froides aux grandes marques de cosmétiques. Pendant des décennies, ces multinationales se contentaient de sortir périodiquement des nouveaux produits pour engranger de confortables bénéfices. Des formules « révolutionnaires » sensées vous raffermir la peau et vous donner une seconde jeunesse, des packaging luxueux, des mannequins et des stars du grand écran embauchés à prix d’or pour vanter les mérites des griffes et le tour était joué… Cette jolie mécanique bien huilée a toutefois tendance à s’enrayer depuis quelques mois. La faute à qui? Aux consommateurs soucieux de leur environnement et de la préservation de la planète.
Tout à la poubelle
Les plus jeunes semblent particulièrement disposés à modifier leurs habitudes d’achat pour respecter leurs principes. « Mes deux grandes ados qui adoraient les produits de marques ont changé du jour au lendemain, explique cette parisienne qui travaille depuis des années dans la cosmétique. En rentrant un jour du travail, j’ai trouvé toutes leurs crèmes et leur maquillage dans la poubelle. Quand je leur ai demandé la raison de leur geste, elles m’ont expliqué qu’elles ne voulaient plus utiliser de produits qui n’étaient pas bios et qu’il n’était plus question d’acheter des emballages en plastique». Cet exemple n’est pas un cas isolé. De plus en plus de consommateurs et tout particulièrement ceux appartenant à la génération Y et Z sont devenus des militants actifs qui se détournent des fabricants qui ne sont pas « eco-responsables ».
Les distributeurs ont été les premiers à réagir
Les grandes marques ont été très longues à sentir le vent tourner en leur défaveur. Beaucoup ont pensé que a « vague verte » allait disparaître aussi rapidement qu’elle était apparue. Or, de nombreux petits fabricants plus proches des consommateurs se sont engouffrés dans cette brèche. Les distributeurs ont, en effet, vite compris qu’ils devaient répondre sans attendre à cette évolution profonde de leur marché et ils ont tous commencé à référencer des marques de niche plus écolos les unes que les autres. Monoprix affirme ainsi être « constamment à l’affut des nouvelles tendances pour débusquer les labels qui correspondent aux attentes des consommateurs ». « Nous mettons beaucoup en avant le bio, le naturel et le vegan qui représentent aujourd’hui près de 20% de notre offre, confirme la filiale de Casino. Ces segments croissent de 30% à 40% par an. «Lorsque nous avons commercialisé les shampooings vegan de Maui, nous sommes tombés en rupture de stock après seulement trois semaines. Nous avons aussi introduit de nombreuses nouvelles marques, comme Boho Green, Revolution et Colorisi que nous tentons toujours de distribuer en exclusivité pour le marché français » . Les grands magasins ont suivi cette tendance. Au Bon Marché, les produits naturels représentent environ 30% de l’offre totale des soins du visage et ce chiffre croît d’année en année. Le Printemps situé sur le Boulevard Haussmann a, quant à lui, rassemblé l’ensemble de ces produits naturels dans un nouvel univers baptisé « Le Green Market » . Les enseignes spécialisées ne sont pas en reste. Sephora a ainsi réuni ses produits naturels et ceux intégrant des composants clés et puissants comme l’huile de coco, l’eau de rose, le charbon et le miel dans son espace « Super Ingrédients ». La gamme de soins Green de Marionnaud est, quant à elle, composée à plus de 90% d’ingrédients d’origine naturelle.
Des lancements à la pelle
Les géants de la cosmétiques multiplient, à leur tour, le lancement de nouveaux produits pour éviter que des petites marques continuent de leur grignoter des parts de marché. Cette année, une avalanche de nouveaux labels certifiés bio vont débarquer dans les rayons des grandes surfaces. L’Oréal a notamment créé de toutes pièces la marque La Provençale à l’huile d’olive bio AOC Provence . Henkel Beauty Care a réagi en proposant depuis le mois de janvier sous le label Naturale Antica Erboristeria (NAE) vingt-cinq références de soins du visage et du corps ainsi que des gels douches des savons et des déodorants certifiés bio. Beaucoup de consommateurs ne risquent toutefois pas de ce contenter de ces initiatives. Les farouches opposants au plastique représentent notamment un véritable casse-tête pour les fabricants. « Vendre des crèmes de soin en vrac et proposer des contenants sans plastique va forcer les marques à revoir toutes les compositions de leurs produits », assure Clara Schisler qui a travaillé plus de seize ans chez l’Oréal avant de co-fonder l’enseigne « MadameMonsieur ». Quant on vous dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions…