A crise historique, conséquences exceptionnelles… L’agence de conseil en communication Elan Edelman publie chaque année une étude mondiale qui mesure l’évolution de la confiance dans les institutions et les figures d’autorité sociétales. La 21ème édition de son « Trust Barometer » restera, sans aucun doute dans les annales. « Nous n’avons jamais enregistré de telles évolutions durant la même année », s’étonne aujourd’hui encore Amélie Aubry, la directrice générale d’Elan Edelman. C’est vraiment une première. »
La pandémie a mis notre moral à rude épreuve.
« Les situations de guerre, pour reprendre le mot utilisé par Emmanuel Macron, créent toujours des bulles de confiance mais ces dernières éclatent rapidement lorsque la crise perdure », nous résume Amélie Aubry. Cette crise sanitaire ne déroge pas à cette règle.
33.000 répondants à travers 28 pays
Traditionnellement, la France se trouve toujours en queue de peloton dans cette étude pour laquelle sont interrogés 33.000 répondants à travers 28 pays (Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Japon, Mexique, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Royaume-Uni, États- Unis, Indonésie, Singapour, Émirats Arabes Unis, Malaisie, Pays-Bas, Thaïlande, Australie, Kenya, Italie, Brésil, Irlande, Colombie, Afrique du Sud, Argentine, Espagne, Russie et Nigéria). Notre tendance à bougonner et notre éternelle insatisfaction ne sont pas que des légendes colportées par ceux qui nous critiquent…
19ème sur 27
Cette année encore, notre pays se trouve dans le dernier quart du classement global d’Edelman à une bien modeste 19ème position. Mais étonnement, nous sommes la nation qui a fait le plus longtemps confiance à son… gouvernement. Au mois de mai 2020, cet indicateur atteignait 61% alors qu’il ne dépassait pas 55% en janvier. Les premières mesures annoncées par l’Elysée ont visiblement rassuré les électeurs mais le second confinement a fait retomber le niveau à 56%. Les interrogatoires ayant été menés en octobre et novembre dernier, on peut imaginer que cette chute s’est encore accentuée aux vues des critiques qui s’élèvent depuis quelques semaines contre la lenteur de la campagne de vaccination…
Je t’aime, moi non plus
Si les Français semblent donner toujours un peu de crédit à leur gouvernement, les autres figures d’autorité sont toutes remises en cause. Le taux de confiance accordé aux dirigeants des autorités politiques s’est effondré de 13 points l’an dernier pour atteindre 33 points, un chiffre comparable à celui accordé aux journalistes (-5 points). 57% des Français pensent même que les journalistes tentent délibérément d’induire le public en erreur et un de nos compatriotes sur deux est convaincu que les élites politiques et économiques le trompent. Ce niveau de défiance est préoccupant pour ne pas dire inquiétant. Même les personnes en qui nous avons le plus confiance, comme les membres de notre communauté locale et les scientifiques, ont vu leur cote de popularité reculer de 17 points en 2020. Le monde associatif ne recueille, pour sa part, que 52% de confiance, soit une baisse de 6 points.
Infodémie inquiétante
La pandémie a donné lieu à une « infodémie », une surabondance d’informations exactes ou fausses, tant en ligne que dans les médias traditionnels. Les experts qui n’ont pas cessé de se contredire sur les plateaux de télévision, dans la presse et sur la Toile ont encore détérioré le niveau « d’hygiène informationnelle » de la population française qui était déjà très bas. Cet indicateur se base sur des critères comme l’intérêt pour l’actualité, la consultation de plusieurs sources d’information, la vérification systématique des informations et l’intégrité de la source ainsi que le partage d’informations vérifiées. L’étude d’Edelman révèle qu’à peine 18% des Français détiennent une bonne « hygiène informationnelle ». Ce chiffre est alarmant car il existe un parallèle entre ce niveau d’éducation et l’hésitation à se faire vacciner : les Français avec une bonne « hygiène informationnelle » sont ainsi 16 points plus susceptibles de se faire vacciner (62 % vs. 46 %). « La crise de la covid-19 est la première pandémie à l’heure de nouvelles technologies et de l’information continue, résume Alexandre Faure, directeur général chez Elan Edelman. Ces technologies nous ont permis d’être en sécurité, de nous informer en temps réel et de rester connectés, mais elles ont également contribué à une épidémie de désinformation, une « infodémie » qui ébranle la confiance des Français envers les items refuges traditionnels comme les scientifiques et les politiques. »
Merci patron…
L’employeur semble être aujourd’hui la seule valeur refuge face à la crise sanitaire. 70% des Français font en effet confiance à leurs patrons (+3 points) et 44% jugent que leur société est parvenue à créer un environnement propice pour retourner au travail en sécurité. L’entreprise est devenue une figure stable face à l’incertitude générée par la pandémie. 66% des sondés dans l’hexagone souhaitent même que les dirigeants d’entreprises deviennent acteurs du changement. Signe des temps. Les entreprises sont chaque fois plus jugées comme étant celles par lesquelles les changements arrivent concernant notamment l’urgence climatique, la RSE, ou le respect de la biodiversité. Et c’est d’autant plus vrai ici: « Elles ont une vraie carte à jouer et elles doivent être capables de se montrer à la hauteur de cette crise », prévient Amélie Aubry. La pandémie a décidément bouleversé toutes nos certitudes pour le meilleur mais aussi, peut-être, pour le pire.