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Le beurre et l’argent du beurre. « La crise sanitaire a amplifié la schizophrénie des consommateurs et ce phénomène est encore plus fort en France qu’ailleurs», résume, en une phrase choc, Sébastien Houdusse, le directeur des stratégies de BETC Fullsix. Depuis maintenant trois ans, cette agence du groupe Havas publie un baromètre de l’expérience client, baptisé X Index. 28.000 personnes dans l’hexagone, aux États-Unis, en Angleterre, en Chine et en Inde ont été interrogées afin de déterminer quels ont été les critères les plus contributifs à l’efficacité de l’expérience chez plus de 250 marques « digital natives » mais aussi « bricks and clicks », ces labels traditionnels qui se sont digitalisés. Au total, quarante critères couvrant l’ensemble du parcours ont été analysés. Certains relèvent de la marque (« je suis très attaché à cette marque », « cette marque tient ses engagements »…), d’autres de la relation (« qualité du service client », « le contenu du site web et de l’application mobile est personnalisé en fonction des besoins des clients »…), de l’achat (« l’achat a été fluide », « l’achat a été agréable »…), du produit ou du service (« je suis satisfait du prix du produit / service », « je suis satisfait de la qualité du produit / service »…). Covid oblige, une cinquième catégorie portant sur la manière dont les marques ont répondu à la crise sanitaire a été ajoutée cette année (« la marque a adapté son expérience d’achat », « a maintenu une communication pertinente et responsable »).
L’expérience client a pris un certain coup de vieux
Le principal enseignement de ce baromètre est que les consommateurs sont, plus que jamais, déchirés entre leur envie d’efficacité de l’expérience et leurs attentes en matière de connexion émotionnelle. Les internautes considéraient « la fluidité et la simplicité des solutions digitales comme un contrat de base mais ils se sont aperçus durant la pandémie que beaucoup de marques n’offraient pas les standards de qualité et de rapidité qu’ils exigeaient », analyse Sébastien Houdusse. 39% des Français jugent ainsi que les labels n’offrent toujours pas de plateformes numériques suffisamment efficaces pour leur éviter de se rendre dans des magasins physiques. Les études montrent que la moitié des internautes quittent un site qui se charge en plus de trois secondes or 50% des pages en France dépassent cette limite. Cet aspect purement technique n’est pas la seule pierre d’achoppement avec les shoppers en ligne qui trouvent, à juste titre, que l’expérience du parcours proposée sur la Toile commence à prendre de sérieuses rides. « Plus on passe de temps sur les sites marchands, plus on s’aperçoit que rien n’a tellement évolué depuis une dizaine d’années, confirme le directeur des stratégies de BETC Fullsix. L’expérience d’achat online est, pour dire toute la vérité, assez ennuyeuse. Il ne se passe pas grand chose quand vous envoyez une commande sur le net. Où que vous soyez, vous ferez exactement la même chose pour placer un produit dans un panier sur un site. Or choisir un article et le prendre avec soi ne vous fera pas vivre la même expérience si vous allez dans un des grands magasins des Galeries Lafayette ou au Printemps. » Errer au gré des vitrines, avoir un coup de foudre pour un vêtement ou un objet est une expérience unique, vivante, réelle.
Créer de l’émotion, encore plus excitant que de rendre l’expérience efficace
Avec la fermeture des boutiques et la digitalisation des parcours, les consommateurs souhaitent aujourd’hui une plus forte personnalisation de leurs relations avec les marques. Ces dernières doivent également prendre conscience que se focaliser sur l’efficacité de l’expérience ne suffit plus à créer une différence durable. Le critère « le parcours d’achat était agréable » est devenu un des éléments les plus importants pour les clients. La variété et l’exclusivité des produits et des services proposés est un autre facteur clé de différenciation pour les acheteurs, tout particulièrement en Chine. Pour répondre à la dualité des besoins des consommateurs qui exigent une efficacité fonctionnelle presque darwiniste et recherchent simultanément un lien émotionnel avec les marques avec lesquelles ils interagissent et auprès desquelles ils consomment, les labels tentent aujourd’hui de résoudre une véritable quadrature du cercle.
L’innovation n’est pas encore au rendez-vous d’une expérience complète
« Elles doivent identifier les micro-moments durant lesquels les clients sont à la recherche de simplicité et ceux où ils ont besoin de partage et de reconnexion, résume Sébastien Houdusse. Pour jouer avec ce curseur qui vous fait aller de l’efficacité à l’émotion, vous devez regarder et analyser plusieurs indicateurs ainsi que vos datas. C’est une équation subtile et difficile à résoudre. Et cette dualité est appelée à durer. Elle va représenter un enjeu très fort d’innovation pour les marques. » La schizophrénie bien compréhensible de la part d’humains consommateurs pourrait provoquer quelques troubles mentaux sévères et chroniques chez les dirigeants d’entreprise dans les années à venir…