Les fake news « corporate » attaquent désormais le monde de l’entreprise. Pour les contrer durablement, c’est toute la communication corporate qui doit évoluer en profondeur. En misant sur l’authenticité et la franchise, ingrédients essentiels de la « real news ».
Le saviez-vous ? Ces six derniers mois, pour voyager gratuitement à bord d’un train SNCF, il vous suffisait de vous vêtir d’un gilet jaune, et de monter dans le train de votre choix. De préférence, un samedi de mobilisation. Incroyable ? Oui. Et totalement faux. La SNCF a longuement démenti cette « fake news », pourtant encore relayée sur les réseaux sociaux. Son origine reste indéterminée, mais pour la direction de la SNCF, le but est clair : cette « infox » vise à déstabiliser l’entreprise, actuellement candidate à l’obtention de plusieurs marchés de métros à travers le monde.
La fake news est séduisante
Cet épisode est révélateur d’une tendance de fond : les fake news s’attaquent désormais au monde de l’entreprise. Qu’il s’agisse de manipuler le cours d’une action, d’entacher l’image d’un dirigeant ou encore de faire chuter les ventes d’un produit, les fake news, apparues dans l’univers politique, prospèrent désormais dans le monde corporate. Pourquoi ce succès ? Parce que la fake news est séduisante. Généralement courte et simple, elle est conçue pour parler à nos émotions. Et, du coup, elle surprend, amuse, scandalise, bien plus que la vérité. Résultat : selon une étude publiée en mars 2018 par la revue américaine Science, une information véridique est rarement diffusée à plus de 1.000 personnes. Alors que le top 1% des fake news atteignent 1.000 à 100.000 personnes… et six fois plus vite. A tel point que Gartner, dans son Top Strategic Technology Trends, estime qu’en 2022, la majorité des individus dans les pays développés consommera plus de fausse information que de vérité.
Se placer en mode défensif ne peut suffire
Alors, comment l’entreprise peut-elle lutter ? Bien sûr, en s’informant, en menant une veille permanente sur ce qui se dit d’elle et de ses concurrents. Bien sûr, en réagissant lorsque sa réputation est attaquée. Mais se placer en mode défensif ne peut suffire : c’est tout le message corporate qui doit évoluer en profondeur, sans attendre que la crise arrive. Car ce jour-là, il est trop tard.
Les fake news, retour de bâton après des années de communication « bunkerisée ».
Démonstration : une fausse information circule depuis des mois, affirmant que les Air Pod d’Apple seraient cancérigènes. La source ? Une pétition scientifique alertant sur les dangers des appareils électroniques en général, datant de…2016. Epoque à laquelle les Air Pod d’Apple n’existaient pas. Et la pétition ne mentionne ni Apple, ni aucun de ses produits. Pourtant, la rumeur s’est répandue. Apple a bien sûr vigoureusement démenti, mais le mal est fait et la croyance installée. Pourquoi ? A cause de la réputation d’Apple, régulièrement accusé de mensonge. Sur ses ventes, sur les batteries de ses iphone, sur leurs capacités de stockage… Résultat : lorsqu’Apple veut rétablir la vérité, il n’est pas cru. Ou pas vraiment. Parce que son image est celle d’une entreprise peu transparente, à la communication tellement « barricadée » que rien de sincère ne semble pouvoir en émaner.
Moderniser cette communication
Plus globalement, si les fake news prospèrent dans le monde corporate, c’est parce que celui-ci a longtemps opté pour une communication froide, neutre, ne souffrant aucune remise en question. L’urgence aujourd’hui : moderniser cette communication. En l’humanisant, en la rendant sincère, crédible, concrète. En abandonnant la posture du héros indestructible pour passer à celle d’une entreprise composée d’individus, authentiques, imparfaits, et donc dignes de confiance et d’intérêt. En combattant la « fake news » sur son propre terrain, grâce à… la « real news ». Celle qui, plutôt que d’émettre des communiqués aseptisés, explique ce que fait l’entreprise, ses efforts, ses convictions, voire ses débats. Celle qui s’adresse à des humains, en respectant leur intelligence et leurs émotions. Il ne s’agit pas de viser une -impossible- transparence absolue, mais seulement de bâtir, durablement, une relation saine entre l’entreprise et ses publics. Pour, au lieu de lutter contre les fake news, faire en sorte qu’elles ne puissent pas être crues.
Constance Legrand
LCM – Conseil en communication corporate – www.lcmconseil.info