7 mars 2018

Temps de lecture : 5 min

Est-ce toute une histoire de comprendre les stories d’Instagram ?

En deux ans, Snapchat et Instagram ont cristallisé un nouveau rapport au user generated content à travers un nouveau réflexe, celui du " permanent recording ". Les deux réseaux deviennent les carrefours d’audience stratégiques incontournables sur des cibles telles que les millennials ou les jeunes adolescents, qui y forgent de nouvelles modalités relationnelles avec les marques. Quelles sont justement les limites des stories dans la relation client ?

En deux ans, Snapchat et Instagram ont cristallisé un nouveau rapport au user generated content à travers un nouveau réflexe, celui du  » permanent recording « . Les deux réseaux deviennent les carrefours d’audience stratégiques incontournables sur des cibles telles que les millennials ou les jeunes adolescents, qui y forgent de nouvelles modalités relationnelles avec les marques. Quelles sont justement les limites des stories dans la relation client ?

 » C’est quitte ou double pour Instagram mais les derniers chiffres publiés montrent que l’adoption et l’engagement sont en hausse sur le réseau. C’est pour cela qu’Instagram plaide pour plus de transparence via la mise à disposition de ces données, et veut aussi montrer qu’il reste un fort potentiel organique sur le réseau, plus puissant que Snapchat « . En septembre dernier, Romain Ouzeau, CEO d’Iconosquare, jugeait dans INfluencia le risque pour Instagram des nouveaux outils de mesure d’engagement spécifique aux stories. Normal, la plateforme française d’analyse des médias sociaux sur Instagram (avec plus de 35 000 clients) est pionnière dans l’évaluation du taux d’engagement et de la portée d’une publication sur le réseau social préféré des influenceurs. L’impact des stories d’Instagram et de Snapchat, et leur valeur ajoutée en termes d’expérience client est justement au coeur du prochain livre blanc publié par Oracle et réalisé avec Publicis Sapient.

En moins de deux ans, les stories Instagram ont explosé et détrôné Snapchat. Leur nombre d’utilisateurs quotidiens n’a jamais été aussi élévé. Cet usage désormais ancré au sein de la population n’est pas sans conséquences dans la communication des marques, toujours en recherche d’engagement direct avec leur audience. Pourtant, l’expérience client s’accommode mal de l’éphémère. Elle se pense sur le temps long de la relation entre la marque et le consommateur. Avec pour seul objectif celui du développement durable du capital client dans une époque régie par le micro moment mobile.

Les problématiques sont importantes et complexes. Il s’agit de comprendre les grandes dynamiques et de proposer un point de vue au marché sur les atouts mais également les limites des stories dans la relation client. Nous en parlons avec Roland Koltchakian, le Customer experience specialist chez Oracle sur les questions de marketing digital lié à la relation client.

INfluencia : les marques n’ont-elles pas pour la majorité confondu vitesse et précipitation quand elle se sont lancées dans les stories ?

Roland Koltchakian : peut-être que certaines marques ont confondu vitesse et précipitation en lançant trop rapidement des campagnes à grande échelle mais peut-on réellement leur en vouloir dans une ère où le fameux précepte  » Fail fast, fail often  » issu de la Silicon Valley tend peut-être à rendre plus confuse et plus complexe la culture du test et de l’apprentissage ? Or, se lancer sur des mécaniques comme les stories tout en étant influencé ou formaté dans sa démarche par le poids souvent inconscient des objectifs traditionnels liés au marketing ou à la publicité peut conduire à cet effet de confusion. Donc, il me semble avant tout que la question essentielle doit résider dans la clarification d’objectifs réalistes et adaptés de façon spécifique à ce que permettent ou non les stories. C’est malheureusement et assez souvent un réflexe compulsif que de vouloir prêter de façon providentielle toutes les qualités et vertus à chaque nouvelle vague apportée par l’industrie des médias digitaux, en imaginant que l’on pourra à chaque fois impacter l’ensemble d’un mix marketing devenu de plus en plus obsolète.

IN : il est aujourd’hui possible de mesurer l’impact des stories mais clairement elles restent encore un terrain d’investissement assez flou. Une mesure de l’audience est-elle le seul moyen pour elles de s’inscrire durablement dans la relation marque-client ?

R.K. : votre question aborde un point fondamental et qui constitue peut-être le plus grand malentendu historique pour la publicité et qui est celui de la mesurabilité. Au cœur de ce malentendu figure notamment la problématique de cohérence de temporalité entre le moment où vous lancez une campagne et le moment où vous allez pouvoir mesurer l’impact sur les ventes ou le taux de fidélité des clients. Même si le digital et massification de la data permettent aujourd’hui quasiment de tout tracker et de mesurer l’impact d’une campagne ou d’un format sur des cycles de plus en plus courts. Dans ce domaine, Snapchat ou Instagram offrent tous deux des possibilités tout à fait intéressantes en termes de mesure quantitative ou d’analytics, dont notamment certains sur la structure des audiences activées. Mais rester dans une logique exclusive de mesure de l’audience revient finalement à persister dans un vieux poncif consistant à vouloir corréler à tout prix des KPI’s marketing pensés pour le court terme avec des indicateurs de long terme tels que ceux qui correspondant à l’échelle de temps qui devrait toujours être celle de la relation entre la marque et le consommateur.

Enfin, c’est également la culture dominante consistant à corréler à tout prix volume de GRP sur le digital avec volume de ventes qui se voit remise en question avec toutes les problématiques liées à l’Adblocking ou encore aux questions de viewability. Il y a longtemps que je défends l’idée et la nécessité d’un mécanisme d’évaluation bien plus global et holistique en matière de relation marque-client ! Il s’agit d’évaluer une plateforme de marque dans sa globalité en intégrant notamment des critères de comportement de l’entreprise dans de multiples dimensions : RH et compétences des collaborateurs, éthique client, RSE, NPS, simplicité d’accès au service… La simplicité semblant désormais s’imposer comme le critère d’excellence en matière d’expérience de marque.

IN : le défi des marques dans leur expérience client par les stories réside-t-il donc dans une course du  » toujours plus  » et un jeu où il faut toujours surprendre ?

R.K. : c’est peut-être la question fondamentale de ce siècle pour les marques à l’heure où nous vivons chaque jour les réalités de l’économie de l’expérience. Après des décennies de pratiques basées sur un marketing dit d’interruption et obsédé par la culture du reach et de la fréquence à tout prix, nous voyons enfin une prise de conscience et un passage vers un marketing expérientiel, destiné à produire ce que nous appelons une forme d’empowerment pour le consommateur et susciter du sens, de l’inspiration et de l’émotion. Dans ce contexte, la publicité doit continuer de jouer un rôle majeur mais doit simplement repenser sa mission et ses prérogatives en devenant une forme de loupe grandissante vers de véritables expériences de marque immersives et pleinement engageantes. À l’ère du digital, les marques sont désormais  » nues  » auprès du consommateur et sont jugées sur leur crédibilité.

Elle se doivent donc de leur proposer un nouveau contrat basé sur de la simplicité, de la transparence et éviter la surenchère en matière de promesse si l’expérience délivrée n’est pas en cohérence avec celle-ci. J’ai donc tendance à penser que les stories n’échapperont pas à cette règle et que les stratégies gagnantes sur ce format seront celles qui sauront contribuer à valoriser avant tout une vision de l’expérience de la marque.

IN : la réactivité c’est bien mais pour quoi et qui ?

R.K. : là encore avec le digital et le mobile, la réactivité devient un critère éminemment subjectif et qui peut parfois conduire à un risque de sur-simplification dans l’analyse des situations. En tant que consommateur, si une marque est capable de vous répondre et résoudre un souci sur votre facture ou votre produit en moins de deux minutes, vous direz de cette marque qu’elle est réactive et aurez plutôt un regard positif sur elle. Maintenant, imaginons que cette même marque vous identifie en temps réel dans l’un de ses magasins grâce à ses beacons et vous pousse directement à des interactions personnalisées basées sur tout un ensemble de données liées à votre profil client tandis que vous ne vous y attendez pas forcément, vous allez peut-être avoir un ressenti négatif et intrusif de cette expérience alors que fondamentalement cette marque aura là encore fait preuve de réactivité. Et nous en revenons donc à cette fameuse dimension qui est celle du sentiment d’interruption permanente par les marques que vit le consommateur et face auquel il a fini par développer des mécanismes d’auto-défense. Tout est donc question de contexte et de ressenti dans la façon dont une marque doit penser la notion de réactivité dans son architecture d’expérience client.

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