Pour écrire son futur, Paris mise sur l’intelligence collective de ses habitants, sur l’innovation ouverte à tous et la conjugaison des talents. Explications de Jean-Philippe Clément, Directeur des projets « usages et innovation numérique » de la ville de Paris.
INfluencia : Comment se dessine le futur de Paris, « Smart City » ?
Jean-Philippe Clément : Commençons par rappeler qu’il n’y a pas une définition de la smart city. À Paris, nous cherchons notre propre recette et nous souhaitons en faire une ville connectée, ouverte et ingénieuse. Une ville qui réclame la participation des acteurs du territoire que sont les Parisiens. Avant de connecter les outils, connectons l’humain. Les innovations introduites dans la ville visent à aider chacun à mieux vivre, mieux se déplacer, mieux travailler et mieux consommer. Le soutien apporté par Paris aux pépinières, incubateurs, start-up et autres « tiers-lieux » a lancé un mouvement qui se concrétise autour d’une ville ouverte dans une logique d’économie sociale et solidaire. Paris veut devenir une ville où l’innovation est ouverte à tous et bénéficie à tous. Où les solutions sont expérimentées, comparées et organisées afin d’être déployées à une plus grande échelle.
INfluencia : Un exemple concret de cette volonté ?
Jean-Philippe Clément : La ville soutient CitizenWatt, un projet initié par l’association Citoyen Capteurs – Labo Citoyen qui vise à développer un outil de mesure et de visualisation de la consommation électrique des foyers. Ce compteur peu onéreux, que les utilisateurs peuvent monter eux-mêmes, leur fournira en temps réel des données sur leur consommation d’énergie. Nous avons associé à ce projet le bailleur social ICF Habitat La Sablière, qui le teste aujourd’hui auprès de 40 foyers volontaires. Les premiers ateliers de soudure du compteur – les « soudathon » – ont été organisés en septembre 2014 pour faire participer les volontaires. Au-delà de recréer du lien social, ce projet va permettre d’imaginer d’autres services. Les données anonymisées vont en effet être rendues disponibles sous forme d’open data. L’exploitation de ces dernières suscite d’ailleurs beaucoup d’intérêt de la part de la Cnil, qui suit cette expérience de près.
INfluencia : Dans ce nouveau modèle, que devient la ville durable ?
Jean-Philippe Clément : La durabilité est transverse à toutes nos actions. Nous avons l’obligation de faire plus avec moins, d’optimiser les moyens en revoyant toutes les procédures, de rendre plus frugal chacun de nos projets. Nous souhaitons par exemple promouvoir une agriculture urbaine et périurbaine, introduire davantage de zones végétalisées en utilisant les toitures, les jardins publics… Pour que ces dispositifs prospèrent, nous allons également devoir travailler avec les domaines privés. Autre axe de développement : le recyclage. Les déchetteries et les fab labs, qui y sont associés, vont contribuer à donner une seconde vie aux objets à grande échelle. Une ville ingénieuse, cela veut aussi dire fluidifier les déplacements et la mobilité, et faire entrer dans cette logique des opérateurs publics et privés. Il faudrait par exemple que le Stif (syndicat des transports d’Ile-de-France) parvienne à apporter les données voyageurs vers l’open data.
INfluencia : La ville que vous imaginez ne risque-t-elle pas d’exclure une partie de la population ?
Jean-Philippe Clément : Le vrai risque, c’est effectivement que Paris ne soit plus qu’une ville créative et festive. Pour l’éviter, nous travaillons d’abord au sein d’une équipe composée d’ingénieurs, de sociologues, d’anthropologues, d’économistes. Une équipe où les sciences molles dialoguent avec les sciences dures et s’enrichissent mutuellement. La question « à quoi cette innovation va-t-elle servir ? » est au cœur de notre réflexion. C’est elle qui construit notre vision. Par ailleurs, au travers d’actions comme le vote du budget participatif, c’est bien l’ensemble des Parisiens que nous souhaitons embarquer dans notre projet. Le tout premier initié par la Ville a reçu le plébiscite de plus de 40 000 personnes, et si la participation par Internet a été forte, des gens se sont tout de même déplacés pour s’exprimer dans les urnes.
On peut, comme le font certains, penser que l’intérêt suscité demeure faible, mais c’est une première expérience, de surcroît centrée sur des projets issus de la Ville. L’an prochain, pour la « V2 », il portera sur des idées proposées par les Parisiens eux-mêmes. Notre modèle pour le futur n’est ni une ville monitoring, à l’image de Santander, ni une ville « wiki ». Ce sera une ville qui ressemblera à celle d’aujourd’hui, mais où l’humain sera augmenté. Une exception culturelle !
Rita Mazzoli
Article extrait de la revue « Le Futur » disponible en version papier ou digitale !
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