Le CEO Worldwide de Saatchi&Saatchi, Kevin Roberts, explique pourquoi la big data ne sera utile aux marques que si elles épousent aussi les émotions. Le futur de l’engagement avec le consommateur repose sur cette union.
Nous laissons tous des traces et encore bien plus depuis l’avènement d’Internet. A l’ère de la VPC par exemple. Nous nous livrons peu à peu, par fragments. Une carte de fidélité ici, l’inscription à une newsletter là, un tweet ou un selfie. Mais pour ceux qui savent connecter les morceaux de ce puzzle, le portrait-robot ainsi obtenu de son client présente des enjeux marketing inégalés bien qu’imprécis, mais qui servira de source pour contacter la cible. Alors une question subsiste : quel est le seuil de tolérance chez le consommateur ?
Dans l’appréhension, l’utilisation, la récolte et la production de ces données devenues sine qua non, les défis ne manquent pas, pour les consommateurs comme pour les marques. Prendre la data à bras le corps, c’est comprendre sa raison d’être et maîtriser ses arcanes. Et parce que nous n’en sommes qu’à la genèse, il est bon de débuter directement avec les bonnes bases. Dans sa Revue sur la big data, INfluencia dressait ses cinq grands défis. Mais quid des émotions ? Les marques peuvent-elles les snober au profit de l’efficacité froide de la data et des amis algorithmes ? Non. Le futur de l’engagement pour les marques tient-il dans le mariage entre big data et les émotions ? Oui. C’est en tout cas le plaidoyer de Kevin Roberts, CEO Worldwide de Saatchi&Saatchi, publié dans AdAge à l’occasion du projet « Captivate » réalisé par l’Ecole de journalisme et de communication de l’université de Floride. INfluencia joue les traducteurs, lisez donc Kevin Roberts dans le texte.
La technologie a réinitialisé l’équation de valeur
Le paysage marketing a fondamatelement changé ces dix dernières années au fur et à mesure que les marketeurs et les consommateurs sont devenus plus sophistiqués, plus adeptes de technologie, plus intelligents sur l’évaluation des prix, et aussi plus conscients de l’impact de la réputation. La technologie a réinitialisé l’équation de valeur à travers le spectrum de l’engagement. Le pouvoir commercial a basculé de l’offre vers la demande, chamboulant le modèle unilatéral de la marque qui se concentrait sur « gagner et convaincre de nouveaux adeptes ». Technologie plus créativité transforment toutes les industries : vente, finance, logistique, fabrication, énergie, transport, alimentaire, éducation. Le binôme induit chez les consommateurs la naissance d’un nouveau pouvoir et d’un nouvel émerveillement, qui grandissent à la vitesse du digital. L’émancipation des consommateurs par la technologie ne grandira que si l’Internet of Things connecte tout avec tout le monde, réduisant le coût marginal de production et de distribution, comme la technologie l’avait déjà fait avec l’offre de l’information.
La big data lit des lignes, pas entre les lignes
L’accomplissement émotionnel, pas technologique, deviendra l’offre qui sortira du lot de la marque gagnante. Les gens aiment la technologie mais la plupart préfèrent les personnes bien réelles. Pllus la vie devient digitale, plus les gens apprécieront d’être compris, touchés et impliqués par les autres. Les marques qui gagneront seront vraies et personnelles -que ce soit une personne en direct sur un écran, une interaction physique dans un magasin ou l’intimité même de masse d’un événement au stade, pour un match de football ou un concert de rock.
Et la big data dans tout ça ? C’est le nouveau nirvana , le moment marketing parfait ? La big data a besoin de « big » émotions, parce que les algorithmes ne pourront jamais lire et répondre aux humains de la même façon que les humains le font entre eux. La machine big data peut lire des lignes, mais pas entre celles-ci. La pertinence est une chose, l’irrésistibilité en est une autre. La big data peut améliorer le moment parfait mais pas le créer. Elle peut déballer des histoires sur la base de ce qui s’est passé avant, mais elle ne peut pas rêver la différence et ressentir l’empathie créée par les marques milliardaires vénérées. Voici cinq clés pour les marques qui veulent se projeter dans le futur en premier.
Etre un leader créatif
Les cultures les plus fertiles en idées ont le plus de chances d’être les mieux placées pour gagner, car la créativité possède un pouvoir qui dépasse le raisonnable. Le pouvoir de l’ancien monde, celui de la balance et de l’argent, a été éclipsé par la vélocité des idées. S’imposer en tant que marque demande un climat où la créativité peut s’épanouir, où la diversité est la norme, et où les idées volent dans toutes les directions à chaque instant. La créativité et l’innovation sont de la responsabilité de chaque employé, tout le monde a son siège à la table des décisions. Tout le monde dans l’équipe de production apprend et s’épanouit de la même manière, reçoit la même reconaissance. C’est le socle d’un leadership créatif.
Etre participatif
Plus les marques amènent leurs consommateurs, clients et partenaires dans l’intimité de leur jardin secret, plus ce dernier sera vert. Le nouveau ROI est un retour sur implication, la base des fans lui est essentielle. Car ce sont eux qui ont un impact disproportionné sur la construction d’une marque gagnante. Il s’agit là d’influenceurs, de valeurs partagées, d’inspirer les communautés, du bouche à oreille, de la création de mouvement, de la co-création et du partage d’histoires. Pour reprendre une punchline de Steve Jobs : « fantastique. Clique. Boom ! ».
Etre visuel
Plus de la moitié du cortex est dédié à l’enregistrement d’informations visuelles. Les images, Instagram et les infographies ne sont pas devenues tendances pour rien dans le tsunami quotidien d’informations. Les gens sont aujourd’hui des adeptes de l’esthétique, ils comprennent et analysent les images mille fois plus vite que les textes. Et ils aiment partager des images cool. Nous sommes noyés dans un océan de beauté et d’universalité.
Etre rapide
Les valeurs qui n’ont pas de prix sont celles qui sont délivrées à l’heure. Le temps se fait de plus en plus rare pour tout le monde, il n’a jamais été aussi précieux. Dans la production, la distribution et la communication, les marques ont besoin de rapidité. Pour Tom Peters, la meilleure synthèse de cette nécessité est : tester rapidement, échouer rapidement, ajuster rapidement.
Etre émotionnel
Dans ce siècle des technologies, le potentiel pour une marque de satisfaire une demande émotionnelle croissante n’a jamais été aussi élevé. Il y a une extraordinaire capacité pour comprendre les gens, interargir avec eux, customiser, personnaliser et toucher. L’ironie, c’est que si la loyauté n’a jamais été aussi facile à perdre, elle n’a jamais été aussi aisée à gagner pour des marques qui placent l’émotion au centre de leurs réflexions et de leurs processus. Les marques deviennent des relations humaines, celles qui sont les plus fortes sont celles qui ont un mystère, une sensualité, une intimité… les choses qui comptent vraiment pour l’être humain. Plus une marque répand de l’empathie, de l’amour et de la magie, plus ces valeurs lui reviendront comme un boomerang, et elles seront encore plus solides. Il ne s’agit plus d’être irremplaçable mais d’être irrésistible, d’être une marque avec une loyauté qui dépasse la raison.