Le bouleversement des codes de l’emploi du secteur de la communication, du marketing et du digital, ont conduit Josselin Martin DGA de Hungry & Foolish à créer GENIUS il y a six mois. Une initiative salutaire.
C’est en se confrontant aux réalités du marché lorsqu’il est DGA au sein de H&F, qu’il prend conscience de l’immense décalage entre offre et demande dans ces métiers chahutés par l’accélération des technologies et des nouveaux modes de communication. Jeunes talents isolés qui ne savent pas comment taper aux portes des entreprises. Sociétés incapables de mettre un nom sur un besoin ponctuel ou de moyen terme. Avec Genius, Josselin Martin se propose de « marier » les uns et les autres en toute sécurité. Afin de confirmer son intuition, le DG de Genius a fait appel à BVA Opinion afin de définir les contours de ces métiers d’experts, et ces entreprises en difficulté d’identifier leurs besoins.
L’outplacement adapté à la com
« Nous avons pour ambition de réinventer la relation de travail entre entreprises et actifs sur notre secteur, en créant une communauté de talents, formés en continu et placés chez nos clients pour répondre à leurs besoins. », précise Josselin Martin, une première dans ce secteur, tout droit inspirée de l’outplacement pratiqué depuis fort longtemps dans d’autres secteurs. Ainsi des missions ponctuelles de 3 à 36 mois, des experts recrutés par des professionnels du secteur sont autant de réponses au besoin d’expertise et d’adaptabilité.
Le nomadisme oui mais accompagné
Une entreprise à saluer, tant la confusion règne au sein de la com. Car comme l’indique l’étude BVA-Genius, 78% des actifs de la communication, du marketing et du digital interrogés ont changé d’emploi au moins une fois au cours de leur carrière. Un nomadisme qui intervient chez les 18-34 ans qui sont près de 7 sur 10 à avoir déjà été dans ce cas (69%). « Le mode mission proposé ici est intéressant car cela permet de mêler la diversité et la capacité de choisir, c’est une possibilité de se constituer un véritable CV », détaille Danièle Linhart, sociologue et directrice de recherche au CNRS.
Le freelancing c’est +126% en 10 ans
Plusieurs motivations entrainent ce souhait de changement chez les actifs. En premier lieu, le désir d’une meilleure rémunération (63% des citations) et le souhait de gagner en compétences (60%). Près de la moitié citent également la volonté d’évoluer de statut dans leur activité (46%). Face à ce besoin de changement, certains choisissent le freelancing (+126% en 10 ans du nombre de freelances en France) ou encore l’outplacement, nouvellement disponible dans le secteur de la communication, du marketing et du digital.
Du côté des entreprises, elles sont 52% à penser avoir recours, dans les prochaines années, à des consultants extérieurs pour des périodes plus ou moins longues. Les sociétés y voient plusieurs avantages, dont : l’apport en expertise différente (76%), la possibilité de disposer de ressources supplémentaires rapidement (57%), la transmission de savoir entre les équipes salariées et les professionnels extérieurs (52%). Enfin, 44% des entreprises considèrent que l’expert extérieur insuffle une dynamique nouvelle au sein de leur organisation à travers les méthodologies atypiques des consultants extérieurs.
Guillaume Inigo chef de groupe à BVA Opinion a mené l’étude Genius auprès d’un échantillon représentatif de 224 salariés ou indépendants ayant un emploi dans les domaines du marketing, de la communication ou du digital. Cette enquête s’est déroulée du 22 au 28 mai 2018. Il répond aux questions d’INfluencia.
INfluencia : la mobilité des jeunes évoquée dans cette étude est-elle le fait d’un choix de vie de la part des nouvelles générations, ou d’un « à défaut de mieux » ?
Guillaume Inigo : il s’agit-là d’une question de fond à laquelle nul n’a vraiment de réponse : cette mobilité des carrières est-elle vraiment demandée par les actifs ? Se plient-ils simplement à l’offre du marché en adaptant leurs aspirations à ce qu’offre leur environnement ?… Vaste débat.
IN : en créant une structure d’accompagnement, de formation, et de placement de ses talents, Genius lance un signal fort au marché de la communication…
G.I. : effectivement, l’offre de Genius ne se contente pas d’être une simple plateforme de mise en relation…Elle repose et se démarque sur des éléments de sécurité pour les « talents » : grâce au CDI, au salaire assuré en mission ou inter-mission et aux formations qui permettent la ré-employabilité. C’est une offre sérieuse, responsable, à l’image des SSII qui existent depuis fort longtemps dans d’autres secteurs. C’est en cela qu’elle est à prendre au sérieux.
IN : quels métiers sont-ils le plus à même d’utiliser ce type de système de recrutement?
G.I. : je ne prophétiserai pas sur les métiers précisément, mais l’expérience de Genius et ce qui ressort de notre enquête donnent des indications :
Des secteurs avec une forte tension et en demande sur l’innovation (nouvelles technologies notamment) sont dans la cible.
Des secteurs avec des actifs plus jeunes que la moyenne, et plus diplômés disposent avec Genius d’une garantie de ré-employabilité plus aisée sur ce marché très mouvant.
Enfin, ceux où des acteurs installés sont régulièrement remis en cause par de nouvelles sociétés, à forte concurrence, avec de nombreuses créations de société, du type agences de com’ sont également des clients potentiels.
IN : dans cette étude vous avez examiné de près les secteurs de la communication. Qu’en est-il pour les jeunes français provenant d’autres univers?
G.I. : sur la mobilité des salariés dans leur ensemble, les tendances sont à observer sur le long terme, notamment l’expérience vécue de l’emploi par les actifs et la fragmentation des carrières… Prenons l’expérience du chômage. Elle s’est largement propagée puisque elle est de 10% pour les générations nées avant 1940, alors qu’elle grimpe à près de 50% pour les génération nées entre 70 et 80. (Dares, Drees, enquête SIP, 2006)
Le nombre d’employeurs en une carrière lui, était de 2.7 pour les générations nées avant 1940. Il est aujourd’hui de 4.1 pour les générations nées entre 70 et 80 toujours selon Dares, Drees, enquête SIP, 2006. Aujourd’hui, L’INSEE projette d’ailleurs une moyenne de 4.5. Dans notre étude, on remarque que les 2/3 des actifs des domaines du digital, de la com et du marketing ont changé plusieurs fois d’emploi. + 7 actifs de moins de 35 ans dans ces domaines ont déjà bougé au moins une fois.
IN : il y a plus de free-lance qu’avant. Est-ce un souhait, ou une obligation de marché?
G.I. : la question des freelances est compliquée, quelle définition adopter ? Travailleurs indépendants ? Auto-entrepreneurs ? Il est certain que le taux de ces derniers progresse et la création d’entités sous ce régime est stable d’année en année. Par ailleurs les nouvelles formes d’emploi (type Uber ou Deliveroo) bouleversent continuellement le marché du travail et ce type d’emplois indépendants. Fort heureusement la législation encadrant ce phénomène s’adapte d’année en année.
À la question de savoir si c’est une obligation des marchés, je m’appuierai sur les grands enseignements que l’on peut avoir à partir des études réalisées auprès des responsables RH. Il y a une vraie tension entre l’impératif d’agilité, flexibilité, l’accompagnement des salariés dans le changement, l’innovation… et les moyens mis en place en entreprises, notamment sur le risque à recruter des profils atypiques pour répondre à ces impératifs de changements rapides. Sans être une obligation, c’est certainement une demande du marché, dans certains secteurs en tout cas.
IN : cette banalisation du système ne met-elle pas les individus en danger sur le long terme ?
G.I. : le risque de pérenniser ce type de fonctionnement est évident. Les employeurs font l’économie d’une prise de risque, profitent de cet état de fait, et ne s’engagent pas forcément à embaucher ces profils dont ils ont besoin ponctuellement ou dans la durée.