Etude après étude, la science conforte l’ancrage du racisme dans l’esprit de la majorité blanche aux Etats-Unis. Un nouveau rapport pointe du doigt, cette fois, la fausse perception de l’autre à l’évocation de son prénom. Stéréotype, quand tu nous tiens…
« Il vaut mieux être homme de paradoxes que de préjugés », disait Rousseau. Malheureusement dans un Occident sclérosé par l’ethnocentrie et la peur, le piège de l’idée préconçue se referme sur une majorité de l’opinion publique. La dangerosité nauséeuse des débats sur l’immigration en Europe, la petitesse intellectuelle d’une France incapable de hauteur face au bouc-émissaire facile, l’infamie philosophique d’un ignorant milliardaire « moumouté » candidat à la présidence des Etats-Unis, toute cette répulsion, disons le familièrement, fait autant flipper qu’elle fiche le bourdon. Pour celui qui voudra ouvrir un bouquin d’histoire avant de jouer au Morano de comptoir, il saura que malheureusement l’Homme de 2015 n’invente rien. Depuis la démocratie athénienne, le préjugé le rabaisse à ses vils instincts. Les résultats d’une nouvelle étude nord-américaine sur la perception du noir par le blanc nous donnerait bien envie de remettre de la couleur dans ce nanar anachronique.
Chez l’Oncle Sam le préjugé pourrit les relations houleuses entre la minorité afro-américaine et la majorité blanche. Il ourdirait même une guerre civile, à coups de bavures policières. Outre-Atlantique, le dicton « dis moi comment tu t’appelles et je préjugerais de ce que tu es » est aussi vivant qu’un amour de François Valéry (beurk). La preuve avec une nouvelle étude réalisée par le département anthropologique de l’université UCLA sur la résonnance instinctive et raciste chez les blancs à l’évocation d’un prénom afro-américain.
Comme la France avec les prénoms à connotation maghrébine ou noire-africaine, les Etats-Unis n’ont pas résolu leurs problèmes de discrimination. Elle est culturelle. Quand Ta’Nisha dépose un CV elle a statistiquement moins de chance d’avoir le boulot que Linda. Quand DeAndre appelle sa mairie pour aborder un problème, il sera moins écouté que Greg. Et selon UCLA, aussi adorable et poli DeShawn soit-il, Mike sans même le connaître, le percevra comme violent et inéduqué sur la seule base de son prénom.
Le noir est grand et violent, le blanc sympa et éduqué
Réalisée auprès de 1500 volontaires âgés de 18 à 70 ans et auto-définit politiquement comme de centre-gauche, l’étude scientifique publiée dans le journal « Evolution et comportement humain » prouve que le racisme touche aussi ceux que le préjugé devrait épargner. Une des méthodes utilisée par l’équipe des chercheurs en anthropologie de UCLA consistait à faire lire des vignettes aux participants. Sur la moitié des stéréotypes de prénom afro-américain, comme Jamal, Darnell ou DeMar, sur l’autre des prénoms à consonance blanche comme Garrett ou Connor. Sollicité leur cerveau fiche spontanément la personne derrière le prénom. La plupart des sondés ont déclaré percevoir DeShawn comme grand et costaud, violent, agressif et sans éducation. A l’inverse Kellan était vu comme plus petit et plus frêle, gentil, respecté et ayant réussi.
« Je n’ai jamais été aussi dégouté par ma propre data », reconnait Colin Holbrook, co-auteur de l’étude, dans un communiqué. « Ce que les participants peuvent assumer de quelqu’un sur la seule base de son prénom est hallucinant. Par essence le système de représentation du cerveau possède un bouton d’activation qui peut switcher en fonction des stéréotypes. Celui à l’encontre des personnes noires est tellement ancré qu’il est très difficile pour nos participants de ne pas instinctivement avoir peur en pensant à un afro-américain. Pour eux, dangereux est égal à gros et gros est égal à dangereux. Donc même chez ceux qui comprennent le racisme et ses conséquences, il est important de reconnaître la possibilité que leur esprit est pollué par des stéréotypes inappropriés ». Il serait intéressant de faire la même étude chez nous en remplaçant Darnell par Mohammed.