Personnalisation, intelligence artificielle et futur des médias, Philipp Schmidt, CTO de Prisma Media Solutions, revient sur les fondamentaux d’une transformation réussie. Une bonne entrée en matière avant son intervention Sommets du Digital les 5, 6 et 7 février prochains où il reviendra sur ses choix audacieux qui ont permis aux titres de groupes de franchir un cap !
IN : à quel point peut-on personnaliser un message ? Avons-nous accès à suffisamment de datas pour répondre à cette personnalisation ?
Philipp Schmidt : tout d’abord, il faut clarifier que la personnalisation n’est pas toujours nécessaire. Elle a forcément un coût qui n’est pas toujours indispensable. Quand on vise une audience de masse pour un produit susceptible de plaire à un maximum de gens -comme par exemple la sortie du nouveau Star Wars- il vaut mieux se focaliser sur le reach absolu. La personnalisation est utile pour les autres cas et devient de plus en plus performante à condition d’avoir les bonnes datas et surtout de bien les utiliser. Un utilisateur attend aujourd’hui d’une marque d’être connu, ou encore mieux, reconnu pour tout ce qu’il a fait avec et donné à cette marque. Il sait bien que sa data, son attention et son temps ont de la valeur. Il attend donc une expérience qui prend cela en compte. Je prends souvent l’analogie que la rencontre entre un consommateur et une marque doit respecter les mêmes règles qu’une relation entre deux personnes : au début, on commence à se connaître, on prouve qu’on est digne de confiance, qu’on respecte l’autre et qu’on s’intéresse à lui. Mais, on ne l’adresse pas dès le premier contact avec des détails de sa vie de consommation, où il habite et de toutes datas qu’on a récupéré sur sa vie par des providers de data tiers (third party). C’est effrayant, et même si les infos sont peut-être justes, le consommateur se sent « stalké ». La data et ses possibilités imposent une approche de bon sens !
IN : de quels moyens disposons-nous aujourd’hui pour mesurer le ROI (Retour sur investissement) d’une publicité en ligne ?
P.S. : les moyens sont multiples mais encore faudra-t-il définir l’objectif pour pouvoir mesurer le bon ROI et puis aussi se mettre d’accord sur la mesure des données qui font loi. Certaines plateformes dans le digital mesurent elles-mêmes le ROI pour leurs clients. Ces plateformes sont naturellement moins crédibles face à une mesure par un tiers de confiance. En ce qui concerne les objectifs d’une campagne, je recommande d’essayer de ne pas en cumuler trop car cela devient moins efficace et lisible. Idéalement il faut avoir un parti pris dès le début : par exemple, plutôt reach ou plutôt engagement et puis on peaufine ensuite. L’avantage aujourd’hui avec la data, est qu’il est possible de trouver des solutions pour tout objectif et même de prédire certains ROI.
In : quel est d’après vous le support média à ne pas sous estimer ?
P.S. : là, c’est un avis assez personnel. Les deux médias qui auront les faveurs des personnes seront vraisemblablement l’audio et le print. L’audio, car les podcasts explosent et permettent d’accéder a des contenus très qualitatifs et très faciles à produire. Votre marque média préférée, gourou, idole ou expert suivi pouront facilement enregistrer leurs contenus et les rendre accessibles quasiment en temps réel avec vous. L’audio sera aussi poussé par les assistants d’intelligence artificielle (ex: Alexa) pour vous filtrer les informations ou piloter votre maison connectée. L’audio ne sera jamais exclusif en attention car on sera capable de faire son footing, conduire ou cuisiner en parallèle. En complément le print permet aux gens de décélérer avec une attention exclusive. Il sera le média des décisionnaires et précurseurs dans l’esprit « read to lead ». Face à l’ultra-connexion, ils auront besoin de se déconnecter pour mieux prendre du recul et pouvoir rester leaders d’opinion. Il n’y a pas mieux que le print pour cela.
IN : que pensez-vous de notre dépendance aux grands groupes tels que Facebook et Google ?
P.S. : par exemple, Facebook teste régulièrement des nouveaux modes d’affichage sur nos fils d’actualité. Avons-nous notre mot à dire ? Les réseaux sociaux seront-ils toujours privilégiés par les annonceurs ? Les grandes plateformes américaines et bientôt chinoises font partie de l’eco-systeme. Elles sont a la fois partenaires et concurrentes pour les médias et les annonceurs. Ce qui est fondamentalement crucial pour un marché publicitaire digital sain et transparent, c’est :
1) qu’elles se fassent mesurer par des tiers de confiance. Sinon la présentation des résultats restera toujours biaisée.
2) qu’elles contribuent a l’économie nationale en payant les impôts en France à hauteur du CA réalisé, grâce aux consommateurs français.
3) et surement le plus important, qu’elles commencent a distinguer (par un label par exemple) si une source d’infos/contenu est crédible, donc vérifiée et rédigée par des journalistes ou pas. L’actuel polémique démontre que Facebook a un intérêt vital pour protéger sa position dominante pour aider les gens à savoir si une source est sérieuse ou non. Nous, les médias, pourrons contribuer et travailler ensemble pour assurer cela. Nous sommes ouverts à la réflexion sur la façon dont les contenus se développeront dans l’intérêt des consommateurs. La situation actuelle nuit lourdement à la crédibilité des plateformes.
IN : croyez-vous en la fin des marketers, remplacés par l’intelligence artificielle ?
P.S. : non, sûrement pas. L’intelligence artificielle va nous assister sur tout le travail d’analyse de datas et de détection de signaux faibles. Même pour l’évaluation d’options, via des probabilités de succès basées sur des benchmarks, mais elle ne sera pas capable d’innover et de créer des nouvelles idées, produits ou marques disruptives. Toute la partie de traitement des datas va nous faire gagner du temps et de l’efficacité. Mais le marketer va pouvoir démontrer tout sont talent sur toute réflexion qui nécessite du recul, de l’intuition et de savoir penser « out of the box ».
In : question cash/réponse cash : Prisma Media, « bi-media », jusqu’à quand ?
P.S. : : Prisma Media n’est plus mono, ni bi-media. Nous nous considérons comme groupe full-media, avec la manifestation de nos marques là où le consommateur les attend et où il y a cohérence. Un » flow » (élu magazine de l’année, concept basé sur la psychologie positive via la déconnexion) ne peut que vivre pleinement sur le print car il faut toucher et sentir pour mieux se retrouver… sans écran. Et pourtant il s’adresse aussi aux jeunes femmes. Un » Business Insider » en revanche, qui pulse les news eco & tech pour la nouvelle génération des décisionnaires, n’existe qu’en digital et c’est cohérent. Un » Harvard Business Review » va sûrement élargir sa légitimité incontestable du print et du digital aussi vers l’événementiel et les conférences. Toutes nos autres marques existent aujourd’hui dans le « on » et le « off » car cela correspond à la vie des gens. La vraie question n’est pas celle du support mais plutôt de la bonne temporalité et de la juste expérience. Quand et pour combien de temps le lecteur souhaite quel type d’expérience avec une marque média. Les médias ont toujours eu l’intelligence de s’adapter aux attentes des consommateurs.
IN : pourquoi venir aux Sommets du Digital ?
P.S. : nous avons défini chez nous, trois piliers de notre culture, qui ne changeront jamais :
1) People first, notre conviction que nos équipes et talents font la différence.
2) First in audience, donc l’obsession de l’audience pour justement être le leader grâce au fait de les écouter et puis
3) L’openness donc une ouverture naturelle qui nous pousse à rester curieux, humble et à découvrir des nouvelles opportunités. » Les Sommets du Digital » est un événement que je ne connais pas encore bien mais dont j’ai entendu parler. Les valeurs d’échange, d’intelligence collective et de bienveillance m’ont interpellées.
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