Emprunté à René Goscinny et Albert Uderzo, cette phrase souvent prononcée par des légionnaires romains dans Astérix et Obélix fait aussi référence aux slogans du ministère français de la guerre « engagez-vous, rengagez-vous dans les troupes coloniales ». Certes le contexte est moins amusant que celui de la bande dessinée, mais la notion d’engagement a traversé les siècles sans prendre une seule ride ! Retour sur le sens de la notion au coeur des Chatons d’Or 2017.
Cela donne bien une première interprétation du mot : un jeune homme s’engage dans l’armée, une personne, un collectif s’engagent pour une cause, une idée, un idéal -l’engagement politique est merveilleusement décrit par Platon dans l’Alcibiade, ou plus tard par Jean-Paul Sartre dans Les mains sales-, une entreprise engage un collaborateur. La contractualisation juridique est proche. Un éventuel contrat de mariage pourra conclure l’engagement dans une vie commune. Un sens courant de l’anglais « engagement » n’est-il pas fiançailles ? Le terme a aussi un sens de début, de lancement : engager une conversation, engager un match, engager une relation. Nous voyons bien que l’engagement est, par origine, de nature dichotomique : c’est oui ou non.
L’engagement, au sens large du mot, est compris comme une participation, qu’elle qu’en soit la forme, à une activité impliquante souvent liée à une association : sportive, culturelle, politique, de loisir, cultuelle, humanitaire, caritative, syndicale, etc … Les Français sont-ils engagés ? Plusieurs enquêtes de l’INSEE permettent de répondre, avec une distance temporelle, à cet engagement associatif. En 1983, 43 % des personnes âgées de 16 ans ou plus sont membres d’au moins une association, à titre payant ou gratuit. Trente ans après, en 2013, ce taux est de 42 %, une stabilité remarquable.
Le seul véritable changement au cours de ces trois décennies : la différence hommes/femmes est moins marquée, passant en 1983 de 53 % pour les hommes et 34 % pour les femmes à 44 %/40 %. Enfin, pour environ de la moitié des personnes « engagées », le mode d’implication est le bénévolat, rendant ainsi indirectement hommage à Khalil Gibran qui a écrit dans Le Prophète (1923) : « Vous donnez, mais bien peu, quand vous donnez de vos possessions. C’est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez véritablement ».
L’impact du numérique sur l’engagement
L’arrivée du numérique a fait évoluer la notion d’engagement, transformant son interprétation dichotomique en un continuum, selon le degré d’engagement. Un internaute se limitant à appuyer sur un bouton pour se déclarer « ami », pour « liker » un commentaire, un avis, un produit, un lieu, est probablement moins engagé que celui qui s’en fait le chantre, le porte-parole, crée un buzz et se comporte en leader d’opinion.
De même, la recherche d’un petit nombre de sponsors à important apport financier, et donc très engagés dans un projet, peut être concurrencée par une multiplicité d’acteurs à engagement faible : c’est le crowdfunding, dont le principe est d’ailleurs plutôt ancien et très proche de celui des tontines créées par le banquier napolitain, Lorenzo Tonti, au XVIIème siècle et encore efficacement en vigueur en Afrique.
Une notion d’actualité
Le passage d’un engagement discontinu, tout ou rien, à un engagement à multiples degrés lié aux technologies digitales ou à la nouvelle économie a-t-il modifié certaines données statistiques du public se déclarant engagé ? Pour cela, Médiamétrie a réalisé en mai 2017 une enquête par internet, auprès de plus de mille personnes de 15 ans ou plus, portant sur l’engagement des individus de manière générale, et plus particulièrement sur leur engagement pour les médias et sur l’engagement des médias. Les résultats de cette étude seront présentés le 13 juin lors de la soirée des Chatons d’Or. Nous pouvons déjà en retenir quatre enseignements.
Le premier est que, 4 ans après les études de l’INSEE en 2013, le taux de personnes se déclarant associativement engagées est constant : 42 %. La graduation de la notion d’engagement ne semble pas, pour l’instant, avoir fait évoluer les comportements. Le second est que l’écart entre femmes et hommes existe toujours, et que le bénévolat gagne du chemin, mode d’implication utilisé par 61 % des engagés.
Le troisième est que l’engagement est intentionnel : 39 % du public engagé l’a fait en tant qu’adulte, et en ayant parfaitement conscience de l’importance de cet acte. Le quatrième est qualitatif : lorsqu’il est demandé quels sont les mots qui viennent spontanément à l’esprit quand on dit « engagement », on trouve quatre dominantes de termes. En premier lieu, apparaissent les notions positives telles que fidélité, promesse, respect, durée, confiance, couple, union, mariage, de jolis noms décrivant et témoignant du plaisir de l’engagement et de la valeur qui lui est accordée; puis il est fait référence à la dimension d’obligation, de contrainte : une perception plus coercitive de l’engagement, ensuite la notion de responsabilité; et enfin, le contrat, déjà mentionné en introduction.
Comment ne pas conclure par une pensée pour Stéphane Hessel, l’auteur du bien connu Indignez-vous (2010), mais aussi d’Engagez-vous ! paru en 2011 aux éditions de l’Aube ?