22 avril 2018

Temps de lecture : 6 min

Facebook continue de tirer des plans sur Internet

Les déboires traversés par Mark Zuckerberg avec l’affaire Cambridge Analytica, n’empêchent pas le démiurge du web de penser diversification. Voilà ses plans.

Les déboires traversés par Mark Zuckerberg avec l’affaire Cambridge Analytica, n’empêchent pas le démiurge du web de penser diversification. Voilà ses plans.

Selon un sondage Ifop publié le 13 avril dernier dans le Parisien Magazine, un Français sur quatre envisage désormais de supprimer son compte Facebook. Pire, les deux tiers de nos compatriotes ne font plus confiance au réseau social. Les mea-culpa et actes de contrition de Mark Zuckerberg ne suffiront sans doute pas à rétablir la confiance des utilisateurs. Faute de changement de tête, un changement de direction s’impose. Implémenter de nouvelles fonctionnalités « user friendly » déjà proposées par d’autres, faire évoluer son modèle économique, diversifier son offre… Pour tourner la page du scandale où elle est engluée, la firme de Menlo Park n’a d’autre solution que de se remettre en question !

« Copier-coller » : à qui le tour ?

Ces dernières années, les réseaux sociaux ont beaucoup perdu de leur singularité en multipliant de grossiers copier-coller des uns et des autres. Snapchat en a fait les frais : ses QR codes, stickers, filtres ou format « Stories » ont allègrement été « empruntés » par Instagram, filiale de… Facebook. Des pratiques honteuses ? Kevin Weil, le vice-président d’Instagram, assume le plagiat : « Je pense qu’il serait vraiment idiot, parce que quelqu’un l’a déjà fait, de se priver de bonnes idées lancées par d’autres. L’industrie du tech fonctionne ainsi ». Question : en 2018, d’où viendra l’inspiration de Facebook pour proposer de nouvelles fonctionnalités à ses utilisateurs ? Plusieurs possibilités…

– Tribe, vous connaissez ? Cette messagerie made in France, puissamment intuitive, a déjà su se distinguer des concurrents. Sa particularité ? Transformer les vidéos courtes en textos, faciles à créer et à échanger. Le cofondateur, Cyril Paglino, souhaite d’ores et déjà aller un cran au-delà. Il a récemment dévoilé ses ambitions : créer une « game boy social », c’est-à-dire des jeux vidéo en mode chat à partager avec ses amis. Il surfe donc délibérément sur deux tendances phares, la vidéo et le gaming.

– Une autre application aux ingrédients similaires passionne actuellement les Américains : HQ trivia. L’idée ? Proposer un quiz sur mobile qui se rapproche d’un « Qui veut gagner des millions » en direct et sur mobile. On y retrouve les codes des jeux télévisés, avec une heure précise d’antenne (15 h et 21 h en semaine, 21 h le week-end), le tout porté par un présentateur comédien qui fait le show. Et puis… quoi de mieux que de se divertir pour oublier la crise ? D’autant que de nombreuses monétisations seraient envisageables : jeux de marque via des dispositifs de brand content (version évoluée des filtres de marque sur Snapchat), thématiques parrainées par des marques, etc.

– La Chine apporte également son lot d’inspiration, avec notamment Pinduoduo. Avec plus de 200 millions d’utilisateurs enregistrés en deux ans, c’est l’application chinoise leader en S-commerce. Elle est devenue l’une des start-up à la croissance la plus rapide du pays en croisant les logiques de Facebook et de Groupon. Le concept ? Les utilisateurs repèrent des ventes en ligne, puis font appel à leurs amis pour acheter les produits à prix réduit. Hautement addictives et d’une grande viralité, les fonctionnalités inédites de la plateforme, comme les tombolas ou le marchandage entre amis, apportent une véritable dimension sociale à l’acte d’achat et pourraient permettre à Facebook de décoller (enfin ?) dans le social commerce.

Faire basculer le modèle économique

Facebook utilise les données personnelles de ses utilisateurs pour se rémunérer, et en l’état actuel, l’éventualité d’un abonnement payant pour accéder à ses services semble hautement improbable. Le média PhonAndroid, dédié à l’actualité de l’IOS mobile Google, s’est penché sur la question et a lancé un quiz sur Twitter à destination de ses audiences (un échantillon de 300 personnes), leur demandant si elles seraient prêtes à payer pour protéger leurs données personnelles : à 90 % elles ont répondu par la négative. Le ton est donné. Les utilisateurs ne sont pas prêts à payer pour accéder à un réseau social.

Mais que se passerait-il si Facebook venait à développer des services à haute valeur ajoutée dans le but de monétiser un accès premium ? Zuckerberg a annoncé récemment qu’il y aurait toujours une version gratuite de Facebook… ce qui laisse entendre qu’une version payante pourrait voir le jour. La directrice des opérations de Facebook, Sheryl Sandberg, l’a d’ailleurs suggéré la semaine dernière lors d’une interview à CNBC. Il semblerait du reste que les jalons de cette nouvelle offre soient déjà posés ; et la multiplication de ces options associées à la plateforme n’est pas anodine.

Mark Zuckerberg a investi dans les droits sportifs (Major League Soccer et Major League Baseball), ou dans le contenu premium à la demande avec une qualité prétendument comparable à celles de HBO et de Netflix. Orientations qui trahissent une volonté forte de fournir plus de loisirs et surtout, plus de qualité à ses audiences. Avec, à terme, la possibilité de valoriser un abonnement destiné aux utilisateurs, façon Netflix ou Amazon Prime. Pas question néanmoins de faire du réchauffé ni de lasser les spectateurs. À l’occasion du MIPTV (Marché international des programmes de télévision), qui vient d’avoir lieu à Cannes, le directeur de la stratégie de contenu de Facebook, Matthew Henick, a précisé que la plateforme ne souhaitait pas reproduire une programmation TV mais bel et bien créer une offre de « divertissement social ». La réalité virtuelle et augmentée, centrale dans les priorités de FB, donnerai ainsi une nouvelle dimension au service et attirerait des audiences.

Diversifier au-delà de Facebook

Autre axe envisagé depuis plusieurs années, la diversification. Une direction stratégique forte décryptée depuis plusieurs années dans le rapport annuel des tendances social media de Kantar Media.

• Dans un premier temps, cette orientation stratégique s’est matérialisée par l’acquisition d’autres réseaux sociaux comme Instagram ou WhatsApp, permettant d’asseoir la suprématie du groupe et de faire face à une baisse de popularité du réseau phare Facebook. Aujourd’hui, la croissance de Facebook pourrait emprunter d’autres voies, au-delà de son core-business.

• Parmi les projets publics les plus connus, on retrouve le drone solaire dans le cadre du programme Aquila ; il vise à déployer un accès Internet dans les zones qui en sont dépourvues, renforçant ainsi la dépendance à Facebook. On peut également citer les projets liés à la réalité virtuelle avec Facebook Spaces qui brouille davantage la frontière avec la réalité.

• Il y a également une volonté de s’inscrire davantage dans le physique et ainsi d’étendre son influence « phygitale » c’est-à-dire en étant omniprésent. Les assistants vocaux et autres smart display font naturellement partie des plans du géant de Menlo Park. Mais parmi les grandes ambitions de Zuckerberg, on trouve également celle de construire une véritable « ville Facebook ». Baptisée « Willow Village », cet espace compterait plus de 1 500 logements implantés autour du siège social, avec toutes les commodités nécessaires, pharmacie, épicerie, etc. Par souci du « social », 15 % de ces logements seraient proposés à des tarifs inférieurs à ceux du marché dans une région réputée pour son immobilier aux prix exorbitants. Un projet moins fantaisiste qu’il n’y paraît : Alphabet, maison mère de Google, a également annoncé démarrer la construction de sa smart city à Toronto cet été…

• Autre hypothèse : le développement d’une stratégie d’incubateur de start-up dont le premier jalon, « Start-up Garage from Facebook », a été posé en janvier 2017 au cœur du campus parisien « Station F ». Si à l’origine le projet devait servir à soutenir des start-up françaises spécialisées dans la valorisation de données, rien n’empêche de faire évoluer le secteur… et de multiplier les initiatives dans d’autres pays.

• Enfin, les labos de recherche en intelligence artificielle de Facebook offriront également pléthore de possibilités de diversification. Si l’Artificial Intelligence Research (FAIR), le hub européen de Facebook implanté à Paris, se consacre uniquement à la recherche fondamentale à vocation expérimentale, le laboratoire Applied Machine Learning, situé près de Seattle, privilégie la recherche appliquée. À la clé, découvertes scientifiques et nouveaux business…

Autant dire que pour Facebook la crise actuelle n’est sans doute qu’une brève parenthèse. Au-delà des rebonds opérationnels déjà envisagés, les manœuvres de séduction ont d’ores et déjà commencé pour redorer son image. Dédiée à l’amélioration de l’expérience utilisateur, une équipe « well-being » (bien-être) vient d’être mise en place chez Instagram, sans doute pour le protéger de la mauvaise presse de son grand frère Facebook. Et il n’est plus impossible que Mark Zuckerberg affirme davantage l’indépendance de ses différents services. Un rebranding façon Google avec Alphabet ou Snapchat avec Snap n’est pas non plus à exclure. Changer d’image pour une nouvelle vie… What else ?

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