22 septembre 2016

Temps de lecture : 3 min

Louise Delage ou l’alcoolisme mis en scène sur Instagram

Depuis le 1er août beaucoup d’instagrameurs s’interrogent : qui est Louise Delage ? La réponse vient de tomber : Louise est une addict à l’alcool. Mais on peut l’aider pourvu qu’on ne passe pas à côté. Détail d’une opération piège et d’un storytelling très réaliste et implacable développé là où sa cible peut l’entendre et se mobiliser : un réseau social.

Depuis le 1er août beaucoup d’instagrameurs s’interrogent : qui est Louise Delage ? La réponse vient de tomber : Louise est une addict à l’alcool. Mais on peut l’aider pourvu qu’on ne passe pas à côté. Détail d’une opération piège et d’un storytelling très réaliste et implacable développé là où sa cible peut l’entendre et se mobiliser : un réseau social.

Sensibiliser les jeunes à l’alcoolisme et leur démontrer qu’il est simple de passer à côté de ce qui détruit un proche. Mission parfaitement remplie par BETC Paris pour le Fonds Actions Addictions qui rassemble et agit avec plusieurs associations, familles, patients, victimes et professionnels contre tous types d’addictions depuis 2014. Et de façon très astucieuse en les piégeant depuis un mois et demi sur Instagram, exactement là où ils se sentent à l’aise et partagent beaucoup de leurs aventures joyeuses ou un peu moins.

En effet, pas moins de 7500 personnes ont peu à peu suivi sans le savoir un personnage fictif, Louise Delage, joué par une actrice qui veut rester anonyme, dès que le compte de celle-ci est apparu début août. Appréciant à qui mieux mieux toutes les situations dans lesquelles leur nouvelle « amie » se mettait en scène (vidéos et photos) et qu’elle s’empressait de publier. Devenant ainsi très vite populaire. Normal en qualité de digne représentante des millennials dont elle fait partie. Puisque que Louise, parisienne « stylée » de 25 ans, voyage, travaille, a des amis, des collègues, aime la lecture, la piscine, le bateau, la Bretagne, Berlin, Saint Tropez, la fête, la vie quoi !… Et est adepte des selfies aussi… faisant d’elle une instagrameuse hors pair générant même plus de 50 000 like ! Sauf que ses « followers », a priori proches d’elle comme le seraient des amis, sont passés à côté de l’essentiel : son alcoolisme. Car si elle apparait bien tout le temps dans des situations glamour, conviviales et bien en phase avec sa génération, c’est à chaque fois avec un verre à la main ou une bouteille dans un coin de son décor, certes présentés de façon plus ou moins discrète et plus ou moins esthétique. Mais l’alcool sous toutes ses formes est bel et bien présent, agissant dans l’ombre.

Un storytelling implacable et efficace. D’aucuns diront que c’est léger de parler d’un fléau aussi sérieux et grave à travers un personnage fictif. Mais cette opération est très pertinente dans l’exploitation d’Instagram. D’abord, elle a l’audace de s’adresser sans détours à sa cible et d’appuyer là où ça fait mal en suivant sur un réseau social -une première pour une association- un individu dans le quotidien de sa dépendance. Ensuite de s’en servir à des fins mobilisatrices pour alerter et impliquer les proches qui, sous couvert de connivence, d’insouciance ou d’impuissance faute de recours, glissent sur ce qui les dérange. Tel est justement le rôle du film de révélation : « Like my addiction ».

Le réseau social utilisé pour sa capacité à suivre un individu au quotidien et à des fins mobilisatrices

« En mettant bout à bout toutes les photos du profil en un hyperlapse glaçant, le film fait enfin prendre conscience de la difficulté de déceler l’addiction de quelqu’un, même quand on le côtoie tous les jours (comme dans le fil Instagram) et de la nécessité de se faire aider », explique l’agence qui a piloté cette opération en pro bono, produite par Francine Framboise avec Stéphanie Huguenin comme productrice, pour le compte d’Addict Aide. Un portail grand public créé en avril 2016 par le Fonds Actions Addictions, il aide les internautes à évaluer leur degré de dépendance quelle que soit la substance et à trouver le programme ou la structure qui pourront les aider à décrocher.

Crucial d’informer sur les solutions, car selon l’association : « l’anglicisme du mot « Addict » lui donnerait presque un côté cool, sympathique, comme d’une apparente innocuité. Pourtant, on estime qu’en France les addictions sont responsables d’un mort sur cinq, et d’un acte de délinquance sur deux, principalement chez les jeunes. Or en pratique, il n’est pas simple de déceler l’addiction d’un proche. La proximité́ avec la situation ne permet pas de prendre du recul, un recul pourtant nécessaire pour pouvoir faire le lien entre tous les signes qui caractérisent une addiction ». Alors même si à première vue tout semble normal et sympa… il faut rester vigilant pour agir avant qu’il ne soit trop tard.

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