41% des Français sont régulièrement confrontés à des textes dont ils ne comprennent pas la signification, selon une étude du cabinet Occurrence. Cette incompréhension crée de la méfiance envers les marques.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Certaines marques, administrations et autres politiciens semblent vouloir compliquer la vie de leurs clients, de leurs administrés et de leurs possibles électeurs en utilisant un langage technique, suranné voire même abscons. Prononcer des mots rarement usités a longtemps été considéré comme une preuve de culture voire même d’intelligence. Mais étaler son vocabulaire comme de la confiture sur une tartine ne risque t-il pas au contraire de porter préjudice à celui qui affiche son amour des belles lettres ? Les Français comprennent-ils les textes qu’ils lisent et quelles sont les réactions des personnes qui ne saisissent pas les écrits qu’on leur envoie ?
C’est à ces questions qu’a tenté de répondre le cabinet d’études et de conseil Occurrence à travers une enquête menée pour l’agence de communication Avec des Mots auprès de 1059 Français âgés de 18 à 65 ans. « Les agences et les annonceurs parlent sans cesse d’accessibilité et de fluidité mais ils oublient souvent que ces propriétés s’appliquent aussi au langage qui est un bien commun mais qui n’est pas forcément partagé de la même manière par tout le monde », souligne Assaël Adary, président d’Occurrence « Cette étude nous a permis de comprendre ce que sous-entendaient les résultats de nombreuses enquêtes effectuées depuis vingt-quatre ans, à savoir l’absence de clarté des écrits des entreprises ».
Le Fisc mérite un bonnet d’âne
Les chiffres de ce sondage donnent à réfléchir. 41% des Français sont régulièrement confrontés à des textes dont ils ne comprennent pas la signification. De fortes disparités existent selon le niveau d’études. 1 non diplômé sur 2 avoue ainsi ne pas saisir la signification de certains documents alors que cette proportion est de 1 sur 4 pour les bac + 4/5. Si 4 Français sur 5 comprennent une phrase écrite en langage clair, seul 1/3 de la population comprend les énoncés les plus complexes.
Parmi les mauvais élèves, l’administration fiscale est en haut du podium et obtient une note de 11,5 sur 20 en matière de communication claire. Les assureurs (12,5/20), les banquiers (13/20) et les opérateurs téléphoniques (13,5/20) font à peine mieux. Les employeurs sont ceux qui semblent faire le plus d’efforts pour être compris (15/20).
L’âge n’arrange rien
Certains chiffres sont encore plus inquiétants : 30% des personnes interrogées trouvent peu voire pas compréhensibles les notices de médicament et les modes d’emploi d’appareils électroménagers. L’âge aggrave encore un peu plus cette situation puisque 40% des 55-65 ans ne comprennent pas ou pas bien les notices de leur four ou de leur réfrigérateur. Les contrats d’assurance sont, eux, tout à fait compris par seulement… 4% de la population et pas du tout compris par 16%. Certaines « perles » relevées par Occurrence expliquent ces données.
Voyez plutôt cette note de la banque HSBC : « Votre PEL arrive à échéance le 05.09.2018. Sans aucune action de votre part, votre Plan sera automatiquement prorogé, dans les mêmes conditions, pour une période d’un an, si, et seulement si, à cette date, le plafond des versements de votre Plan permet de réaliser une année supplémentaire de versements ». Eh oui…. tout comme le règlement de cette cantine pas plus clair : « L’accès au self est subordonné au versement d’un premier règlement de la communication de votre Q.F. A défaut de communication, et conformément aux consignes de la Région Ile de France, c’est le tarif « J » qui sera appliqué (4,00 € le repas). Attention : avant que le solde ne soit nul les élèves veilleront à réapprovisionner leur compte en déposant un nouveau chèque, sous peine de se voir refuser l’accès au restaurant scolaire. Les soldes sont reportables d’une année sur l’autre. Pour les élèves qui quittent l’établissement en fin d’année scolaire, il conviendra dès le mois de mai d’acheter des repas en fonction des besoins réels. Attention : il ne peur pas être procédé à des modifications de tarifs sur les repas déjà consommés (pas d’effet rétroactif) ». Compliqué, vous avez dit compliqué ?
Vive la simplicité
Même pour les personnes qui sont capables de comprendre ce « charabia » administratif, la lecture de ces textes est un labeur. Toutes les catégories de Français, quel que soit leur âge ou leur niveau d’études, préfèrent ainsi lire des textes qui utilisent un vocabulaire simple et clair. Ils sont par exemple 88% à préférer le terme « accord » à « agrément », « mortel » à « létal » ou encore « attribution » à « octroi ». Le choix des bons mots a une importance énorme sur la réaction des personnes qui les lisent. 81% des Français affirment avoir confiance en une entreprise ou une marque lorsqu’ils comprennent bien sa communication écrite, sans qu’il n’y ait aucune différence significative entre les profils des répondants. « Les gens se disent souvent : « si je ne te comprends pas, je ne te crois plus », affirme Assaël Adary « En n’étant pas compréhensible, on risque d’exclure certains lecteurs qui se disent que la marque fait exprès de ne pas être comprise. L’incompréhension crée un début de défiance ».
D’où cette nécessité de simplifier les discours insiste Stéphanie Guillaume, dirigeante d’Avec des Mots : « Tout le monde préfère lire des textes simples et clairs, lorsqu’il s’agit de communications administratives ou pratiques. On ne parle pas ici de littérature : ce qu’on attend tous, lorsqu’on lit son courrier ou un contrat, c’est de pouvoir le comprendre dès la première lecture, et passer à autre chose ». C’est aussi pour elle, un enjeu démocratique : « Ecrire de manière à être compris par le plus grand nombre, cela devrait être une obligation pour certains secteurs d’activité. Comme cela l’est déjà dans d’autres pays ».
Utiliser un vocabulaire limité ne représente t-il toutefois pas un nivellement vers le bas ? A vouloir toujours simplifier, les marques ne risquent-elles pas d’appauvrir leurs messages ? Les personnes plus éduquées peuvent-elles penser que les entreprises les prennent pour des idiots lorsqu’elles lisent des textes trop « basiques ». « Une marque doit adapter son langage en fonction du public à qui elle s’adresse », juge Assaël Adary « Mais une entreprise n’est pas là pour faire le travail de l’Education Nationale. Son rôle n’est pas d’apprendre mais d’être comprise ». En clair : peut vraiment mieux faire !