Face à l’urgence climatique et alors que l’inaction politique continue de s’étouffer dans des discours à l’hypocrisie écoeurante, Greenpeace s’insurge en campagne. Jugée « trop politique » par médiatransports, coup d’oeil sur une prise de parole vrombissante signée Strike.
Hollande, Sarkozy, Macron, les mandats se succèdent, et le flot de paroles apathiques suit sagement. Des paroles, des promesses, des tons assurés, puis rien. En attendant, la terre et son monde vivant se meurent.
Pour mettre en avant ce bla-bla continu, Greenpeace dévoile un film de 60 secondes suivi d’un dispositif d’affichage print et numérique, le tout signé Strike. L’idée : illustrer le décalage entre les discours et les actes des décideurs politiques. Comment ? En proposant différentes séquences d’événements extrêmes faisant apparaître les mots « BLA BLA » s’effondrant sous le poids du dérèglement climatique. En guise de bande son, des extraits de discours ambitieux sur le climat des présidents français.
Incisive, subtile, une prise de parole qui entend bien faire bouger les lignes d’un gouvernement défaillant dans sa mission de sauvegarde urgente de l’envrionnement. Pourtant, le propos semble un peu trop engagé pour la régie publicitaire du métro parisien et pour des cinémas qui ont refusé cette campagne, la considérant « trop politique », bien que les visuels aient été jugés conformes par l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité).
Pour en parler, on a échangé avec Jérôme Gonfond précédemment directeur de la création de la chose, désormais à la tête de Strike, son agence.
IN : comment avez-vous pensé cette campagne ? Un événement majeur qui vous a poussé à investir le front de l’inaction politique ? (Un timing, une envie, un insight ?)
Jérôme Gonfond : depuis de trop nombreuses années, les dirigeants politiques font de beaux discours sur le climat, mais les mesures qui sont prises derrière sont systématiquement insuffisantes. Ils sont là pour rappeler à chacun sa responsabilité en tant que citoyen de trier ses déchets, de changer son comportement, de veiller à ne pas surconsommer… mais ils sont incapables de prendre des décisions structurantes pour diminuer drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et enclencher la transition écologique.
Le temps n’est plus au discours et aux promesses. Ces promesses, si elles ne sont pas suivies d’actes véritables, sont destructrices, car le temps nous est compté et les dégâts sont déjà visibles par tous. Si nous n’agissons pas immédiatement, nous ne parviendrons pas à éviter de voir la planète se réchauffer de 3 à 7° d’ici la fin du siècle. C’est ce qu’illustre cette campagne de communication. Elle crée un lien visuel immédiat entre ces discours creux et leurs impacts sur l’environnement.
IN : qu’avez-vous à dire face au refus ubuesque de la régie Mediatransports et plusieurs cinémas de diffuser cette campagne pour cause de « c’est trop politique » ?
J.G. : c’est difficile pour moi de comprendre ou d’interpréter ce refus. Nous sommes dans le cadre d’une urgence, le temps n’est plus au discours ou à la discussion mais à l’action. Le paradoxe, c’est qu’on peut afficher des campagnes pour des SUV ou des compagnies aériennes qui contribuent au changement climatique mais pas cette campagne pour Greenpeace. On peut afficher toutes les campagnes de l’industrie de la mode, et parfois même des campagnes sexistes, mais c’est cette campagne pour Greenpeace qui est refusée par Mediatransport.
Ça me laisse un peu dubitatif. Apparemment je ne suis pas le seul. Et quand bien même, la campagne vivra en affichage à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille Montpellier et Toulouse ainsi que sur les canaux digitaux.
IN : quelques mots sur votre choix d’accord entre images et voix off ?
J.G. : les discours que nous avons sélectionné sont les discours de nos trois derniers présidents de la République, leurs appartenances politiques n’ont aucune importance. Ce qui est important en revanche c’est que, malgré cette prise de conscience dont Nicolas Sarkozy parlait déjà dans son discours suite au Grenelle de l’environnement en 2007, malgré le discours de François Hollande à l’ouverture de la COP21, malgré celui encore d’Emmanuel Macron à l’ouverture de la 74ème assemblée générale des nations unies, les années passent et la situation s’aggrave. Les images ne font que montrer l’urgence qu’il y a à arrêter de promettre un changement à venir et commencer à agir dès aujourd’hui.