Les entreprises et les marques ne se sont jamais si bien comportées qu’en ce moment ! Empathiques, empressées, engagées, elles multiplient les témoignages de considération et les gestes de solidarité. Depuis quelques semaines, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! L’avalanche de belles actions et de bons sentiments est parfois excessive mais, reconnaissons-le, à part de rares faux-pas, la communication sonne plutôt juste au temps du coronavirus !
Habituellement taxée d’opportunisme, voire de cynisme, la communication a su éviter l’écueil de la récupération. De fait, les médias et les réseaux sociaux regorgent d’initiatives réellement pertinentes. Non seulement utiles et généreuses, les actions sont légitimes et donnent aux concepts jusque-là suspects de raison d’être, d’utilité sociale et d’engagements RSE, une incontestable validité. La crise totale induite par le covid-19 exacerbe la quête de sens, révèle le désir de partage, l’envie de s’exprimer, la soif de lien social. Ironie de la situation, la distanciation sociale favorise la proximité. Non pas une proximité de circonstance, facile à afficher, mais le partage d’une épreuve de vérité entre les entreprises et leurs publics, au-delà de la marque et du marketing.
Réconciliation du marché et de la société autour d’un consensus social
L’urgence rend possible la réconciliation du marché et de la société autour d’un consensus social qui fait foi parce que fondé non pas sur le dire mais sur le faire. Par sa brutalité, son intensité et sa portée, la crise donne aux entreprises et aux marques l’opportunité de révéler le meilleur d’elles-mêmes. C’est une bonne nouvelle si l’on admet que c’est précisément à l’épreuve des faits que s’apprécie la réputation. La question, c’est comment conserver durablement ce corporate behaviour qui redonne ses lettres de noblesse à la communication ? La crise, si forte soit-elle, est un moment paroxystique. Celle-ci laissera des traces indélébiles, c’est sûr, mais qu’adviendra-t-il une fois le choc passé ?
La parole a remplacé le message
Beaucoup parient sur un avant et un après covid. Ce sera plus vraisemblablement un « avec ». Alors, dans la période inédite qui s’ouvre, les communicants sauront-ils capitaliser sur ce qui fait la pertinence de cette covid-attitude, née de l’adversité ? Oui, si la communication des entreprises et des marques ne renoue pas avec ses vieux démons : l’autocentrisme, la vantardise et le sans-gêne. Décriée, souvent jugée insincère, inintéressante, inadaptée, la communication revalide dans la crise sa raison d’être : dire, fédérer, entraîner. Elle y parvient d’autant mieux que la crise a fait évoluer la posture, modifiant les conditions d’expression et de recevabilité des discours. Les entreprises et les marques ne sauveront pas le monde mais peuvent agir, là où on a besoin d’elles. Ça fonctionne parce qu’elles se montrent responsables sans trop la ramener, solidaires avec humilité, contributives à un projet commun. La parole a remplacé le message.
Nous sommes tous voisins dans le village
En mettant la société face à ses fragilités, la pandémie rappelle que nous sommes tous voisins dans le village global. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, de la part des entreprises et des marques, c’est la solidarité dont elles font preuve envers leurs voisins, que l’ancrage soit local ou sectoriel : Royal Canin France, implantée près de Montpellier, aide l’ARS d’Occitanie et le CHU de Nîmes, entre autres, Coca Cola France assume sa responsabilité en aidant les cafés-restaurants à traverser la crise par son soutien à l’initiative hashtag#JaimeMonBistrot consistant à maintenir à flot la trésorerie des établissements en leur précommandant des consommations. Le voisinage est un lien par le lieu. Ces élans de générosité ne peuvent avoir qu’un temps. En revanche, fonder la communication sur des relations de bon voisinage est non seulement possible mais profitable. Le covid-19 empêche les grands rassemblements, certes, mais les formats de communication relationnels ont de l’avenir, qu’ils soient physiques ou digitaux : tutos, pop-up stores en ville, portes ouvertes à l’usine, rencontres informelles avec sa communauté in real life… Lorsque le don de masques ne sera plus nécessaire, c’est le cadeau d’une relation authentique qu’il faudra continuer à offrir.
Voisinage écosystémique
Si communiquer, c’est créer les conditions de la relation et, in fine, de l’acceptabilité sociale, alors, pour une entreprise, une marque, cela revient à voisiner : être proche sans être intrusif, à l’écoute sans être indiscret, toujours prêt à rendre service sans être insistant… Proximité n’est pas promiscuité : les relations de bon voisinage impliquent du savoir-vivre ! Le voisinage n’est pas que géographique, il est écosystémique. C’est désormais un fait établi, nous vivons dans un monde vulnérable où chacun – chaque partie prenante – doit se soucier de l’autre au risque de provoquer des catastrophes. S’efforcer d’être un bon voisin, c’est admettre que nous partageons une communauté de destin. Maintenant que la notion de « communauté » s’est imposée dans la manière de penser une communication toujours plus relationnelle, il faut faire entrer les concepts de voisinage et de sociabilité corporate dans la grammaire des communicants ! Le voisinage est une éthique (qui ferait confiance à un voisin malhonnête ?), c’est aussi une dynamique sociale porteuse de sens et créatrice de liens, un vivre-ensemble rassurant, stimulant et même joyeux… pour peu que le voisin ait de l’humour et le goût de nous divertir ! Dans l’épreuve, les entreprises et les marques ont su adopter la bonne attitude parce qu’elles se sont comportées en bons voisins. Pourvu que ça dure !