Elle est blonde, attirante et moyennant une somme d’argent, vous passerez du bon temps avec elle. L’annonce de ce site de charme sur internet est tentante. Mais lorsqu’on clique dessus, sa réalité fait froid dans le dos. Tel est le pitch de la dernière campagne digitale menée pour Mouvement du Nid par McCann-Paris. Si elle est coup de poing, elle a aussi un but pédagogique.
« Etre prostituée aujourd’hui, c’est être victime d’extrême violence. En injectant de l’argent dans la prostitution, les clients sont complices de cette violence ». Clair, net et précis. Dans leur dernière campagne Girls of Paradise, l’association Mouvement du Nid et McCann-Paris confrontent les clients à la réalité des violences subies par les personnes prostituées. L’idée ? Bousculer les individus à un moment où ils se sentent le plus en sécurité et bien loin des problèmes de la société : derrière un écran d’ordinateur. La parade ? Créer un site d’escort d’un genre un peu particulier, où toutes les filles présentées sont en fait… mortes, victimes des pires atrocités dans l’exercice de leurs « fonctions » : assassinats, viols, agressions, suicides…
Sur la plateforme bidon, le mimétisme avec un site de charme est bluffant : photos aguicheuses, descriptions détaillés, mensurations… Le client a la possibilité de chatter en live ou de discuter au téléphone avec la « promise » qui n’est autre qu’une personne de l’association. La suite est ainsi beaucoup plus glauque et les échanges, à but informatif et mobilisateur, donnent le ton : « Je pense que toi et tes copains, vous ne pourrez pas voir Inès ce soir. Elle a été retrouvée morte dans l’appartement où elle recevait ses clients de 53 coups de couteaux ». Stupeur au bout du fil et avec plus de 600 appels et des milliers de messages échangés, on imagine que ce genre de témoignage devrait marquer les consciences, permettre de lever le voile sur ce milieu malfamé et encourager les individus à ne plus profiter de ce genre de pratiques. Pour rappel, depuis le 6 avril 2016, la France a voté la première loi qui pénalise les clients de la prostitution et plus de 200 personnes ont déjà été verbalisées (entre 300 et 500 euros). Une campagne coup de poing. Mais aussi et surtout pédagogique qui doit changer les comportements et surtout utilise le potentiel du numérique pour surprendre et engager la conversation.
Il y a quelques jours, le Fonds Actions Addictions et l’agence BETC Paris réussissaient un coup de maître avec la création d’un personnage fictif sur Instagram, Louise Delage. Derrière ce profil branché et si courant sur le réseau social, on découvrait, en toile de fond, son addiction pour l’alcool. Un mécanisme implacable rendu possible par la force des réseaux sociaux, qui permettent d’immerger l’internaute dans un univers finalement banal pour mieux le surprendre et lui mettre une « claque ». Et c’est exactement ce que réussit à faire Mouvement du Nid en utilisant les habitudes digitales des clients comme levier de sensibilisation. Preuve que les grandes causes peuvent sortir de leur pré-carré et mettre en place des dispositifs bien dans leur époque. Ce n’est pas pour rien que la campagne Girls Paradise sera distinguée par un Gold Clio Awards 2016, le 28 septembre prochain à New York.