21 décembre 2016

Temps de lecture : 3 min

Un hologramme pour combler la solitude

Au Japon, la première assistante-hologramme virtuelle répond aux besoin d'une génération d'hommes solitaires enfermés dans un monde où l'intelligence est artificielle. L'innovation est une avancée technologique mais une régression sociologique.

Au Japon, la première assistante-hologramme virtuelle répond aux besoin d’une génération d’hommes solitaires enfermés dans un monde où l’intelligence est artificielle. L’innovation est une avancée technologique mais une régression sociologique.

C’est donc cela la vie de l’homme pressé individualiste et ultra connecté de demain ? Quand notre espèce en est réduite à préférer une femme en hologramme comme partenaire de quotidien, le rôle pernicieux de l’innovation technologique se pose. Doit-elle dépasser la fatuité de la seule réponse de l’offre à la demande ? Doit-elle, au lieu de le conforter dans ses racines pourries, dénoncer un besoin pathétique, celui qui reflète la solitude de ces moutons en costard-cravate qui bondent les métros et les bus des mégalopoles du monde entier ? L’arrivée sur le marché japonais de l’assistante virtuelle, Azuma Hiraki, ouvre le débat.

Azuma a 20 ans, elle aime les donuts, déteste les insectes et rêve de « devenir la compagne des gens qui travaillent dur », dixit son site officiel. Elle peut allumer à distance les appareils électriques connectés, gérer la consommation d’eau ou d’électricité, et même surfer sur le web et envoyer des emails à la demande. Elle vous conseille également de prendre un parapluie avant de partir au boulot, vous textote pour vous dire de rentrer plus tôt, que vous lui avez manquez. Elle vous appelle même « chéri » quand une fois rentré chez vous, vous vous précipitez devant son cylindre transparent pour la regarder. Malgré ses traits de caractère et ses capacités fonctionnelles, Azuma est un donc un hologramme, une première dans son genre.

Conçue par la société japonaise Vinclu, présentée comme un appareil ménager pour smart home doublé d’une femme virtuelle pour mâles solitaires, l’assistante se présente en 3D grâce à son boîtier, Gatebox, qui utilise la technologie holographique. Officiellement, Azuma Hikaru constitue la réponse nippone à Siri, l’application de commande vocale d’Apple, à Cortana, l’assistant personnel intelligent de Microsoft, et à Alexa, l’assistant vocal intelligent d’Amazon Echo. Née de l’imagination du dessinateur de manga, Minoboshi Tarôpar, l’hologramme aux cheveux bleus a été créé pour apporter du réconfort à son « maître » solitaire.

Les Otaku, ces geeks qui préfèrent le virtuel au réel

Marketée comme une femme au foyer pour travailleurs forcenés rongés par la solitude, Azuma affiche une attention presque amoureuse qui en fait plus une partenaire sentimentale de substitution qu’une assistante virtuelle. Grâce à son intelligence artificielle et sa multitude de capteurs, la jeune femme à la jupe très courte est capable de détecter certaines humeurs et comportements de son propriétaire, entraînant une communication plus complexe et fluide avec son homme. C’est ce que montre la vidéo officielle (voir ci-dessous) de présentation. Déjà disponible en pré-vente en 300 exemplaires seulement sur le site de Gatebox (au prix de 2400 euros), Azuma ne parle que japonais pour l’instant.

Alors que le Japon pourrait perdre un tiers de sa population d’ici 2060, la faute à un taux de natalité très bas, la première assistante-hologramme virtuelle pourrait connaître un vrai succès dans l’archipel. Car la demande est là, malheureusement. Selon une étude publiée en 2010 par le ministère de la santé, du travail et des affaires sociales, 36% des jeunes hommes japonais âgés de 16 à 19 ans ne montrent aucun intérêt pour le sexe avec une partenaire physique. En deux ans, le chiffre a pratiquement doublé, alors que 27% de ceux qui sont en couple font l’amour au moins une fois par semaine.

Selon la BBC qui s’est intéressée au phénomène des Otaku, ces geeks nippons qui adorent les mangas et les ordinateurs, la stagnation économique qui frappe le pays depuis 20 ans a poussé une génération d’hommes à choisir l’immersion dans leur propre monde virtuel, plutôt qu’une interaction avec le monde réel. Une autre récente étude estime d’ailleurs qu’avec 32% les célibataires sont aujourd’hui majoritaires au pays du Soleil Levant. Quand ils sont des hommes, la majorité d’entre-eux sont ouverts à l’adoption de personnages virtuels dans leur vie. Flippant ?

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